« La seule usine produisant de bons musiciens, c’est la chorale » dixit ERICAMOUR

Batteur au départ, Eric Yovogan alias EricAmour est connu depuis 2006 dans le rang des plus célèbres trompettistes béninois. En 2010, il a révélé au public un autre talent, celui de compositeur chanteur par le biais d’un album. Mais il  rejette tout projet de carrière en solo en dehors du groupe Gangbé Brass Band qu’il a intégré depuis 2006. Il fait part, dans cet entretien, de son appréciation du travail des musiciens béninois.

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EricAmour: Ma carrière a été longue mais pour moi, elle vient de démarrer. J’ai commencé à jouer la trompette en 1996 à l’Eglise. J’étais encore tout petit. Je rends hommage à mon grand maître, Nicaise Mahoulinkponto. Il était question de former des trompettistes à l’Eglise. On était plus d’une vingtaine à s’inscrire mais finalement seuls trois sont restés. Il y avait Raphaël Houédécoutin du groupe Christivi, son jeune frère et moi. C’est là que j’ai commencé à jouer à la trompette. Ce qui était très impressionnant, c’est que ce maître, certes, sait jouer la trompette mais il n’était pas trompettiste. Toutefois, il avait la méthode d’enseigner. C’est un don pour lui.  Aujourd’hui, à voir mon niveau, on se demande si c’est réellement ce maître qui m’a appris à jouer la trompette. Il nous a appris les notions fondamentales. Nous trois qui sommes restés, nous avons commencé par nous investir. En même temps qu’on suivait les cours de trompette, on était dans la chorale junior de la Paroisse Saint Samuel à Cotonou. Au départ, je jouais la batterie et je chantais aussi un peu. J’avais aussi déjà une idée de la musique parce qu’on faisait aussi le piano qui est un instrument fondamental du musicien. Normalement, tous ceux qui évoluent dans la musique, même un chanteur doivent savoir jouer le piano. C’est un instrument de base pour tout musicien. Avec la seule gamme que le maître nous a apprise à l’époque, on a commencé par se chercher. Sur le piano on déchiffrait un peu les partitions qu’on pouvait faire avec la trompète. Ce faisant, j’ai abandonné la batterie pour me consacrer à la trompette. Je jouais à la fanfare tout le temps au sein d’un groupe qu’on a formé. J’ai aussi commencé par jouer à la chorale junior puis avec le temps j’ai intégré la chorale sénior parce que dans le temps il n’y avant pas de trompettistes et nous, nous venions suivre leurs répétitions, nous nous revoyions pour s’entraîner sur les morceaux puis le dimanche nous venons leur faire des surprises.

 

Depuis quand vous avez réellement démarré votre carrière professionnelle?

Toute ma carrière avant 2006 s’est passée au sein de la chorale. J’ai intégré après un groupe de musique de variété, le groupe «Symbiose». De là, j’ai commencé par intégrer vraiment le monde musical. J’ai commencé par copier des morceaux et accompagner des artistes jusqu’à ce que j’intégre en 2006 et jusqu’à ce jour, le Gangbé Brass Band. Ma carrière professionnelle a effectivement démarré donc en 2006. Je n’ai pas fait une école de musique. Je n’ai même pas eu un encadreur comme il le faut. Je me suis auto instruit à la trompette. J’ai fait des recherches individuelles, je fouillais beaucoup les livres, je copiais, j’écoutais. Je n’ai même pas eu la chance de connaître tôt les grands trompettistes du Bénin ; il y en a de vrai et de grand au Bénin. Je me suis débrouillé. Eric trompettiste aujourd’hui, je le dois à Dieu, à l’Eglise, à la chorale. Mais je continue d’apprendre beaucoup.

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Est-vous donc d’avis que la chorale se révèle aujourd’hui comme une usine de fabrication de grands musiciens?

