Arracher au Prince sa propension de trop se mirer

Notre confrère de l’Office de Radio et Télévision du Benin (ORTB) clame à tue-tête qu’il est «La Chaîne des Grands Evénements». Beaucoup de faits en la matière sont à mettre à son actif, même si on ne veut  pas en faire cas. Il a effectivement souvent créé l’événement plutôt que d’en être le conteur et témoin vivant. On le lui a concédé juste pour son nombril. Sans plus. Le grand événement de l’année, celui qu’il convient de ne rater sous aucun prétexte est celui lié au journal télévisé du dimanche dernier.

Publicité

Au menu, un seul élément: la sortie du candidat Fcbe, celui de la mouvance au pouvoir et les élucubrations assourdissantes de ses affidés. Du jamais vu. Cette édition de la chaine qu’on croirait de «service public» a occupé un temps d’antenne de 50 minutes. Chrono en main. De quoi saouler les téléspectateurs qui n’ont pas de quoi zapper et pour qui l’équilibre de l’information même est déjà biaisé. Question de principe!

 

Le présentateur du télé-journal et toute son équipe devaient susciter de la pitié. Ils ne devraient pas être que des militants Fcbe! Le respect qu’on doit aux autres devrait commencer par là. Juste aussi une question de mesure et de gestion stratégique du personnel. On aurait pu craindre que ne l’ayant pas compris, les responsables de la Télévision nationale aient couru le risque de voir tous les gars –du réalisateur au présentateur en passant par les autres gens de l’ombre- abandonner le boulot au moment où il ne faut pas. En réaction à l’indigeste opération de charme à laquelle on les implique. Ce n’est pas une vue de l’esprit. Ils en ont le droit. De revendiquer leur droit d’invoquer la clause de conscience pour se débiner d’une instruction de l’autorité manifestement réputée contraire à la déontologie et à l’éthique de leur profession. Faut-il être enclin à créer l’événement sur la «Chaine des grands événements» pour ne pas prévoir de probables sauts d’humeur du personnel? Si cela devrait arriver, quelles explications et quelles excuses servirait-t-on au public, le plus large possible pour qui la Télévision qui se dit d’envergure nationale, est censée œuvrer? On savait depuis, sans l’admettre, que les principaux responsables de l’Office sont, comme des biches, allés s’abreuver à la source de la rivière des Forces Cauris. Et comme si, en dehors des faits d’armes de Yayi Boni, à la source desquels tout le pays devrait s’abreuver, ils ont décrété qu’il n’y ait aucune autre actualité relevant de l’activité des autres corps de la société. Pour ne pas s’en cacher, notamment des candidats de l’opposition. Le pays aurait donc cessé de fonctionner avec l’entrée en lisse du candidat de la mouvance. A peu de chose près, c’est la situation à l’ivoirienne qui nous est imposée. Là-bas, la Rti, l’équivalent de notre confrère des «Grands événements» reste du matin au soir, la tribune où s’exprime la propagande estampillée Gbagbo. Les professionnels de la maison sont instrumentalisés pour tenir des discours anti-onusiens en se mettant à dos toute la communauté internationale. Chanter les louanges du combattant contre l’impérialisme que serait devenu Laurent Gbagbo et inciter à la haine ethnique est le seul leitmotiv de la radio et de la télévision ivoirienne, depuis les résultats de la présidentielle dernière dans ce pays. Cette forme de communication n’est pas celle qui pourrait faire avancer les jeunes démocraties qui sont les nôtres. Comment, dans notre contexte, pourrait-on expliquer au contribuable que son argent a servi à ne dire que la gloire du président de la République qui n’est que le candidat Yayi?

Ce faisant, une clause sensible du pacte républicain est désormais clairement foulée aux pieds. Par le pouvoir Yayi aux commandes. La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (Haac), chargée elle, de l’en dissuader a pris le parti de la complicité en laissant faire. Comme d’habitude. L’annonce pêle-mêle des candidatures essentiellement consacrées à la présidentielle prochaine nous donne l’occasion de revenir sur ce sujet. Et de, notre position de professionnels des medias, de camper nos positions quant aux décisions à venir de la Haac en invitant tous les démocrates du pays au combat de tous pour une attribution équitable des temps d’antenne.

Publicité

Quel service peut-on rendre, à quel ami fut-il chef de l’état, en mettant à sa disposition sans modération ce couteau à double tranchant qu’est la communication? Pour ceux qui sont allés à l’école, c’est un instrument dont l’usage est régi par des normes qui permettent d’éviter d’avoir le résultat contraire à celui escompté. Boni Yayi, peut ne pas le savoir. Il est économiste. Mais les techniciens des medias qui sont avec lui, devraient le lui expliquer et réussir à emporter son adhésion, vaille que vaille. Sans craindre par ailleurs le coup de maillet sur leurs doigts. Faire la communication du chef, c’est aussi savoir arracher au Prince sa propension à trop se regarder dans son propre miroir.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité



Publicité