L’Eglise, cette illustre méconnue

L’Eglise catholique, c’est d’elle qu’il s’agit dans cette réflexion. Avec vous, amis lecteurs de toutes cultures, de toutes religions, de toutes conditions, je voudrais parcourir, sans doute rapidement, sa visibilité et respecter aussi son mystère, ce qui nous demeure insondable en elle. Ce ne sera pas bien entendu une démarche d’expert en théologie de l’Eglise. Il existe en effet une discipline d’études universitaires sur l’Eglise, appelée ecclésiologie. Ce n’est pas de cela qu’il s’agira en rigueur de terme et de méthode. Mais notre parcours commun ne manquera certainement pas d’intérêt.

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Commençons par quelques constats. Comme nous le savons, l’Eglise catholique est « vieille de près de 2000 ans » et, de conviction de foi, elle a l’avenir  devant elle. Elle est donc riche de centaines d’années d’histoire avec une succession ininterrompue de papes malgré certaines crises de papauté. Benoît XVI est le 265e pape et le 264e successeur de Pierre. Certaines personnes estiment que  l’Eglise catholique est la « structure », « la société » la plus organisée dans le monde. De toute façon, elle dispose d’une autorité certaine, d’un prestige indéniable. D’où les paradoxes de sa vie et de sa mission : sa parole est attendue mais pas nécessairement écoutée, entendue, acceptée ; son silence gêne et déçoit parfois, ses actions sociales et caritatives sont peu médiatisées. On a très peu parlé clairement et explicitement de la mobilisation des réseaux  des « caritas » en faveur d’Haïti par exemple. Combien de personnes savent que tout dernièrement Benoît XVI a fait un don de 1 200 000 dollars au peuple d’Haîti par le Cardinal Robert Sarah, préfet de la commission pontificale « Cor Unum », le département de la charité du pape pour ainsi parler. Très peu, vraiment très peu de médias se font fait l’écho du voyage que le Cardinal africain de Guinée Conakry vient d’effectuer en Haïti au nom du Saint-Père à l’occasion du premier anniversaire du séisme du 12 janvier 2010. Il était aussi porteur d’un message important du pape aux Haïtiens. Combien de personnes savent que plus de 25o/o des centres d’accueil et d’assistance aux malades du VIH Sida  dans le monde appartiennent à l’Eglise catholique. ? Combien de journalistes ont pris le temps de lire sinon en entier du moins une bonne partie du livre sous forme d’entretien de Benoît XVI « Lumière du monde » ? Mais une phrase piochée à la page 160 du livre, à propos du préservatif, a fait le tour du monde, et a même anticipé sa publication en France. Ce livre  a été vendu à plus de 1 500 000 exemplaires en moins de deux mois. Le saviez-vous ?

 

Faisons maintenant le point sur la conception générale que les gens se font de l’Eglise. Malgré la « grande révolution »  que le Concile Vatican II a opéré sur la nature , l’identité, la composition et la mission de l’Eglise, beaucoup de personnes, même en milieu catholique, continuent de penser que l’Eglise c’est le pape, les cardinaux et les évêques. C’est dans cet esprit que l’on parle par exemple de la prise de position de l’Eglise, ce qui n’est pas faux. Mais l’on n’arrive pas souvent à faire la part de ce qui peut relever de l’opinion personnelle dans la parole d’un évêque . Cela peut se comprendre également Car la parole de l’évêque est attendue aussi voire « arrachée » dans certaines circonstances. Par ailleurs n’a-t-on pas écrit « là où est l’évêque là aussi est l’Eglise. »   Ainsi il n’y a pas d’Eglise particulière, diocésaine sans l’évêque. La déclaration des évêques d’un pays est également perçue comme parole de l’Eglise, l’Eglise du Bénin  par exemple. Cela est normal .

