Bénin – Jamais de mémoire de béninois, une élection n’aura suscité tant de remous et de polémique. Organisée dans la confusion- pas de liste électorale et de nombre précis de bureaux de vote- elle n’a pas permis de mettre fin aux contestations de l’opposition et de la société civile. Depuis le dimanche où l’élection s’est tenue, la tension a monté d’un cran dans le pays avec des réclamations de victoire dans les deux camps.
Le scrutin du 13 mars n’a pas permis de mettre fin aux polémiques pré-électorales. Au contraire, il en a rajouté à la confusion existante et fait monter la tension dans le pays. Profitant d’un plateau de télévision le dimanche soir, le ministre de la jeunesse Modeste Kérékou a annoncé la victoire du candidat Boni Yayi au premier. Cette déclaration a jeté du discrédit sur le scrutin et ravivé les soupçons. En effet, au moment où le ministre Kérékou faisait cette déclaration, les derniers bureaux de vote venaient à peine de fermer leurs portes. La Cena(Commission électorale nationale autonome) chargée de la proclamation des grandes tendances n’a même pas encore ouvert une cantine pour le dépouillement. Cette déclaration d’une extrême gravité a été relayée par certains journaux dès le lundi et surtout par un journaliste d’une télévision privée de la place. Il est renchéri par le porte parole du candidat Boni Yayi, Marcel de Souza qui affirme que « la probabilité d’un second tour est très faible ». Le mardi 15 mars, face à la persistance de cette information, le candidat unique de l’Un apporte un démenti et confirme son avance sur le président sortant. « Nous avons la majorité et nous sommes restés majoritaires », a-t-il déclaré. Il confirme son avance sur le président Boni Yayi dans plusieurs départements du pays. Au lendemain, de cette déclaration du candidat de l’opposition, quelques larbins de la mouvance présidentielle réagissent et invitent les candidats à faire confiance aux institutions chargées de la proclamation des grandes tendances. Le même jour, la Cena est sous les feux de la rampe. Sur la base de ses réseaux d’information, l’opposition apprend que des cantines non scellées et provenant du nord sont convoyées vers la Cena. Elle y envoie un huissier pour faire un constat. Mais ce dernier est éconduit sous prétexte que l’ordonnance est mal rédigée et que le temps pour faire de tels constats est passé. Sur les lieux, l’opposition se mobilise pour empêcher les trois camions chargés de cantines d’urnes de pouvoir y entrer. En effet, selon la loi électorale les dernières cantines d’urnes doivent être convoyées à la Cena 48heures au plus après le scrutin. Le président de cette institution Joseph Gnonlonfoun trouve légitime la revendication des opposants et les soutient avant de faire volte face quelques minutes. Les trois camions seront donc introduits frauduleusement dans l’enceinte de l’institution sous le regard impuissant de certains députés de l’opposition et de centaines de militants. La confusion s’installe à la Cena, le coordonnateur à la communication de cette institution dément quelques heures ces informations distillées par l’opposition et affirme que ces camions contiennent les urnes de l’extérieur. Convoyées du nord non scellées ?! Cela laisse perplexe beaucoup de personnes. La télévision nationale Ortb profite de cette confusion, installe un studio dans l’enceinte de la Cena et donne quelques chiffres qu’elle dit provenir de ses représentants sur le terrain. C’est le comble. Le vendredi soir, c’est dans cette confusion que le président de la Cena proclame les grandes tendances, seul dans son bureau et de façon unilatérale alors que les autres membres l’attendaient dans son bureau pour finir le dépouillement et harmoniser les chiffres. Selon ces résultats, le président Boni Yayi viendrait en tête des élections avec un pourcentage de 53%, contre 35% pour Me Adrien Houngbédji et 5% pour Abdoulaye Bio Tchané. Il est démenti quelques heures plus tard par son vice-président, celui là même qui s’occupe du dépouillement. Il affirme que les résultats publiés par le Président de la Cena ne reflètent pas la réalité car le taux de dépouillement est encore très faible. Par exemple, il est de 39, 93% dans l’Ouémé, de 27, 86% dans le Plateau et de 3,17% dans l’Alibori, pour ne citer que ces cas là. Vingt quatre heures après cette proclamation cafouilleuse de grandes tendances par Joseph Gnonlonfoun, le candidat unique de l’Un Me Adrien Houngbédji réagit à nouveau, dénonce l’imposture organisée et guidée en sourdine par Boni Yayi, balaie du revers de la main les chiffres avancés par le président de la Cena, confirme que le dépouillement continue et proclame une fois encore avoir gagné les élections. « Le peuple béninois et sa démocratie sont victimes d’un grand complot », a-t-il dénoncé avant de réclamer que justice soit faite et que sa victoire lui soit redonnée. Cette dernière sortie redonne un peu d’espoir à ses militants abasourdis par l’annonce de Joseph Gnonlonfoun la veille. Mais dans le cœur de maints béninois, l’incertitude plane quand à l’issue de cette élection dont Abdoulaye Bio Tchané, l’autre candidat arrivé troisième selon les chiffres de Gnonlonfoun, réclame purement l’annulation.