Côte d’Ivoire : En attendant la guerre

La guerre aura lieu. Les jours de la paix sont désormais comptés. La Côte d’Ivoire attend ses morts. Ses blessés. Ses dégâts collatéraux. Et bien sûr, son président unique. Cela fait bien deux mois que le second tour de l’élection présidentielle ivoirienne a eu lieu dans les conditions que tout le monde sait. Depuis, un président élu et un président proclamé se disputent la victoire. La plus aigüe et la plus médiatique crise postélectorale jamais enregistrée sur le continent africain bat son plein.

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A la racine, des questions de nationalisme exacerbé, de luttes de clans, de choc des cultures et des religions. En évidence, le jeu d’un mauvais perdant qui s’accroche à des considérations juridico-politiques insensées pour conserver son pourvoir. Porté en bout e bras, un président sans république véritable qui cristallise les frustrations d’une grande partie de la société trop longtemps tenue à l’écart de la gestion des affaires publiques. Et enfin en embuscade, une communauté internationale farouchement décidée à faire respecter ce qu’elle a certifié comme résultat sorti des urnes.

La Côte d’Ivoire, deux mois après la présidentielle qui devait la sortir de la crise n’a fait que s’y enfoncer davantage. Rien, ni personne n’a réussi jusqu’à présent à faire entendre raison au perdant ni calmer l’agacement du vainqueur. Et les jours passent. Les médiations aussi. Sans succès. Sans le moindre changement. Sans issue autre que la voie des armes. Ce qui avait été rejeté, refusé, évité, finira par se produire. Et pour cela, chacun se prépare. Dans chaque camp.

Dans cette confrontation attendue, le président Laurent Koudou Gbagbo, assuré déjà d’avoir acquis le minimum indispensable en matière d’armements de toutes sortes, compte ses hommes. Au premier rang, le général Philippe Mangou, Chef d’Etat-major des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) restées fidèles au président sortant. Philippe Mangou que la communauté internationale, pour avoir manqué d’intelligence, n’a pas su retourner subtilement contre Laurent Gbagbo. En effet, en évitant de le placer sur la première liste des personnalités ivoiriennes frappées par des sanctions, l’Union européenne l’a contraint à multiplier les gages et les actes de loyauté envers son président. Il ne fait plus l’ombre d’un doute, sauf stratégie militaire, que le général Mangou sera le tacticien en chef de la résistance de l’armée ivoirienne face à d’éventuelles forces ennemies. Aux côtés de Philippe Mangou, un autre général. De la rue, celui-là. Le Ministre de la jeunesse du gouvernement Gbagbo, le truculent Charles Blé Goudé. Champion toutes catégories confondues des shows mobilisateurs et galvaniseurs de la jeunesse pro-Gbagbo réunie au sein des Jeunes Patriotes. On dit qu’il peut compter sur quelques milliers de jeunes fanatisés, prêts à prendre les armes et à donner leur vie au combat. L’atmosphère générale des meetings qu’il ne cesse d’animer ces dernières semaines laisse accréditer cette thèse. Enfin, le président Gbagbo peut compter sur les fameux mercenaires étrangers (libériens et angolais, dit-on) surentrainés et surarmés qui ne manqueront pas, à sa demande d’apporter leur expertise et leur savoir-faire.

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En face, la première ligne sera tenue par les Casques blancs de l’ECOMOG, bras armé de la CEDEAO, qui ont déjà fait leurs preuves en Sierra-Leone et au Libéria. L’essentiel des troupes devant être fourni par le Nigeria. A elles seules, elles disposent des moyens de remporter rapidement la bataille classique contre les forces loyalistes. Même si elle veut bien s’en passer, la CEDEAO pourra également compter sur les troupes déployées dans le cadre des opérations de maintien de la paix de l’ONUCI qui assureraient de ce fait une fonction logistique post-combats dont en se préoccupant, l’ECOMOG pourrait perdre du temps dans la poursuite de ses objectifs. Enfin, resteront en alerte les Forces nouvelles, instamment invitées à ne pas prendre part aux hostilités pour ne pas provoquer les débordements d’une guerre civile et fratricide.

La guerre aura lieu. Les troupes de Gbagbo la perdront. Trop peu nombreuses, pas assez formées et bientôt en mal de soldes, elles ne tiendront pas bien longtemps. Mais la guerre n’en finira pas pour autant. Abidjan n’est peut-être pas Bagdad, mais tenir un pouvoir acquis suite à un recours aux armes sera extrêmement compliqué pour Alassane Dramane Ouattara et les siens. Le rejet identitaire risque de nourrir les actions d’éclat que les partisans de Laurent Gbagbo, les soldats défaits, les fanatiques traduiront sans doute en attaques ciblées, en attentats, bref, en actes de terrorisme. Et la police ivoirienne des prochaines années, la gendarmerie des mois à venir serait invariablement entre les mains des puissances protectrices étrangères.

Les perspectives militaires concernant la Côte d’Ivoire ne sont pas rassurantes. Mais un homme peut encore éviter le spectre de la violence interminable au pays. Un seul homme. Un homme de plus en plus seul. Laurent Koudou Gbagbo.

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