Alassane Dramane Ouattara finira-t-il bien par devenir le président effectif de la Côte d’Ivoire ? Depuis en tout cas qu’il a été déclaré élu par la Commission électorale indépendante puis certifié par l’Organisation des Nations Unies, l’homme trépigne de l’impatience d’intégrer ses bureaux officiels du palais présidentiel d’Abidjan Cocody. Mais au-delà du soutien affiché par des partisans zélés et une communauté internationale résolue, l’homme devra composer avec cinq péchés, cinq tares qui lui collent à la peau et qui le font rejeter par une partie du peuple de Côte d’ivoire. Viscéralement. Cinq péchés choisis parmi d’autres.
1- Une nationalité sans cesse remise en cause.
Le nouveau Président ivoirien n’est pas ivoirien aux yeux de tous les ivoiriens. En effet, de part son appartenance à la région septentrionale de la Côte d’Ivoire, région d’intense immigration historique, Alassane Dramane Ouattara incarne l’image de « l’étranger » venu s’accaparer de la terre, des ressources et des emplois des autochtones. La faute à cette vaste politique intégrative non seulement prônée, mais mise en œuvre par le premier président de la Côte d’Ivoire indépendante, Félix Houphouët-Boigny. Par ailleurs, Alassane Dramane Ouattara reconnait lui-même avoir travaillé pour le compte du Burkina Faso au sein de la BCEAO et du FMI au cours des années 1970 et 1980, ce qui corroborerait l’hypothèse selon laquelle sa nationalité véritable serait burkinabé. La question est loin en tout cas d’avoir été tranchée par le certificat de nationalité octroyé à l’occurrence des accords de paix de Pretoria par son adversaire Laurent Gbagbo à ADO.
2- Des alliés encombrants
Non content de n’être pas indubitablement ivoirien, Alassane Ouattara dans sa lutte pour la conquête de la haute fonction présidentielle s’est trouvé des alliés bien incommodants. Au premier rang de ceux-ci, les rebelles des Forces nouvelles. Auteurs du tout premier coup d’Etat militaire de l’histoire du pays, ils n’ont pas hésité en 2002 à choisir à nouveau la voie des armes suite à l’exclusion de celui qu’ils considéraient et considèrent encore comme leur porte-voix. Leurs « méfaits » sont ressassés à longueur de temps par leurs adversaires du camp d’en face. Et, dans l’ombre de ces alliés encombrants, le Burkina Faso, le Mali, le Sénégal et dans une moindre mesure, la Guinée.
Autre allié incommode d’Alassane D. Ouattara, la France. Sans y paraître, elle ne pardonne pas au pouvoir de Laurent Gbagbo l’humiliation subie au début de la crise par le Ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin et encore moins le bombardement en 2004 de la base française de Bouaké et les neuf victimes qu’elle a occasionnées. Le discours nationaliste antioccidental du régime Gbagbo puise en partie sa rhétorique dans les événements consécutifs à ce bombardement.
3- Un processus électoral imparfait
Il ne sert à rien de chercher à se voiler la face, le processus électoral qui a conduit à l’élection (certes incontestable) d’Alassane Ouattara ne peut mériter du point de vue unanime des ivoiriens un regard positif. Cela doit au fait que les régions du pays sous contrôle des Forces nouvelles sont réputées n’avoir pas été l’objet d’une surveillance complète de la part des scrutateurs mandatés par le parti présidentiel, le Front populaire ivoirien. L’argument est discutable dans la mesure où, en prévision du second tour du scrutin, plusieurs centaines de soldats des forces de défense et de sécurité ont été déployés dans lesdites zones. Au surplus, l’ONU, mandatée de commun accord par les parties pour certifier le vote, avait des représentants sur toute l’étendue du territoire. Il n’en demeure pas moins qu’un doute persiste chez les partisans du président Gbagbo.
4- Le choix de Guillaume Soro comme premier ministre
C’est sur conseil de l’ancien Président Bédié que ce choix a été opéré. Il répondait à un impératif : s’affilier les services d’une force armée représentative capable de combattre et de défendre en cas de nécessité le président élu et ses alliés. Le reproche que l’on peut faire à Alassane Ouattara sur ce choix, c’est d’avoir d’une part fait voler en éclats l’aura récoltée par le jeune Premier Ministre dans le lent et méthodique rôle de médiateur qu’il a assumé pendant quelques années. D’autre part, ce choix a été perçu comme la preuve du rôle de parrain de la rébellion que le Président Gbagbo a attribué à ADO tout au long de la campagne électorale.
5- Un empressement préjudiciable
On peut comprendre Alassane Dramane Ouattara. Il a attendu si longtemps. Depuis le court intermède qu’il a assuré à la tête de l’Etat ivoirien depuis la mort en 1993 du « Vieux » Houphouët-Boigny, ADO ne semble rêver que de ça : devenir président de la république. De nombreux obstacles se sont constamment dressés sur sa route. Et enfin, pour la première fois qu’il y prend part, il gagne la présidentielle. Suffisant en tout cas pour ne pas accepter de s’en laisser déposséder. Il multiplie donc les initiatives malheureuses : tentative de prise de contrôle de la Radio Télévision ivoirienne, appels à des journées ville morte et à la grève, appels à la désobéissance civique, interdiction des exportations de cacao, interdiction de payer les taxes et impôts… Sans grand succès. Affaiblissant ainsi son pouvoir acquis dans la douleur. Cette impatience amène Alassane Dramane Ouattara à appeler sans cesse à une intervention militaire pour faire respecter le verdict des urnes. Faisant mine d’ignorer que dans les circonstances qui sont celles de la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui, nul moins que lui n’a besoin d’une issue violente à cette crise.
Les péchés d’Alassane Dramane Ouattara ne sont pas tous de son fait. Certains même n’en sont pas. Mais ils plombent une situation politico-militaire incertaine face à laquelle les solutions semblent même ne pas exister.
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