Nous publions dans l’édition de ce jour, en exclusivité, un brûlot qui devrait avoir le même retentissement que les mémos précédemment publiés par la presse sur l’énorme scandale dite Icc services et consorts. Mais c’est d’abord le cri de cœur d’un homme blessé dans sa dignité de serviteur zélé de l’Etat , blessé dans sa dignité d’homme tout court. Nous le faisons ici à la Nouvelle Tribune, par devoir de vérité et de justice. Car nous croyons fermement qu’en régime démocratique le pouvoir doit arrêter le pouvoir. Chez nous, le pouvoir exécutif est très fort .Le constituant l’a voulu ainsi: Ce pouvoir peut d’un trait de plume et d’un timbre de micro, nommer, dégommer, promouvoir, démettre, jeter en prison n’importe qui, n’importe quand, sans rendre compte à qui que ce soit. Quand il ne s’agit que de promouvoir des militants même à la veille d’une échéance aussi capitale que la présidentielle, on peut se taire sans avoir mauvaise conscience. Mais quand il s’agit de prison d’où le détenu envoie des messages pour éclairer l’opinion, personne n’a le droit de se taire.
Voici plus de six mois en effet que le magistrat Georges Constant Amoussou , ci-devant ex- procureur général près la Cour d’appel de Cotonou, croupit dans la prison toute neuve d’Akpro Missérété, , loin de son épouse et de son unique fille sans savoir quand il va en sortir . Puisque le mandat de dépôt de six mois qu’il vient d’épuiser vient d’être prorogé de six autres mois sans raison avouable .Pourtant, l’affaire qui l’a conduit au secret a fait la une de toute la presse des mois durant et fait des gorges chaudes tant à l’hémicycle que dans tous les salons et gargotes de notre pays. Elle a fait vaciller plus qu’aucune autre affaire avant elle le fauteuil présidentiel, puisqu’il a été question de traduire son occupant devant la Haute Cour de Justice .
On se souvient , comme si c’était hier, du climat de haute tension qui prévalait naguère dans le microcosme politique où mouvance et opposition se livraient à un véritable match de ping pong. Ainsi, à la demande de traduction du premier magistrat devant la Haute Cour de justice, ce dernier rebondit de la manière la plus spectaculaire possible en demandant l’autorisation de la représentation nationale pour la traduction de certains anciens ministres réputés proches de l’opposition devant la même juridiction. Pendant plusieurs semaines, l’opinion publique a retenu son souffle ,compté les points de chaque camp et a décrété le match nul avec une parfaite égalité de points . Depuis lors ,c’est silence radio ! De la double traduction du président Boni Yayi et des ex ministres devant la Haute Cour , il n’en est plus question ni dans l’hémicycle ni dans les maquis .Pourquoi ?
Parce que le pouvoir , comme tout pouvoir aux abois, en proie à des difficultés de toutes sortes, a sorti de son chapeau de magicien, le parfait bouc émissaire qui fera office de mouton du sacrifice . Il l’a choisi suffisamment gros et gras pour frapper l’imagination du public et servir la cause qu’on veut défendre. A savoir, montrer que le régime dit du changement n’a rien à voir dans cette ténébreuse affaire dite ICC Service . Et que si coupable on devrait désigner, ce n’est point le ministre des finances Idriss Daouda et son prédécesseur Irénée Koukpaki qui ont tous les pouvoirs conférés par la Bceao pour interdire les structures de placement d’argent, mais c’est le procureur général Georges Constant Amoussou. A un premier chef d’accusation de manquement à ses devoirs ont succédé au fil de l’instruction du dossier ceux de complicité avec les dirigeants de Icc Services et avec l’ex ministre de l’Intérieur Armand Zinzindohoué, entre-temps interpellé, gardé à vue et libéré sans autre forme de procès. De sources proches des autorités pénitentiaires, aucun de ces chefs d’accusation n’a pu être étayé d’un semblant de preuve, malgré les nombreux interrogatoires et confrontations infligés à l’illustre détenu. Aujourd‘hui excédé par une détention qui se prolonge, le pg décide de rompre le silence. La période choisie n’est pas anodine. Le bouc émissaire –otage contraint au silence pour laisser passer la tempête des joutes électorales sort du bois. Son ravisseur a le dos au mur. L’affaire Icc Services, le plus gros scandale de son mandat de cinq ans jeté aux oubliettes, entre de plain-pied dans la campagne électorale. Et c’est tant mieux !
