Sur instructions de l’union africaine, le Sénégal devrait juger Hissen Habré, auteur présumé de crimes de droit international. Depuis l’annonce de cette décision, on ne cesse de soulever des problèmes de toutes sortes, notamment celui du financement. La cour de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest a créé la surprise en déclarant qu’il faut mettre en place un tribunal spécial en remplacement d’une juridiction purement sénégalaise.
Avant d’aller plus loin, il importe de noter avec amertume que l’union africaine se croit autorisée à se mettre au-dessus du principe de la séparation des pouvoirs. D’ailleurs, la cour de la CEDEAO, dans sa décision, n’a pas occulté « l’ingérence d’un organe politique, la conférence des chefs d’Etat – dans la sphère du judiciaire ». le Sénégal, par la voix de son président a cru devoir exprimer avec fermeté sa volonté de se débarrasser du dossier Habré. Suite à tant de péripéties, le Tchad et la Belgique se proposent de poursuivre l’ancien chef d’Etat tchadien, étant entendu que le premier pays semble attendre le feu vert de l’union africaine, tandis que le second se fonde à juste titre sur le droit international, ce qui visiblement, n’a pas l’agrément de notre organisation continentale qui croit que le dossier Habré est sa chose exclusive.
Que penser de la demande d’extradition formulée par la Belgique ?
En tout premier lieu, il convient de soulever quelques généralités. L’ancien chef d’Etat Tchadien est un auteur présumé de crimes de droit international, crimes qualifiés comme tels, à cause de leur incrimination par un texte international et de leur pire atteinte à la dignité. En raison de la nature de ces crimes, Hissen Habré peut être poursuivi par n’importe quelle juridiction nationale remplissant les conditions requises, y compris donc celle de la Belgique. Ce pays, comme le Sénégal, est partie à la convention des nations-Unies contre la torture et autres peines cruelles, inhumaines ou dégradantes. La justice sénégalaise, ne voulant plus juger Hissen Habré, il ne lui reste rien d’autre à faire que de répondre favorablement à la requête d’extradition émanant de la Belgique. En outre, il est convenant de mentionner que tout Etat, ayant adopté le principe de la juridiction universelle, peut et doit connaître des crimes de droit international, où qu’ils aient été commis, indépendamment de la nationalité des auteurs et de celle des victimes. Puisqu’il s’agit du domaine judiciaire, précisément de la justice internationale qui est l’affaire de tous les Etats, il faut que l’on cesse de clamer que le dossier Habré est exclusivement celui de l’union africaine qui est un organe politique purement et simplement. Affirmer de manière ostentatoire qu’un haut dignitaire africain ne doit pas être jugé dans un pays blanc, constitue un abus de langage qui fait sourire, parce que dépourvu de fondement juridiquement sérieux. Il faut redire à dessein que tout auteur de crimes internationaux doit en répondre devant n’importa quelle juridiction remplissant les conditions requises. Si, à des moments donnés, des gouvernements africains ont commis l’erreur gravissime de remettre des blancs, auteurs de crimes graves aux gouvernements occidentaux à leur demande pour jugement sur leur territoire, il faut stigmatiser qu’il y a eu de la part de ces gouvernements africains une absence inacceptable de volonté politique et de détermination. Il leur appartient alors de s’en prendre à eux-mêmes. Leur erreur ne saurait en aucun cas sous-tendre un jugement de valeur tendant à considérer que le cas Habré est purement africain, et doit être par conséquent traité par des africains. Ce n’est pas une exagération que de dire sans ménagement non à un tel raisonnement, non à une telle vision du monde et des choses. Alors, l’union africaine doit laisser le Sénégal extrader sans condition Hissen Habré vers la Belgique pour y être jugé en bonne et due forme. S’agissant de la lutte contre l’impunité, donc d’un domaine d’importance avérée, il est normal que le Sénégal prenne souverainement ses responsabilités en extradant Hissen Habré sans attendre la bénédiction de l’union africaine. En rigueur de termes, l’union africaine doit reconnaître formellement le droit de la Belgique de poursuivre Hissen Habré, et ce, d’autant plus que les plaignants sont belges, et que le critère de nationalité figure en bonne place dans la loi restreinte de compétence universelle adoptée par la Belgique. Alors où se situe le problème ? La répression des crimes internationaux étant sans frontières, point n’est besoin, de ressasser que le dossier Hissen Habré relève de la responsabilité exclusive du continent africain.
Conclusion
Certaines victimes de l’ancien chef d’Etat tchadien n’étant plus, il convient d’agir vite et bien afin que justice soit rendue aux survivants. L’Etat belge, ayant l’infrastructure requise et la capacité indiquée dans le domaine de la répression des crimes internationaux, étant en outre, partie comme le Sénégal à la convention contre la torture, le gouvernement sénégalais, aux termes du droit international, a l’obligation d’extrader Hissen Habré vers la Belgique, puisqu’il n’est pas en mesure de le juger lui-même. Cela s’appelle la conformité à la logique juridique. Les temps ont changé. La lutte contre l’impunité doit prévaloir à tout moment et sans condition au nom de la paix et du développement intégral que nous appelons tous de nos vœux.
Il convient d’avoir à l’esprit que, plus l’on traîne, plus grand devient le risque de voir mourir davantage de victimes qui n’auront pas eu droit à la justice. Hissen Habré qui n’est pas immortel , peut quitter ce monde sans avoir eu à répondre de ses actes. Il faut donc le juger vite et bien.
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