Le dilemme de Barack : faut-il sauver le soldat Moubarak ?

La révolution est en marche au pays des pharaons. On n’y croyait pas, mais elle est bien là. La rue gronde et proclame son dégoût du pouvoir de Hosni Moubarak en place depuis une trentaine d’années. Pour en arriver là, des hommes ont flambé. C’est maintenant le tour des villes. Les commissariats ont disparu avec leurs policiers. Les portes des prisons se brisent et vident leurs détenus dans la nature. L’armée se laisse déborder. Les morts se comptent par dizaines. Bientôt par centaines. Comme en Tunisie, la revendication est claire, catégorique. Comme en Tunisie, le Président donne des gages. Le rêve de Gamal de succéder à son père est démantelé. Hosni Moubarak nomme à tour de bras des personnalités réputées intègres et appréciées, opère des réformes, écarte des indésirables. Comme toujours, cela est insuffisant aux yeux des émeutiers révolutionnaires. Ils ont leur but. Ils ont leurs martyrs. Et le pouvoir vacille. Sur le solide socle de la populaire armée placée désormais aux premières loges, il chancelle.

Le Caire n’est pourtant pas Tunis et la valeur géostratégique du pays des Pyramides dans la politique étrangère des grandes puissances étrangères n’est pas celle de la Tunisie. C’est la raison principale du dilemme du Président américain Barack Hussein Obama. Démocrate par l’appartenance politique et démocrate par le discours. Barack Obama se trouve obligé depuis que la révolte de la rue a pris corps en Egypte, de ménager la chèvre et le chou. Plutôt agir que réagir. Il n’est sans doute pas question pour lui de se retrouver dans la situation de la France frileuse, incapable de lire et d’accompagner la volonté populaire de changement en Tunisie, mais obligée à terme de se confondre en excuses, à tenter de rattraper les gaffes de ses officiels parmi les plus importants. Cela ne sied pas aux grandes nations, ni aux grands présidents. Les Etats-Unis ne sont pas la France, Hillary Clinton n’est pas Michelle Alliot-Marie et Barack Obama n’est pas Nicolas Sarkozy.

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Toujours est-il que devant la grogne qui s’amplifie en Egypte, et un pouvoir qui visiblement donne des signes d’essoufflement, il est important de prendre des décisions, très vite, et ne pas avoir à s’en mordre les doigts. Concilier une position internationale en adéquation avec les idéaux des Etats-Unis d’Amérique et la sauvegarde d’intérêts plus que capitaux garantis pour l’instant par ce gouvernement en mal de légitimité. En effet, une révolution incontrôlée en Egypte peut aboutir à une situation porteuse des pires risques pour la stabilité politico-militaire de tout le Proche-Orient : l’arrivée au pouvoir des islamistes radicaux tapis dans les rangs des Frères musulmans. Dans le pays arabe le plus peuplé et le plus puissant du Maghreb. Le stratégique partenaire commercial, économique et militaire des Etats-Unis d’Amérique. Bénéficiaire annuel de plus d’un milliard de dollars d’aide budgétaire. Voisin pacifique et allié circonstanciel de l’Etat hébreu dans un environnement géopolitique bien hostile. En aucun cas, Barack Hussein Obama ne peut se permettre de laisser l’Egypte en arriver à cette extrémité.

En conséquence, le président américain ne cesse, depuis la chute inopinée du tunisien Zine El-Abidine Ben Ali, de réclamer des réformes politiques à ses alliés du Proche et Moyen-Orient et notamment à Hosni Moubarak. Dans la mesure du possible, il lui faut garantir une transition pacifique et une délégation du pouvoir dans les meilleures conditions possible pour la sauvegarde des intérêts américains. Mais les peuples n’entendent plus attendre. Ainsi que l’éprouvent le vieux Raïs égyptien et dans une certaine mesure, ses pairs yéménite, algérien et jordanien.

En tout état de causes, Barack ne laissera pas choir Moubarak. Pas en tout cas sans avoir préparé sa succession et écarté tous les types de risques y afférant. L’armée est une option. L’opposition incarnée par l’atomiste Mohamed El Baradei sans doute moins. C’est ce qui explique sans aucun doute les intermittents contacts entre l’Etat-major suprême des forces armées égyptiennes, seules susceptibles de préserver le pays d’un basculement funeste, et l’administration américaine.  C’est dire donc que les légitimes aspirations des Egyptiens à plus de justice, de liberté et de dignité, sont conditionnées par le bon vouloir du tout-puissant allié américain.

Cela ne semble être plus qu’une question de jours, de semaines ou tout au plus de mois. Le régime égyptien tombera. Le soldat Moubarak s’en ira. Mais cette révolution aura toute une autre senteur que celle du jasmin tunisien. Un subreptice mélange entre la volonté de changement du peuple égyptien et les intérêts d’une communauté internationale plus que préoccupée. Reste à savoir à quelle fleur identifier cette transmutation à venir. Peut-être bien au nénuphar du Nil.

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