Après élection: le devoir de vérité

Bénin – La vérité comme le piment mûr rougit les yeux mais ne les crève pas. Ainsi parlaient les sages bambara du Mali. Quand se seront tues les clameurs d’une élection ; quand les politiciens auront renoncé à l’invective facile, se taisant si possible au cas où ils n’auraient rien à dire ; quand les divers acteurs se seront retrouvé face à eux-mêmes, devant le tribunal de leur conscience, le service  du pays par tous doit passer par un devoir de vérité pour tous. Le devoir de vérité, ce sera pour chacun de nous la manière la plus honnête de conclure le scrutin présidentiel de mars 2011. Nous ne pouvons pas avoir vécu tout ce que nous avons eu à vivre et choisir de fermer la parenthèse comme si nous n’avions rien appris, comme si nous n’avions rien compris. Nous ne pouvons pas avoir côtoyé tant de situations insolites, frayé tant de voies inédites et renoncer à moissonner quelques enseignements de cette aventure singulière,  à tirer avantage de nos erreurs et errements.

Et le meilleur, pour le Bénin, en termes de devoir de vérité, c’est d’observer au moins trois stations sur un chemin de rédemption, au sens religieux ou moral. Parce qu’il s’agit  d’évoluer vers la réhabilitation après une faute ou une défaillance, vers la réparation ou le pardon. Ce à quoi le chef de l’Etat lui-même a semblé s’être engagé le 13 mars au sortir du bureau où il a voté à Cadjehoun, à Cotonou.

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La première station, c’est de nous recueillir  sur notre système démocratique. Reconnaissons qu’il est actuellement en plein naufrage. Il prend l’eau de toutes parts. C’est un recul pour le pays qui, il n’y a guère longtemps, se donnait des  raisons d’être, pour l’Afrique, un modèle démocratique.

Par nos combines et par nos calculs, nous avons balafré la  façade de l’édifice. L’impatience à satisfaire nos besoins immédiats, nous a conduits à sacrifier l’avenir en allant puiser dans la réserve de crédit que nous avions patiemment constituée. Plutôt calmer la faim d’aujourd’hui que d’engager le combat de la durée et de la durabilité. Ce combat dépasse les intérêts des acteurs présents. Ce combat engage les intérêts des générations futures. Il faut savoir quitter son nombril des yeux et avoir une vue longue, bien au-delà des frontières du présent, pour comprendre les choses ainsi. Maintenant que tout est par terre, gardons-nous, par une égale inconscience, de tout  mettre sous terre.

Notre deuxième station, c’est de faire un arrêt sur image sur la Liste électorale permanente informatisée (Lépi). Vaccinés que nous sommes désormais contre nos errements, nous avons gagné le droit d’exiger qu’aucune élection ne soit plus organisée sur le sol de notre pays dans l’état d’impréparation et d’improvisation du dernier scrutin. De deux choses l’une : ou c’est la banalisation de l’élection réduite à n’être plus que quantité négligeable dans notre système démocratique ou c’est l’instrumentalisation de l’élection programmée à l’avance pour servir d’obscurs et  contestables desseins. Un choix est à faire. Une décision est à prendre. Dans tous les cas, le plus tôt sera le mieux.

La troisième station, c’est de nous saisir, sans délai, du dossier du régionalisme. Ce concept nauséabond n’a pas peu pollué et pourri le climat du scrutin présidentiel. La guerre régionaliste et ethnocentriste n’est pas nouvelle. Elle traverse notre histoire. En référence à Jérémie 31, 29-30, (citation) « Les pères ont mangé des raisins verts et les dents des fils sont agacés ». (Fin de citation). Pour dire que nous trimbalons cette tare, d’une génération à l’autre, comme un héritage vicieux. L’abcès est à vider. Les consciences sont à soulager. Le Bénin, avec ses 112 000 Km2 et ses 8 millions d’habitants, nous paraît une entité insignifiante dans une Afrique qui ambitionne de réaliser le grand rêve de Kwame Nkrumah. Pourquoi, dans ces conditions, irions-nous nous inventer de fausses et étouffantes frontières intérieures ? Ces limites que nous nous imposons rapetissent nos horizons, brident nos élans, attiédissent nos passions dans notre lutte pour une grande Afrique. Un shampoing mental sera nécessaire au profit de tous les Béninois, histoire de remettre les pendules à l’heure. Nous devons apprendre à pousser et à grandir sur les racines de notre « béninité », à revendiquer passionnément, à assumer positivement. Dans une Afrique en quête d’unité. Dans un monde qui se globalise.

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