Quand Me Adrien Houngbédji revêt sa toge d’avocat

Adrien Houngbédji, le temps d’une interview largement médiatisée, a revêtu sa toge d’avocat délaissée depuis un quart de siècle. Et cette fois, non pour défendre la veuve et l’orphelin, encore moins un Etat pétrolier, mais pour porter sa propre cause, pour se défendre. La parole est à la défense et la défense est assurée par Me Adrien Houngbédji pour les intérêts du politicien Adrien Houngbédji. Le délit pour lequel le politicien comparaît et dont l’avocat tente de le laver, c’est celui des démissions répétées dans un pays où l’on n’a pas la culture de la démission.

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La plaidoirie est énergique et incisive. Morceaux choisis à propos de la démission du gouvernement Kérékou le 8 mai 1998, deux ans seulement après avoir contribué grandement au retour au pouvoir du général : « … cela ne s’est pas passé sur un coup de tête, mais pour rester conforme aux valeurs éthiques que nous défendons en entrant dans ce gouvernement. Par conséquent, je n’ai aucun regret de ce point de vue-là… ». Sur la mairie de Porto-Novo qu’il dut quitter après en avoir été élu maire début 2003, l’avocat justifie la décision de l’homme politique par la fidélité à la mémoire de Moucharafou Gbadamassi. C’est pour la mémoire de cet homme, son compagnon des premières heures dans l’aventure politique, qu’il fallait éviter que la ville tombât dans l’escarcelle du pouvoir d’alors, emmené par un Gaston Zossou alors très en vue. Et c’est donc le péril Zossou qui détermina l’entrée d’Adrien Houngbédji dans la bataille des municipales et communales de décembre 2002 à la demande du parti. De plus, par fidélité à la mémoire de Gbadamassi qui voulait de ce poste, lui Adrien ne pouvait pas s’y fourrer

 

Sachant qu’il était président de l’Assemblée nationale, deuxième personnalité de l’Etat, potentiel chef de l’Etat par intérim, on peut en déduire qu’il a préféré être deuxième au niveau national plutôt que premier chez lui. On sent que l’avocat du politicien veut convaincre ceux qui sont dans le prétoire et surtout le tribunal. Ce tribunal, c’est le peuple. Mais le peuple l’a-t-il entendu ? Si oui, l’a-t-il compris ? La plaidoirie de l’avocat, qui répond en l’espèce à une prégnante logique de communication politique, est faite en français uniquement, une langue que la majorité de la population ne comprend pas. On nous dira peut-être que ceux qui comprennent cette langue, dans notre contexte, sont de grands électeurs et qu’ils sauront convaincre d’autres. Mais cela ne va pas de soi.

Par ailleurs, s’il est vrai qu’on fait généralement de la politique pour engranger des victoires et pour faire triompher son camp après tout, avec le recul, l’on demandera à Adrien Houngbédji si, tout en quittant la mairie et en donnant son onction à Bernard Dossou alias Dobert, il pense encore avoir vu juste, notamment par rapport au choix de l’homme qui lui succéda. On peut aujourd’hui affirmer que celui-là n’a sinon rien apporté au parti, du moins pas grand-chose puisqu’il s’en ira battre pavillon adverse, passant à l’ennemi avec armes et bagages. Et ceux qui sont déçus par le chétif bilan de Dobert à la tête de la municipalité peuvent légitimement se dire que si Adrien Houngbédji avait été là, les choses auraient été meilleures.

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De même, sur la démission du gouvernement Kérékou, l’avocat à passé sous silence, les critiques qui voulaient que ce fussent surtout des considérations relatives au partage du pouvoir qui présidassent à cette démission. Il aurait été utile, me semble-t-il, de s’attarder là-dessus pour expliquer si oui ou non, il en a été ainsi.

Mais l’avocat a, apparemment, choisi de s’attarder sur les arguments qui lui paraissaient les plus à même de convaincre ses juges. Et, sur ce registre, il a un argument de poids. Sa démission de ses fonctions de procureur de la République, en 1968… pour des questions de principe et de conscience alors que le confort lui était assuré. Il avait 26 ans seulement. A cet âge-là, il osa résister aux injonctions du gouvernement militaire qui l’employait et qui lui demandait de requérir 20 ans de prison contre un de ses anciens membres tombé en disgrâce. Le procureur qu’il était, doublé de la qualité de commissaire du gouvernement auprès du tribunal militaire d’exception, osa se démarquer de la position dudit gouvernement pour ne pas faire condamner un « innocent » et pour être en harmonie avec sa conscience. La suite des événements lui donnera raison puisque le tribunal d’exception sera dissout et les condamnés réhabilités. Et l’avocat de l’avocat politicien d’enfoncer le clou : « A partir de l’exemple que je viens de vous citer, posez la question aux jeunes. Voilà ce qu’il a fait, est-ce qu’il aurait dû faire ça ? Est-ce qu’il aurait du se taire et qu’on enferme pendant 20 ans un homme qui n’a rien fait pour régler des comptes ? » Par cette prétérition l’avocat veut mettre, définitivement, le prétoire de son côté.

C’est vrai qu’ici, nous n’avons pas la culture de la démission, même quand c’est pour des questions de principe ou pour être en phase avec sa conscience. Aussi, Adrien Houngbédji peut-il paraître un extraterrestre pour s’être comporté comme il l’a fait. On dit qu’en politique, c’est la fin qui justifie les moyens. Si, en cas d’élection, il était la vedette du grand soir, Adrien Houngbédji pourra soutenir a posteriori qu’il avait raison. Si, au contraire, il était recalé, il devrait, en faisant le point de son parcours et en s’arrêtant sur les raisons qui y auront contribué, s’arrêter tant soi peu sur ces événements. Pour le moment, il peut se prévaloir de son caractère bien trempé qui fait de lui une forte personnalité et inviter les autres à savoir résister pour le bien collectif. C’est ce qu’il fait en disant que « Ce dont le Bénin a besoin aujourd’hui, c’est des hommes politiques, des ministres qui disent : Non ça suffit ! ». La défense a parlé. Au tribunal de juger maintenant dans le secret de son délibéré. Ce tribunal, c’est le peuple s’il se retrouve dans l’isoloir…en son âme et conscience.

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