Mais le pape Pie XII avait déjà affirmé avant le Concile Vatican II : « les laïcs, vous êtes l’Eglise », et j’ajouterais, les membres les plus nombreux incomparablement.  En outre la notion de l’Eglise-Famille, remise en valeur en Afrique pourrait nous aider à mieux connaître l’Eglise, à nous considérer, nous catholiques, comme ses membres à part entière chacun y jouant son rôle à la place qui est la sienne, qui lui est reconnue. Car le père de famille à lui seul ne constitue pas la famille même s’il y joue un grand rôle, y assume des responsabilités indispensables. Voilà qui  nous amène  donc à retenir quelques éléments de la nature de l’Eglise, de sa composition et de sa mission en vue d’une perception plus juste du mystère de l’Eglise. Gardons bien à l’esprit le terme « mystère » qui ne veut pas dire ce qui est absurde, vide de sens mais bien au contraire, le « mystère » désigne, en langage chrétien, ce qui est inépuisable de sens pour la raison.

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Retenons donc en premier lieu que l’Eglise est un dogme c’est-à-dire un article de la foi catholique que nous proclamons le dimanche au cours de la Messe. Citons ici la formule plus longue de ce que la tradition appelle le symbole de Nicée-Constantinople : « Je crois en l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique. » Chaque terme mérite d’être expliqué. Ce n’est pas les commentaires qui manquent. Mais qu’il nous suffise de continuer maintenant notre parcours avec le Concile Vatican II, le concile étant une grande assemblée de cardinaux, d’évêques, d’experts et d’invités de divers horizons autour du pape et sous son autorité pour réfléchir sur des questions précises.  Au Concile Vatican II  l’Eglise  a approfondi ce qu’elle est elle-même pour se faire connaître  davantage. Mais malheureusement ce que nous pouvons appeler les « actes du concile », les documents conciliaires, toujours d’actualité, sont peu connus, peu consultés. De toute façon Vatican II demeure une référence de base pour la triple fonction de l’Eglise : enseigner, sanctifier, gouverner. Que dit donc l’Eglise d’elle –même ?

Le tout premier document du Concile Vatican II est « Lumen gentium », la constitution dogmatique sur l’Eglise. Il est structuré en huit chapitres dont le premier a pour titre : « Le mystère de l’Eglise » ; le second, « le peuple de Dieu » ; le troisième, « la constitution hiérarchique de l’Eglise et spécialement l’épiscopat » ; le huitième et dernier chapitre, « La bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu dans le mystère du Christ  et de l’Eglise. »

Nous avons l’embarras de choix de passages à citer pour étayer ce qu’ a pu nous faire entrevoir ce parcours sommaire et partiel du document sur la nature et l’identité de l’Eglise. Ecoutons cependant un peu les Pères conciliaires : « Le Christ, unique médiateur, crée et continuellement soutient sur la terre, comme un tout visible, son Eglise sainte, communauté de foi, d’espérance et de charité, par laquelle il répand à l’intention de tous, la vérité et la grâce. Cette société organisée hiérarchiquement d’une part et le Corps du Christ d’autre part, l’assemblée discernable aux yeux et la communauté spirituelle, l’Eglise terrestre et l’Eglise enrichie des biens célestes ne doivent pas être considérées comme deux choses, elles constituent au contraire une seule réalité complexe, faite d’un double élément humain et divin. » ( n°8) En introduction au chapitre III, le Concile affirme : « Le Christ Seigneur, pour assurer au peuple de Dieu des pasteurs et les moyens de sa croissance, a institué dans son Eglise des ministères variés qui tendent au bien de tout le corps. En effet, les ministres qui disposent du pouvoir sacré, sont au service de leurs frères, pour que tous ceux qui appartiennent au peuple de Dieu et jouissent par conséquence, en toute vérité, de la dignité chrétienne, parviennent au salut, dans leur effort commun, libre et ordonné, vers une même fin. » (n° 18)

