Crise électorale et législatives: Les dangers qui guettent l’opposition et le pays

Bénin – La crise politique que connaît le pays depuis quelques années, prend un nouveau développement depuis la tenue du premier tour de la présidentielle dans des conditions abjectes. Il faut, ici déjà, mentionner que toutes les parties ont leur part de responsabilité dans ce qui se passe. Mais, dans l’immédiat, il serait intéressant de scruter l’avenir immédiat. Et la boule ne révèle pas des perspectives heureuses.

Publicité

En effet, les débats autour de la présidentielle ne sont même pas encore terminés qu’on devrait, en tenant compte du chronogramme de la CENA, ouvrir un autre front, celui des législatives pour lesquelles la clôture du dépôt des dossiers est prévu pour ce mercredi 23 mars. Cela appelle quelques interrogations. On sait que le mandat de l’actuelle mandature prendra fin le 22 avril prochain quand serait installée la nouvelle mandature à venir. Mais, dans les conditions qui prévalent, que va-t-il se passer ?

L’opposition peut-elle objectivement aller aux législatives ?

L’opposition ne reconnaît pas les résultats de la présidentielle, tels que proclamés par la Cour constitutionnelle. Elle les rejette catégoriquement. Mieux, son principal candidat, celui de l’Union fait la Nation, Adrien Houngbédji revendique la victoire et se proclame « président élu ». Dès lors, la crise est manifeste. Le pays a, de fait, deux présidents. A cette allure, demain ne semble pas être la veille du jour où les parties accorderaient leurs violons et fumeraient le calumet de la paix. D’ailleurs, le moins qu’on puisse dire, c’est que l’Union fait la Nation n’entend pas reconnaître « l’élection » de Boni Yayi, et partant, son autorité. