(Lire la décision de la Cour) A peine le tollé né de sa dernière sortie médiatique a-t-il fini de s’estomper que Robert Dossou décide d’en rajouter aux inquiétudes et aux angoisses des uns et des autres. Par une décision rendue hier, la Cour constitutionnelle ordonne au président de l’Assemblée nationale de désigner par cascade chaque fois un autre député pour suppléer aux secrétaires parlementaires absents et plus grave, d’installer les Cec et les Cea avec les seuls membres de la mouvance présidentielle. Par cette décision, Robert Dossou affiche son vrai visage, celui d’un militant en campagne pour Yayi.
La Cour constitutionnelle scie la branche sur laquelle elle est assise. Dans sa volonté d’en découdre avec l’Assemblée nationale, Robert Dossou et sa Cour piétinent eux-mêmes la Constitution. La décision Ep11-014 du 22 février 2011en est une parfaite illustration. Elle montre clairement la volonté d’affrontement de la Cour. Volonté d’ailleurs exprimée depuis des mois par maintes décisions pour déstabiliser une opposition parlementaire hostile à la dérive constitutionnelle. De cette décision, on peut tirer quelques conclusion. La première c’est que la Cour est décidée à ce que les élections se tiennent le 06 mars prochain, qu’importe leur qualité et les risques de trouble qu’elles peuvent générer. Cette option est d’ailleurs celle du président de la République qui reste sourd à toutes les jérémiades de l’opposition-qui marche sur la Cour- mais aussi de milliers de citoyens écartés par la Lepi-Bako. La deuxième leçon est que la Cour constitutionnelle de Robert Dossou ne reconnait pas l’Assemblée nationale comme une institution de la république, jouissant de son autonomie. C’est pourquoi dans ses «considérans», elle ne fait nullement cas de la loi organique de l’Assemblée nationale que Me Dossou et ses collègues piétinent en imposant des secrétaires parlementaires non élus par ses pairs. La troisième nous permet de voir le degré conclusion de collusion entre la Cour et la mouvance avec cette décision qui lui donne droit d’avoir le contrôle exclusif des Commissions électorales communales (Cec) et d’arrondissement (Cea). Quatrième conclusion, la Cour délibère avec trois membres sur les sept et parle d’urgence. Une première au Bénin qui montre bien que la crédibilité de l’institution importe peu à Robert Dossou et ses collègues.
Décision EP 11-014 du 22 février 2011
VU la Loi n° 90-032 du 11 décembre 1990 portant
Constitution de la République du Bénin ;
VU la Loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour Constitutionnelle modifiée par la Loi du 31
mai 2001 ;
VU le Décret n° 94-012 du 26 janvier 1994 modifié par le
Décret n° 97-274 du 09 juin 1997 portant attributions, organisation et fonctionnement du Secrétariat Général de la Cour Constitutionnelle ;
VU le Décret n° 96-34 du 05 février 1996 portant création, organisation et fonctionnement du Greffe de la Cour Constitutionnelle ;
VU le Règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle ;
VU la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation de recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée ;
VU la Loi n° 2010-33 du 07 janvier 2011 portant règles générales pour les élections en République du Bénin ;
VU la Loi n° 2005-26 du 06 août 2010 portant règles particulières pour l’élection du Président de la République ;
VU le Décret n° 2011-032 du 10 février 2011 portant convocation du corps électoral pour l’élection du Président de la République ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï Monsieur Jacob ZINSOUNON en son rapport ;
Après en avoir délibéré,
Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la loi organique sur la Cour Constitutionnelle : « Les décisions et les avis de la Cour Constitutionnelle sont rendus par cinq Conseillers au moins, sauf en cas de force majeure dûment constatée au procès-verbal.» ;
Considérant que Madame Clémence YIMBERE DANSOU, Messieurs Théodore HOLO, Bernard Dossou DEGBOE et Zimé Yérima KORA-YAROU, Conseillers à la Cour, sont en mission à l’intérieur du pays dans le cadre de l’élection présidentielle de
mars 2011 ; que la Cour, conformément à l’article 16 précité, est habilitée à siéger et à rendre sa décision avec trois (03) de ses membres ;
CONTENU DU RECOURS
Considérant que par requête du 17 février 2011 enregistrée au Secrétariat Général de la Cour le 18 février 2011 sous le numéro 0411/036/EP, le Président de l’Assemblée Nationale saisit la Haute Juridiction d’une requête relative à la « mise en œuvre de la Décision EP 11-006 du 14 février 2011 » ;
Considérant que le requérant expose : « Par décision ci-dessus citée en référence, la Haute Juridiction a ordonné à l’Assemblée Nationale de :
1. désigner sans délai leurs Secrétaires parlementaires en remplacement des Secrétaires défaillants ;
2. faire désigner par les groupes parlementaires présents
aux séances de l’Assemblée les membres des Commissions Electorales Communales (CEC) et des Commissions Electorales d’Arrondissement (CEA) dans les proportions de nombre qui leur échoient.
En exécution de cette décision, j’ai convoqué une séance plénière ce jour jeudi 17 février 2011.
A l’ouverture de la séance à 12 heures 12 minutes, j’ai fait constater l’absence une fois encore des deux Secrétaires parlementaires avant d’inviter la plénière à prendre connaissance du contenu de la décision de la Cour Constitutionnelle.
C’est sur ces faits que le député Augustin AHOUANVOEBLA a pris la parole pour s’opposer bruyamment à la lecture de la décision de la Cour.
Le vacarme orchestré par le député AHOUANVOEBLA et ses pairs de l’opposition ne m’a pas empêché de faire la communication et d’affecter le dossier à la Commission des Lois, de l’Administration et des Droits de l’Homme à l’effet de présenter un rapport verbal à la plénière sur les modalités de désignation des Secrétaires parlementaires ad’ hoc conformément à la décision de la Haute Juridiction. » ; qu’il développe : « Après cette première étape, la séance a été suspendue à 12 heures 27 minutes pour permettre à la Commission des Lois d’étudier le dossier.
A la reprise de la séance à 16 heures, les mêmes députés ont repris de plus belle les actions de perturbation de la plénière usant de tous les moyens pour faire le plus de bruit possible. La présentation du rapport a été néanmoins faite jusqu’à son terme. De ce rapport, et conformément aux dispositions de la décision citée supra, il ressort que la désignation des deux
Secrétaires parlementaires se fera en tenant compte de la configuration politique actuelle de l’Assemblée Nationale.
Aucune observation n’ayant été enregistrée, j’ai suspendu la séance à 16 heures 47 minutes aux fins de permettre le dépôt des candidatures. Pendant la suspension, seule la candidature de l’honorable TOSSOU Emile au poste de premier et deuxième Secrétaire parlementaire a été reçue.
A la reprise de la séance à 18 heures 45 minutes, j’ai constaté que les députés de l’opposition ont pris d’assaut le perchoir m’empêchant, ainsi que mes collaborateurs, d’accéder à nos places respectives afin de reprendre la séance. J’ai donc été contraint de suspendre définitivement les travaux sans pouvoir mettre en œuvre jusqu’à terme la décision de la Cour. » ; qu’il demande en conséquence à la Cour, « … au regard de tout ce qui précède, … de prendre les dispositions nécessaires pour permettre la poursuite du processus électoral dans les délais constitutionnels et la tenue réglementaire des séances plénières de l’Institution parlementaire. » ;
Considérant que le Président de l’Assemblée Nationale joint à sa requête « aux fins qu’il appartiendra », la candidature de l’honorable TOSSOU Emile aux postes de premier et deuxième secrétaires parlementaires de même que les listes des personnes désignées pour siéger au sein des Commissions Electorales
Communales (CEC) et des Commissions Electorales d’Arrondissement (CEA) au titre du Groupe parlementaire F.C.B.E. Démocratie et Emergence et du Groupe parlementaire Bénin Emergent, Solidarité et Progrès ;
ANALYSE DU RECOURS
Considérant qu’aux termes de l’article 114 de la Constitution :
« La Cour Constitutionnelle … est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics » ; que selon l’article 124 alinéas 2 et 3 de la Constitution :
« … Les décisions de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.
Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles. » ;
Considérant que par Décision EP 11-006 du 14 février 2011, la Cour a dit et jugé que :
– l’Assemblée Nationale désigne sans délai deux secrétaires parlementaires en remplacement des deux secrétaires défaillants ; les secrétaires ainsi désignés remplacent chaque fois en cas de besoin et ce jusqu’à la fin de la législature les secrétaires parlementaires défaillants ;
– les groupes parlementaires présents aux séances de l’Assemblée désignent les membres des Commissions
Electorales Communales et ceux des Commissions Electorales d’Arrondissement dans les proportions de nombre qui leur échoient par application de la règle proportionnelle ;
– les groupes parlementaires défaillants ont jusqu’au 24 février 2011 à minuit pour faire procéder à la désignation selon le quota qui leur revient ; passé ce délai, ils sont réputés avoir définitivement renoncé à leur prérogative ;
Considérant qu’il ressort des éléments du dossier qu’au cours de la séance plénière du jeudi 17 février 2011, les députés de la majorité, après s’être opposés à la lecture de la décision de la Cour, ont pris d’assaut le perchoir, empêchant le Président de l’Assemblée Nationale ainsi que ses collaborateurs d’accéder à leurs places et obligeant de la sorte le Président à suspendre la mise en œuvre de la Décision EP 11-006 du 14 février 2011 ; qu’en agissant comme ils l’ont fait, lesdits députés ont méconnu l’article 124 de la Constitution et se sont abstenus d’exercer leur mission, entrainant de ce fait un blocage préjudiciable au fonctionnement normal de l’Assemblée Nationale et de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) ; que conformément à l’article 114 de la Constitution précité et en raison de l’extrême urgence, il échet de dire et juger que le Président de l’Assemblée Nationale désignera d’office et chaque fois que nécessaire, un député pour assurer les fonctions de secrétaire parlementaire ; que de même, il transmettra d’office à la CENA la liste des personnes devant siéger dans les Commissions Electorales Communales (CEC) et dans les Commissions Electorales d’Arrondissement (CEA) telle qu’arrêtée par les groupes parlementaires disponibles ; que la CENA procèdera sans délai à l’installation de ces structures décentralisées ;
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