Présidentielle centrafricaine : la victoire à risque de François Bozizé

Laurent Koudou Gbagbo avait raison ! Gagner les élections en Afrique, c’est une question de marge. Marge d’écart qui anéantit les marges d’erreurs. Ces erreurs qui selon la formule consacrée de l’Union africaine, ne sont dès lors jamais « de nature à remettre en cause la sincérité du scrutin ». François Bozizé l’a compris. Ce qui devait arriver est arrivé ! 66,08% de suffrages et hop, le voilà reconduit. Président sortant et président réélu. François Bozizé n’a pas fait ans la dentelle. Et il n’aurait pu en être autrement d’ailleurs. Les observateurs avertis ne s’attendaient pas à autre chose. Moi non plus. Et pour cause. La République Centrafricaine, pays aux nombreuses richesses, mais meurtri par les années de déprédation vécues sous la férule de l’empereur Jean-Bedel Bokassa et de ses successeurs cherche aujourd’hui à se réinventer. Pour tout choix, la classe politique n’a trouvé à lui proposer qu’un président sortant ancien putschiste face à l’ex-président déchu et quelques autres acteurs secondaires de la scène centrafricaine. C’était peut-être ténu en termes de qualité, mais c’est tout ce que les Centrafricains avaient à offrir aux Centrafricains. C’est donc à mon sens entre divers maux que le peuple avait à choisir le moindre pour conduire durant les prochaines années son destin. A ce jeu, c’est le président sortant qui l’a emporté !

Le général de division (comme il aimait tant se faire appeler) François Bozizé dirige depuis huit ans un pays anéanti. Economiquement exsangue. Face aux trente-six mois d’arriérés de salaire accumulés par les fonctionnaires avant son arrivée au pouvoir, il a pris des mesures. Impossible d’apurer ce passif en cinq années, mais pas de nouvel arriéré sous sa direction. Suffisant déjà selon ses partisans pour le faire reconduire. Surtout que face à lui, les deux principaux challengers n’étaient autres que Ange-Félix Patassé et Martin Ziguélé. Patassé coupable partiel sinon tout au moins responsable à une certaine hauteur du gouffre dans lequel se trouvait alors le pays. Et Ziguélé, Premier Ministre au crépuscule du régime Patassé. Ils ont récolté respectivement 20,10% et 6,46% des suffrages annoncés. L’autre acteur qui se voulait d’un certain poids sur la scène politique, ancien rebelle pour sa part, Jean-Jacques Demafouth ne s’en tire qu’avec 2,72%, devancé même par Raymond Nakombo beaucoup moins connu sur le plan international. A chacun selon ses mérites ! Et selon ses méfaits !

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Mais même si comme le proclame l’opposition, le résultat proclamé n’avait pas été sincère, les voies de recours paraissent bien maigres. Les conditions d’un vote totalement transparent n’étaient pas réunies et ne pouvaient pas facilement être réunies en Centrafrique. Tout le monde connait plus ou moins l’affiliation politique de la plupart des membres de la CEI. Tout le monde sait le rôle que les conseils constitutionnels africains ont coutume de jouer depuis l’instauration de la démocratie « à l’africaine » sur le continent. Tout le monde connait le poids de la prime au sortant lors des élections présidentielles en Afrique. Et, peu intéressée par ce que ce pays peut représenter et apporter aux yeux des grands acteurs des relations internationales, l’ONU n’a pas cru bon devoir y déployer un dispositif comparable à celui de la Côte d’Ivoire. Personne ne l’y a appelé en plus. Alors pourquoi s’offusquer après s’être étonné de la victoire au premier tour de François Bozizé ? Purs mimodrames sans lendemains. Autant penser à l’après élection. Un drame se noue peut-être dans le dos de la République.

Et ce drame, ce n’est rien d’autre que le spectre de l’instabilité politico-militaire qui règne encore dans certaines régions de la Centrafrique. Spectre que les rebelles agitent de plus belle maintenant que la victoire de François Bozizé ne fait plus l’ombre d’un doute. Cela a eu une vertu par le passé, leur permettre de prendre part à la gestion des affaires de l’Etat sans jamais avoir été élu. Abakar Sabone et Jean-Jacques Demafouth lui-même peuvent le confirmer. Mais les récentes déclarations des mouvements de rébellion semblent contenir plus de menaces que de revendications politiques. Au surplus, la défaite cuisante, voire humiliante subie par des politiques dont les partisans sont de tous poils, devrait non pas réjouir, mais sensibiliser le Général Bozizé.

La victoire obtenue dans les conditions que nous avons ici résumées n’est pas une prime à la paix. C’est l’usage qu’en fera l’élu qui la mettra au service des nobles idéaux du peuple centrafricain. L’arrogance affichée des amis du Président centrafricain tout au long et à l’issue du processus est superflue et même nuisible. Dans un Etat délabré comme la Centrafrique, nul ne devrait être de trop pour la construction de la cité. Je rêve, je le sais, mais autant rêver.

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