Quelle démocratie pour l’Afrique ?

Le continent africain serait-il resté en rade par rapport à la démocratie malgré les éclaircies post conférences nationales du début des années 90 ? Avant que de tenter de répondre à ce questionnement, je voudrais poser, d’emblée, le postulat qu’à mon avis, aucun système politique n’est, en soi et dans l’absolu, meilleur à l’autre. Le plus important, me semble-t-il, c’est qu’il fasse se développer l’homme. Qu’il lui procure ce à quoi il aspire de bien pour lui-même et pour la communauté à laquelle il appartient. Vue sous cet angle, la démocratie, comme n’importe quel autre système de gouvernance, n’est qu’un moyen, pas une fin.

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Le problème, oui le problème, c’est de faire semblant avec la démocratie, c’est de tricher carrément. Pourquoi s’engager dans la voie de la démocratie à l’occidental si l’on juge ses exigences trop contraignantes et que l’on sait d’avance ne pas pouvoir s’y soumettre ? Or, c’est précisément le spectacle auquel l’on assiste en Afrique. En Afrique où, bien souvent et au grand dam de la démocratie, la raison du plus fort reste encore la meilleure, politiquement. De quoi faire dire à un ancien dirigeant français, goguenard, qu’ « Il faut laisser les chefs d’Etats africains gagner les élections sinon ils n’en organiseront plus ». Comme quoi, la démocratie en Afrique pourrait se limiter uniquement à la tenue régulière d’élections truquées.

Autrement, comment comprendre que des élections se tiennent, que la vérité des urnes dégage un vainqueur mais que le pouvoir en place manœuvre pour se maintenir, sans égard pour la légitimité ? Et, quand vient l’ONU en sapeur-pompier, bien souvent, le feu est si vif que son extincteur ne fait pas toujours l’affaire. De fait, la mission pacificatrice des forces onusiennes n’a pas toujours fait l’unanimité, tant elle n’a pas toujours porté des fruits. Parfois même, elle s’éternise et vive le ballet des casques bleus. Dans ces conditions, les dirigeants africains auront toujours beau jeu, jusqu’à nouvel ordre, de ruser avec la communauté internationale voire de la défier. Là-dessus, il conviendrait de se demander par exemple si Laurent Gbagbo n’a pas toutes les chances de se maintenir au pouvoir en Côte d’Ivoire. Il faut se demander si André Mba Obame, foi des chiffres révélés par le piratage des câbles diplomatiques par Wikileaks, n’a pas raison de se proclamer président élu du Gabon et de former un gouvernement bis. Il faut se demander si les Tunisiens n’ont pas raison de se défaire du pouvoir Ben Ali et si les Egyptiens n’ont pas raison, d’exiger le départ de Hosni Moubarak comme ils le font en ce moment… Les Congolais dits démocratiques n’auront-ils pas raison demain de refuser cette démocratie qu’on leur coud de toutes pièces pour une élection présidentielle à un seul tour pourtant sans grands électeurs ?

Oui, dans l’absolu et pour rester collé aux normes démocratiques occidentales, l’on conviendra qu’ils ont tous raison. Mais, à la vérité, l’histoire des peuples me semble donnée si spécifique qu’il serait hasardeux de vouloir replâtrer ici, des réalités d’ailleurs. Car, ce serait exactement comme faire une greffe d’organe d’un corps vers un autre proprement incompatible. Avouons que la greffe va céder. N’est-ce pas finalement ce à quoi nous assistons dans nombre de nos pays qui refusent manifestement la démocratie même s’il ne faut pas exclure que quelques rares font dans le sens positif de l’effort ? A la vérité, j’ai la conviction que la vraie interrogation consisterait à se demander si l’Afrique était et est vraiment prête pour la démocratie aux normes occidentales. Les tribulations actuelles ne devraient-elles pas nous amener à rechercher par nous-mêmes, les voies de notre développement ? Le système politique qui nous conviendrait le mieux. Et où au moins, l’on ne passera pas toute une vie à ruser et à tricher ? Ailleurs, la démocratie a été l’aboutissement de longs processus faits souvent de longues et bonnes révolutions, qui ont secrété une conscience collective et des valeurs sociétales. Quid d’ici ? N’avons-nous pas escamoté des étapes qui nous rattrapent maintenant ? L’heure de la démocratie en Afrique avait-elle sonné trop vite ?

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