Ben Ali vient de se réfugier piteusement en Arabie saoudite , parce que manifestement incapable de juguler la crise gravissime dont la cause occasionnelle est le suicide commis par un jeune diplômé, privé de ce qui faisait sa survie quotidienne. La cause réelle de l’insurrection inattendue se situe profondément dans la privation de liberté, une atteinte inacceptable à la dignité humaine. Arrivé au pouvoir par un coup d’état, Ben Ali a règné absolument en dictateur pendant 23 ans, en mettant tout en œuvre pour réduire au silence le peuple tunisien.
La liberté d’expression était un vain mot, puisque tous ceux qui formulaient la moindre critique à l’encontre du pouvoir étaient matraqués et jetés en prison. Ce qui est fâcheux, c’est qu’aux yeux de certains pays occidentaux qu’il ne nous plaît pas de nommer, le président Ben Ali se préoccupe du sort du peuple tunisien, en promouvant, à leur avis, certains droits économiques et socio culturels qu’ils qualifient d’essentiels. Les récents événements viennent de prouver éloquemment le contraire. La pauvreté, la faim, le chômage, le silence imposé par la force et autres maux dont l’énumération serait fastidieuse constituent le lot quotidien des tunisiens. On est indigné d’entendre certains pays dire que, matériellement, le peuple tunisien dans l’ensemble se porte bien, et que cela n’est pas rien. Qu’il y ait eu une satisfaction limitée à quelques égards, et que l’on
s’en autorise pour dire que « ça va bien est un langage malsain». C’est dire que globalement les droits de l’homme n’ont pas fait l’objet d’une attention soutenue de la part du président Ben Ali. L’absence quasi-totale de la liberté d’expression est extrêmement grave. Tout être humain, où qu’il soit, est atteint dans sa dignité s’il est interdit de parole. L’individu se valorise à travers la parole qui, une fois supprimée, constitue un mépris de la pire espèce. Pour Monsieur Ben Ali, la démocratie, les droits de l’homme et la liberté ont leur place dans la poubelle, alors qu’ils constituent des facteurs positifs dans l’épanouissement de l’être humain à tous les égards. Les jeunes, et le peuple tunisien dans son ensemble viennent de dire qu’il est temps que cela cesse. Il faut, par ailleurs, convenir que, si certains pays et quelques institutions disaient la vérité à Ben Ali sur les réalités quotidiennes tunisiennes, il n’y aurait pas eu un pourrissement de cette ampleur, parce que les moyens de l’éviter auraient été trouvés à travers des réformes adéquates. Malheureusement, ils ont préféré se taire pour ne pas mettre en danger leurs intérêts. La communauté internationale doit se garder de croire que la fuite de l’ancien chef d’état est une fin en soi. Bien au contraire, il faut trouver les voies et moyens d’aider le peuple tunisien à jouir de la liberté et autres droits fondamentaux dont il a été privé pendant plus de deux décennies. La tâche, comme on le constate, ne sera pas du tout facile, étant donné que de nombreux partisans de l’ancien régime font de la résistance de propos délibéré par tous les moyens possibles et imaginables. Ceux à qui incombe actuellement la gestion du pouvoir, et qui ont contribué d’une manière ou d’une autre à la mise en œuvre de l’ancienne politique de mépris avéré de la dignité humaine ont l’ultime devoir de se convertir, de se persuader que les temps ont changé et qu’il est impérieux d’instaurer un régime de liberté et de démocratie pour le bien de chacun et de tous. Le changement ne se fera pas sans persévérance, sans détermination à toute épreuve. Il est impératif que l’armée et les forces de sécurité publique fassent allégeance aux nouvelles autorités constitutionnelles de manière à briser les poches de résistance organisées par les proches de Ben Ali tout à fait désireux de récupérer le pouvoir . Il ne faut pas que cette révolution populaire échoue. C’est une bonne chose que certains hauts gradés de l’armée, partisans du chaos soient déjà arrêtés pour qu’ils répondent de leurs actes. Une épuration qui est en réalité un travail de longue haleine s’impose et ne saurait toutefois s’ identifier à la chasse aux sorciers. La France qui est tout à fait disposée à surveiller les fonds frauduleusement placés à l’intérieur de ses frontières par les acteurs de l’ancien régime doit aller plus loin à sa manière et inciter en même temps les autres pays de l’union européenne à faire de même. En d’autres termes, les différentes composantes de la communauté internationale doivent aider le peuple tunisien à se mettre debout, à recouvrer le respect de sa dignité. Car, à l’heure actuelle, les violations des droits de l’homme, ne constituent plus un problème interne, mais plutôt une préoccupation internationale, en raison de l’évolution du droit international relatif aux droits de l’homme qui est une l’une des branches humanitaires du droit international contemporain. Il faut donc une mobilisation générale, pour aider à instaurer en Tunisie un ordre plus humain, sous-tendu par les droits de la personne humaine.
L’état de droit strictement respecté contribue sans coup férir au développement. Il comporte quatre caractéristiques : la hiérarchie des normes, la séparation des pouvoirs, l’égalité devant la loi et les droits de l’homme. Ne pas en tenir compte, sombrer dans la dictature, c’est s’exposer tôt ou tard à ce qui est arrivé à Ben Ali. Car, il faut se garder de croire que l’on peut martyriser le peuple impunément à perpétuité. Lorsque celui-ci se révolte un jour, il est difficile de le vaincre. Les dictateurs africains, les pinochets d’Afrique et de certaines régions de notre planète doivent tirer leçon du drame que l’on observe depuis quelques semaines en Tunisie. L’état de droit permet d’instaurer un ordre normal propice à l’épanouissement. Ben Ali, pendant plus de deux décennies a préféré un ordre d’un autre genre, et cela, en dépit des dénonciations, des rappels à l’ordre provenant des organisations internationales de défense des droits de l’homme comme Amnesty international, la fédération internationale des lignes des droits de l’homme etc. le résultat , en fin de compte, c’est ce que l’on observe maintenant.
Le bonheur du peuple réside dans la mise en œuvre des droits de l’homme liés de toute évidence à l’état de droit tel que brièvement défini plus haut. Rien n’est encore rose après la fuite en Arabie Saoudite de Ben Ali. L’insécurité règne encore à cause des tenants invétérés de l’ordre ancien qu’il convient absolument de mettre hors d’état de nuire par des moyens appropriés. La conversion de l armée dans sa totalité constituera pour le nouveau régime en appui d’importance capitale. Il est à la fois nécessaire et indispensable de vaincre les poches de résistance, en vue d’instaurer un ordre nouveau fondé sur les droits de l’homme et les libertés publiques fondamentales. Des réformes structurelles seront entreprises pour la résolution des problèmes liés à la pauvreté et au développement, avec le concours de la communauté internationale. Retenons tous, que ce qui est arrivé à Ben Ali, n’est rien d’autre que la rançon des atteintes délibérées à la liberté et aux droits fondamentaux. Que ceux qui sont les tenants résolus du pouvoir à vie sur le continent africain s’efforcent d’en tenir compte. A bon entendeur, salut.
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