De ces deux extraits retenons, entre autres, les termes « peuples de Dieu », « Corps du Christ », « communauté » , employés pour désigner aussi l’Eglise. Quant à sa constitution hiérarchique, marquée, selon la volonté de Dieu, par l’épiscopat , retournons à l’introduction du chapitre III : « Ce saint Concile s’engageant sur les traces du premier Concile du Vatican, enseigne avec lui et déclare que Jésus-Christ, Pasteur éternel, a édifié la sainte Eglise  en envoyant ses Apôtres, comme lui-même avait été envoyé par le Père (cf. Jean20,31) ; il a voulu que les successeurs de ces Apôtres, c’est-à-dire les évêques, soient dans l’Eglise, pasteurs jusqu’à la consommation des siècles. Mais pour que l’épiscopat lui-même soit un et indivis, il a mis Saint Pierre à la tête des autres apôtres, instituant, dans sa personne, un principe et un fondement perpétuels et visibles d’unité de foi et de communion. Cette doctrine du primat du Pontife romain et de son infaillible magistère, quant à son institution, à sa perpétuité, à sa force et à sa conception, le saint Concile à nouveau le propose à tous les fidèles comme objet certain de foi. » (n°18)

Ce passage nous permet d’aborder rapidement les structures du  gouvernement central et universel de l’Eglise catholique  basées à Rome que l’on appelle aussi la « Ville éternelle » et dont le pape est l’évêque, élu par les cardinaux âgés de moins de 80 ans. Précisons ici que ces structures  ne sont pas toutes au Vatican, sur le territoire de la Cité du Vatican qui ne dispose que de 24 hectares.

Mentionnons d’abord la  « Curie romaine ».Ce terme désigne, pour m’exprimer simplement, tous les services  d’administration, de gestion et de relations extérieures dont dispose l’Eglise pour assurer sa mission au service des Eglises particulières, des Etats, du monde entier. Nous y reviendrons sans doute en détail dans une autre réflexion en employant les termes propres tels que « Saint-Siège », « Secrétairerie d’Etat », « Dicastère », « Congrégation » , « Conseil pontifical ». Signalons cependant que du point de vue des relations avec les Etats , à la date du 10 janvier 2011, selon le bilan de la Salle de presse du Vatican, 178 pays entretiennent des relations diplomatiques avec le Saint-Siège. Quant aux organisations internationales, le Saint-Siège ( l’Eglise) est représenté à l’ONU en tant qu’ « Etat observateur » ; il est membre de 7 organisations ou agences ONU , observateur dans 8 autres, et membre ou observateur de 5 organisations régionales  sans oublier  les accords signés par le Saint-Siège par exemple avec la Bosnie-Herzégovine  « à propos de l’assistance religieuse des fidèles catholiques membres des forces armées. »

A ce point de notre parcours, nous avons certainement des raisons d’affirmer que l’Eglise catholique est vraiment une illustre méconnue. Elle n’est pas une illustre inconnue pour reprendre l’expression classique. Mais elle est plutôt mal connue, pas bien connue ou peu connue entendu que son mystère demeurera toujours et qu’elle ne peut être parfaitement connue ni même aimée partout. Dans notre approche de cette « réalité complexe, faite d’un double élément humain et divin », il faudrait aussi parler de ce que les théologiens appellent les « notes ou marques de l’Eglise » et qui se dégagent de l’affirmation : « l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique. »

En conclusion à notre démarche, reconnaissons qu’il y a bien des préjugés, des a priori, des illusions et des désillusions sur l’Eglise. Avec Maurice Vidal demandons-nous « comment l’Eglise peut oser s’appeler la sainte Eglise alors qu’elle se reconnaît être une communauté de pécheurs. » Et «  certains iraient  même jusqu’à parler non seulement d’une Eglise sainte faite de pécheurs et pour les pécheurs(…) mais d’une Eglise à la fois sainte et pécheresse, selon la formule luthérienne décrivant le chrétien : « simul justus et peccator » (« à la fois juste et pécheur »). » (Maurice Vidal. A quoi sert l’Eglise ? Paris. Bayard, 2008 pages 76 et 89-90). Dans la liturgie eucharistique que de fois ministres ordonnés et fidèles laïcs se reconnaissent pécheurs et mendient la miséricorde de Dieu sans oublier les humbles prières particulières du célébrant. Le mystère demeure donc qui nous invite à croire et à comprendre avec l’humilité  de l’homme conscient des limites de la raison qui n’est pas l’instance suprême, absolue de connaissance et de vérité. Des philosophes et des savants en sont conscients. Et les théologiens sont au service de l’intelligence de la foi.

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