Bénin : scénario à l’ivoirienne ou à la gabonaise?

Comment le Bénin a-t-il pu en arriver là? Comment le laboratoire africain de la démocratie, le pionnier des conférences nationales, des commissions électorales indépendantes et des alternances régulières a-t-il pu se trouver ainsi aux portes de la plus grave crise politique de toute son histoire? Comment comprendre que le cinquième processus électoral présidentiel aboutisse à ce point à un pourrissement et que la crise post-électorale en vienne à couver au pays de Béhanzin? Le Bénin a voté dans une discipline et un ordre remarquables pour ce que nous avons tous noté et salué le dimanche 13 mars dernier. Le «génie béninois», pensait-on, était de retour. Un retour bien vite remis en cause par les déclarations alarmistes de tous genres venus de tous les bords politiques à la suite de la proclamation des premières tendances issues des chapelles électorales. Les circonstances de la proclamation des grandes «indications» par le Président de la Commission nationale électorale autonome (CENA) et la publication de chiffres contradictoires par le vice-président de cette institution n’ont fait qu’ajouter à une polémique que la publication provisoire des résultats par la Cour constitutionnelle n’aura jamais réussi à éteindre. Désormais, le Bénin a deux présidents. L’un proclamé élu par les institutions chargées de l’organisation du scrutin et de la gestion du contentieux électoral et l’autre, autoproclamé. Boni Yayi et Adrien Houngbédji. Ce n’est pas de bonne guerre. Cette situation ubuesque, directement importée des mauvais exemples que la Communauté internationale et plus particulièrement africaine a laissé se produire sans gêne en Côte d’Ivoire, en Centrafrique, au Gabon et ailleurs sur le continent, inspire les hommes politiques de ce côté des frontières.

Et alors, question : comment tout cela peut-il se terminer?

Il est de notoriété publique que le fichier électoral portant Liste électorale permanente informatisée (LEPI) a été l’objet de toutes les contestations. Des plus judicieuses aux plus farfelues. Tout le monde a vu les milliers de citoyens qui, à quelques heures du scrutin, tentaient encore de se faire enregistrer pour pouvoir exercer leur droit civique, en vain. Tout le monde a entendu parler de ces fameux camions avec leurs cantines non scellées, déchargées à la CENA hors délai dans des circonstances scabreuses. Tout le monde a entendu, mais tout le monde n’a pas vu. Et surtout pas les observateurs étrangers. Tout le monde connait les circonstances dans lesquelles le Président de la CENA a tenu à annoncer les grandes tendances du premier tour qui donnaient gagnant le Président sortant Boni Yayi. Tout le monde a vu que les résultats proclamés par la Cour constitutionnelle ressemblent sensiblement à celles rendues publiques par le Président de la CENA 48 heures plus tôt.

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Il faut donc à la vérité reconnaitre à l’opposition le droit de protester. De crier à la fraude et à la mascarade. Et de vouloir prendre «toutes les mesures légales» pour que le droit soit dit. Dit et respecté. Et c’est justement là que Me Adrien Houngbédji, qui se déclare élu, sans attendre la proclamation définitive des résultats par la Cour constitutionnelle commet une erreur. Compréhensible peut-être à en juger par les mauvais exemples que nous ont montrés les conseils constitutionnel de pays comme la Côte d’Ivoire. Mais contrairement à la situation ivoirienne, peu de choses ici, se dérouleront comme là-bas. La situation du Bénin ne rappelle pas en soi celle de la Côte d‘Ivoire où les Nations Unies ont supervisé le processus d’un bout à l’autre. Les observateurs venus au Bénin ont déjà donné un blanc-seing à l’organisation du scrutin et tout ce qui sera fait à posteriori ne risque pas de changer leur jugement. Au surplus, Me Houngbédji n’a pas à revendiquer la victoire, c’est un second tour qu’il est en droit d’exiger, à en juger par les résultats proclamés par son propre camp et qui le donnent en tête. Au vu de tout ceci, il ne risque en tout cas pas d’obtenir le soutien de la communauté internationale dans sa démarche. D’autant plus que le peuple béninois, dans son ensemble, n’a pas coutume de prendre la rue pour des revendications d’ordre politique, et encore moins face aux risques de violences susceptibles d’en découler.

Par contre, le camp présidentiel aurait tort de pavoiser sur une victoire obtenue dans de telles circonstances de cafouillage pré et post-électoral. Si le scénario à l’ivoirienne semble exclu et que l’auto-proclamation de Me Adrien Houngbédji a toutes les chances de connaitre l’infortune de celle de Mba Obame au Gabon, le souvenir d’une victoire à la Pyrrhus comme celle de François Bozizé en janvier dernier en Centrafrique hante bien des esprits. A moins que, scénario du pire, les ingrédients ne se mettent en place pour que les autorités nous sortent la matraque et la baïonnette à la togolaise. Quelle dégénérescence pour le Bénin ! Que d’être cité dans la division politique des Togo, Centrafrique, Gabon, RD Congo, Congo, Zimbabwe…

Quelle dérision!

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