Je suis du même avis. Tous les grands de ce  milieu sont passés par une chorale. Je me suis demandé pourquoi c’est ainsi et j’ai compris. Spirituellement parlant, ont dit: Dieu vit dans la Musique. La musique est quelque chose de très spirituel. Les plus grands musiciens de gospel sont les plus grands musiciens de jazz partout dans le monde. Celui qui joue de la bonne musique gospel et qui s’y consacre est assisté par les anges de la musique. La seule usine qui produit de bons musiciens partout dans le monde, c’est la chorale.

Vous étiez une vingtaine à débuter ensemble mais seuls, trois ont pu continuer. Qu’est-ce qui s’était passé entre temps?

La trompette, c’est l’instrument le plus capricieux que moi j’ai connu. Un instrument qui demande beaucoup d’énergie, plus de réflexion. Le trompettiste travaille beaucoup de choses à la foi. Il faut être très patient. Travailler l’embouchure, le son, les notes une à une, l’endurance, etc. En dehors de tout ce qu’il y a à faire du côté théorique, il y a du travail technique qui demande beaucoup d’effort.

Mais vous y êtes arrivé en dépit des difficultés liées à l’auto formation.

Au départ, c’était une passion parce dans ma chorale, il y avait de trompettistes mais il n’y en avant plus à l’époque. C’était donc le seul instrument qui me permettait de jouer durant toute une messe parce que quand j’étais à la batterie, c’était une rotation car il y avait un autre batteur. La trompette au-delà de la passion que j’avais, s’est imposée à moi. Et je me suis engagé à aller plus loin.

Instrumentiste depuis des années et membre du groupe Gangbé, pourquoi un album en solo?

L’idée, ce n’est pas de me lancer dans une carrière solo. Je suis membre d’un groupe et je le suis toujours. Ce n’est pas une carrière solo que j’ai engagée. C’est un opus qui peut servir beaucoup un musicien qui veut travailler, même un chanteur. L’album est sorti au moment où j’ai perdu mon feu père. J’en ai profité pour lui faire une dédicace, à travers le titre ‘La vie’. Il m’a beaucoup soutenu.

Et quelle est l’idée alors?

Aujourd’hui, dans le monde musical au Bénin, les gens pensent que les musiciens ne sont pas chanteurs alors qu’ils le sont plus que les chanteurs eux-mêmes. Beaucoup de chanteurs ne sont pas capables de répéter n’importe quelle note ou mélodie qu’un instrumentiste lui joue. C’est pourquoi je le respecte et je continue de le respecter, Papa Sagbohan. C’est Papa, moi je l’appelle. C’est un très bon musicien chanteur. Normalement, c’est le travail que doivent faire tous nos chanteurs. Mais dommage. Ce n’est pas le cas. Quand quelqu’un a une histoire derrière, il entre dans un studio, on lui fait la programmation, il chante et puis il se dit chanteur. Mon album, c’est pour prouver qu’un musicien, c’est aussi un vrai chanteur. Ce que beaucoup ne comprennent pas. C’est le musicien qui «habille» le chanteur. Il n’y a pas de programmation là-dessus. D’un autre côté, c’est une reconnaissance. J’ai intitulé l’album «Merci Seigneur» parce que jusqu’au jour d’aujourd’hui, j’ai été soutenu par mon Seigneur qui a fait beaucoup de miracles pour moi depuis le début de ma carrière. C’est un album pour le remercier. Je ne sais pas ce que je pouvais faire pour lui dire merci.

Si la musique programmée est plus fréquente aujourd’hui sur le marché béninois est-ce que cela n’est aussi pas dû aux cachets que le musicien perçoit et qui sont jugés élevés?

C’est vrai, mais je pense que c’est une manière de fuir ses responsabilités. Je ne peux pas vous dire combien a coûté le dernier album de Gangbé Brass Band qu’on a enregistré en Belgique. Avec Angélique Kidjo, imaginez un peu ce que son dernier album lui a coûté. Mais quand ça sort, on sent que c’est du travail. C’est un album qui peut être écouté par tout dans le monde. Tel n’est pas le cas pour ce que bon nombres d’artistes béninois nous produisent ici. Cela ne donne pas une très bonne image de la musique béninoise.

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