Plus de 200 personnes ont été tuées en Libye depuis le début de la contestation le 15 février. La révolte contre le colonel Mouammar Kadhafi commençait dimanche à toucher Tripoli. Des «incidents» avaient déjà eu lieu samedi soir dans certaines banlieues de Tripoli, notamment à Fachloum et Tajoura, où des coups de feu ont été entendus, selon des témoins cités par des opposants résidant à l’étranger. Des heurts sanglants ont également éclaté samedi à Musratha, à 200 km à l’est de la capitale. L’épicentre de la contestation reste toutefois la ville de Benghazi, à 1000 km à l’est de Tripoli. «Un massacre a été commis ici hier soir», a affirmé dimanche un autre habitant, accusant les forces de sécurité d’avoir eu recours à des armes lourdes.
Selon des témoins, de nombreux manifestants ont été tués lors d’une tentative d’assaut contre une caserne. «Cela ressemble à une zone de guerre ouverte», a raconté Fathi Terbelle, un des organisateurs des manifestations, sur la chaîne Al-Jazira.
Plus de 200 morts
L’organisation Human Rights Watch (HRW) a affirmé dimanche qu’au moins 173 personnes ont été tuées en quatre jours d’affrontements, dont 90 dans la seule journée de samedi à Benghazi. Et le bilan continue de s’alourdir: un médecin de la ville a affirmé dimanche soir qu’il y a eu au moins 50 morts et 200 blessés dimanche.
Le Département d’Etat américain a de son côté fait état d’informations selon lesquelles il y a eu «des centaines» de morts et de blessés depuis quelques jours en Libye. Il a appelé Tripoli à autoriser les manifestations pacifiques.
Recevant les ambassadeurs de l’UE, le premier ministre libyen Al-Baghdadi Al-Mahmoudi a déclaré dimanche que la Libye était en «droit de prendre toutes les mesures» pour préserver l’unité du pays. Selon lui, il y a «effectivement des plans bien précis, destructeurs et terroristes, qui visent à faire de la Libye une base pour le terrorisme», a rapporté l’agence officielle Jana.
Défections annoncées
Des comptes-rendus contradictoires de la situation ont été donnés par des témoins, mais il semble que les rues de Benghazi soient sous le contrôle des manifestants et que les forces de sécurité se soient retranchées dans un complexe appelé le «Centre de commandement», d’où elles ont tiré sur la foule.
Et plusieurs témoins ont fait état de défections au sein des forces de l’ordre. «Nombre de soldats et de policiers sont passés dans le camp des manifestants», a dit l’un d’entre eux. Des membres d’une unité militaire libyenne ont de leur côté annoncé qu’ils avaient fait défection et «libéré» la ville des forces loyales au colonel Mouammar Kadhafi, ont rapporté deux habitants.
Autre défection annoncée, celle du représentant libyen auprès de la Ligue arabe, Abdel Moneim al-Honi, qui assume la présidence tournante de l’organisation: il a indiqué dimanche soir à des journalistes avoir démissionné de son poste pour rejoindre «la révolution» et protester contre la «violence contre les manifestants».
Tripoli accuse l’étranger
De son côté, l’agence officielle Jana a évoqué des incendies criminels et des actes de vandalisme dans «certaines villes» et les a imputés à «un réseau étranger qui cherche à provoquer des affrontements et le chaos pour déstabiliser la Libye».
Une tentative de sabotage sur des puits de pétrole a échoué dans la nuit de samedi à dimanche, selon une source officielle. En outre, un haut responsable libyen a déclaré dimanche qu’un «groupe d’extrémistes islamistes» retenait en otage des membres des forces de l’ordre et des citoyens à Al-Baïda (est).
Fâché contre l’UE
Tripoli a par ailleurs menacé de cesser de coopérer avec les Européens dans la lutte contre l’immigration si l’UE continue à «encourager» les manifestations dans le pays, a annoncé dimanche la présidence hongroise de l’UE.
La cheffe de la diplomatie européenne Catherine Ashton a exhorté dimanche soir Tripoli à la retenue et au dialogue avec l’opposition. D’autres responsables européens ont lancé des appels similaires, tout comme la Ligue arabe.
La chute de Khadafi serait catastrophique
«Si Khadafi chute, il y aura de plus grandes catastrophes dans le monde», a déclaré le ministre tchèque des Affaires étrangères, Karel Schwarzenberg, à son arrivée à un dîner de travail à Bruxelles avec ses homologues européens.
«En ce moment, si nous nous mêlons de la situation, nous ne ferions que compliquer l’affaire», a-t-il précisé, estimant que l’Europe devait faire preuve de «la plus grande retenue».
«Cela n’aide personne, si nous nous en mêlons trop fort dans le seul but de démontrer notre propre importance», a-t-il précisé.
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