Nomination de hauts cadres à efficacité douteuse!

«Des nominations à gogo», avions-nous titré, hier, sans faire de commentaires. Et un confrère bien inspiré de préciser: «179 nominations dans 20 ministères!» Sans le point d’exclamation que nous lui prêtons, pour marquer l’originalité de l’acte. Par le passé, des décisions de si grande importance ont pu être prises. Pour rester juste et sincère, on soutiendra que les anciens présidents Kérékou et Soglo n’échappent pas à la critique. Des cas existent. Mais leurs actes n’avaient jamais atteint l’ampleur qu’on leur connait aujourd’hui. «179 nominations dans 20 ministres!»? A quoi seraient-ils tous si subitement utiles? A la bonne gouvernance? Certainement pas. A ce moment-ci où tout le monde sait que, depuis environ un an, plus rien ne tourne au sommet de notre Etat, notamment dans nos ministères et autres services publics, on se demande toujours ce à quoi servirait la flopée de cadres nommés à la veille des élections. En tout cas pas a rendre plus efficaces beaucoup d’entre ces cadres qui, visiblement, sont à la recherche de prébendes immédiatement disponibles aux mains du plus offrant des candidats à la présidentielle de la fin du mois courant.

Un séminaire sur la «Bonne gouvernance» -le énième du genre- venait de s’achever dans notre pays. Voici deux semaines seulement. «Bonne gouvernance», avez-vous lu? Eh bien, cela devrait suggérer des choses à tous. Au début de notre renouveau démocratique, dans les années 90, plusieurs cadres de l’administration ponctuaient la fin de leurs lettres administratives de la formule: «Bonne gouvernance m’obligerait!». Deux décennies plus tard, l’incantation entretemps rangée au placard de l’histoire revient au galop. Comme pour démontrer que la malédiction à exorciser est toujours tenace.

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Quelques exemples. Avec les travaux d’infrastructures routières au pied de l’échangeur du rond-point de Godomey, on le vérifie. Là-bas, quel mal à comprendre puis à accepter la façon de fonctionner de l’administration béninoise! Les aménagements secondaires auxdits travaux incitent plutôt à médire, à raison, des cadres de cette administration. Sur place, des ouvriers aux bras de robot, munis de burins électriques ou de marteaux-piqueurs, piochent dans du béton armé. Récemment bien coulé. Pour y détruire de gros œuvres initialement installés à grands frais, avant d’y poser d’autres ouvrages. A nouveau, à coups de milliards de nos francs. La vue des ouvrages témoigne de l’effort financier consenti. Mais alors, comment convaincre le contribuable que l’argent qu’il injecte de la sueur chaude de son front au Trésor national peut être ainsi gaspillé, du jour au lendemain? Dans le cas d’espèce, en l’espace de deux ans d’investissement seulement. Les cas du genre, on peut en dénombrer à volonté sur toute l’étendue du territoire national. Ici et là, à Porto-Novo, Cotonou, Abomey… des chantiers ouverts depuis des lustres ne sont pas prêts de parvenir à la finition et sont exposés aux intempéries qui accélèrent leur amortissement avant d’être mis en service.

Incohérence des plans et programmes de développement ou désinvolture notoire dans leur exécution? Cela y ressemble. Étrangement. Et les arguments pour démonter ce constat accusateur ont d’avance la vie dure. L’un dans l’autre, ces deux qualifications relevant de la mauvaise gouvernance, tiennent la route.

Pendant la dernière longue saison des pluies, les bâtiments érigés le long de l’artère menant à l’aéroport Cardinal Bernardin Gantin ont pu offrir d’un spectacle des plus désolants. C’est la saison sèche en cours qui rend moins perceptible le phénomène des moteurs de climatiseurs posés aux murs extérieurs des bâtiments ministériels qui s’y trouvent. Exposés qu’ils sont aux intempéries, ces moteurs posés sans protection ne mettront pas le temps d’un amortissement raisonnable pour demander à être changés. Au grand bonheur des ordonnateurs de nos budgets qui auront le loisir de délier le cordon de la bourse pour littéralement y puiser les deniers publics.  Dans des appels d’offres de fournitures de matériels sans transparence si ce n’est par le gré à gré.

Dans un pays si «fatalement» frappé de pauvreté, où le panier de la ménagère cache mal la fragilité et la maigreur du pouvoir d’achat du consommateur, la notion du «ventre affamé n’a point d’oreille» devrait avoir une résonance pour nos cadres.

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Quelqu’un avait-t-dit que «les intellectuels béninois sont tarés»? Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, ce citoyen peu ordinaire a le sens des boutades têtues. Après plus de trois décennies de vie celle ci-dessus citée reste tout bonnement d’actualité.

Et les nombreux séminaires sur les «bonnes pratiques de gestion de la chose publique et la bonne gouvernance» laissent penser que les temps ne sont pas encore venus de nous voir inverser le contenu de ces propos. Irrévérencieux, l’homme d’Etat auteur de la boutade ne l’est donc guère, lui dont l’appréciation courageuse est le reflet du comportement et de la façon de penser et d’agir de nos compatriotes à «cols blancs». De guerre lasse dans son obstination à aider à corriger le fléau,  on comprend que l’homme en vienne à cet «écart de langage».

En agissant comme il l’a fait, le chef de l’Etat ne se rend pas service. Tout le monde a compris qu’il se sert de ces nominations comme de menus fretins pour appâter de nombreux éventuels indécis à voter pour lui… Dans trois semaines, à travers la «mission impossible» assignée à la Cena.

On nous rétorquera que la Constitution a fait du président de la République le détenteur exclusif du pouvoir de nommer les cadres de l’administration. Il en use à fond. En restant collé à la lettre de ce texte fondamental qui refonde l’Etat du Bénin, depuis déjà plus de 20 ans. Et après? En respecte-t-il l’esprit? Chacun peut apprécier. Mais une Constitution, c’est sa lettre et son esprit à considérer. C’est comme la forme et le fond d’un sujet à commenter. L’un va difficilement sans l’autre.

«179 nominations dans 20 ministres!». Croisons-nous les bras pour voir si à l’arrivée le faux combat de la bonne gouvernance qui semble se livrer devant nos yeux aboutira  à l’émergence tant claironnée.

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