Deux médicaments pour sauver le Bénin

Le Bénin victime de la Lépi. Il s’agit bien de la Liste électorale permanente informatisée. Marquons d’entrée notre étonnement devant cet énorme et incompréhensible paradoxe. Comment un patient peut-il être victime d’un médicament diligemment apprêté pour le  traiter et le guérir ? Ne devrait-on pas plutôt se réjouir, avec la Lépi, d’avoir affaire à un nouveau produit appelé à faire connaître à un pays, le nôtre en l’occurrence, une ère nouvelle de maturité politique et de pleine majorité  électorale ?

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Il faut le dire : le Bénin a posé un acte révolutionnaire, de haute portée politique, en invitant la Lépi dans son système électoral. Parce que le Bénin a choisi de changer son fusil d’épaule. Parce que c’est tout un pays qui s’est engagé dans un processus salutaire de délivrance, après qu’il eut appelé à l’aide la science et la technologie pour se soulager du fardeau, plus que cinquantenaire, de la fraude.

 

Oui, la fraude. Il s’agit de cette grave affection qui, avec notre complicité active, pouvoir et opposition confondus, a trouvé à se loger au cœur de nos élections depuis plusieurs décennies.  En optant pour la Lépi, le Bénin, a priori, affirmait la volonté d’extirper du corps électoral un dangereux virus, un mal ancien. En tout cas, le Bénin franchissait le pas qui l’affranchissait de l’esclavage de la fraude électorale.

Mais malheureusement, la Lépi de tous nos espoirs s’est transformée, aujourd’hui, en une Lépi de toutes nos déceptions, de toutes nos incertitudes. La potion qui doit nous guérir d’une grave maladie s’est muée, dans nos mains, en un poisson d’une rare violence. Comment en sommes-nous arrivés là ?

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Deux ingrédients majeurs ont manqué aux Béninois pour s’éviter de se retrouver dans la situation paradoxale qui est, aujourd’hui, la leur. Ces deux ingrédients ont nom la vérité et l’intelligence.

1-   Nous n’avons jamais avoué aux populations, par économie de vérité, que le pouvoir et l’opposition  marquaient leur désaccord  sur tout, mais s’entendaient comme deux larrons en foire pour frauder. Ceci, à toutes nos élections et sur le dos du citoyen-électeur. Les études les plus sérieuses établissent à 40% en moyenne la part de la fraude dans nos élections depuis plus de six décennies.

2-   Accrocs de la fraude, habités d’une mentalité de fraudeurs patentés, nous n’avons pas manifesté le souci de viser l’intérêt général d’un Bénin qui gagne avec la Lépi, mais plutôt les intérêts égoïstes de chacun de nos camps, de chacune de nos chapelles politiques appelée à gagner avec sa Lépi.

3-   C’est parce que nous trichons constamment avec la vérité que la méfiance, la suspicion, le manque de confiance ont fini par congeler les relations entre le pouvoir et l’opposition, par rompre tout dialogue, tout échange entre les deux parties.

4-   C’est parce que ces parties ont emprunté des voies parallèles que l’une trouvait la Lépi bonne pour elle, conforme à ses plans et calculs, et que l’autre la déclinait à sa convenance en Lépi abrogée, en Lépi rejetée, en Lépi modifiée ou même en Lépi « Bako-bâclée ».

5-   C’est parce que nous trichons avec la vérité et refusons de tourner nos intelligences vers une solution de sortie de crise que les uns sont paradoxalement heureux de voir le pays aller aux élections dans le désordre et que les autres crient au voleur, en oubliant de prendre leur  part à un malheur devenu celui de la nation tout entière.

6-   C’est parce que, enfin, nous rusons avec  l’intelligence que l’unanimité tarde à se faire, vu ce que nous voyons poindre à l’horizon, pour dire stop et appeler à une trêve salutaire. Nous devons nous parler. Nous devons nous contraindre à dégager de nouvelles règles du jeu. Nous devons placer le Bénin au-dessus de nos petits intérêts.

Au total, les deux médicaments à administrer au Bénin pour une guérison immédiate, c’est, d’une part, la vérité qui, dit-on, libère ; c’est, d’autre part, l’intelligence qui, comme la raison, est la chose du monde la mieux partagée. Alors, docteur, ordonnance !

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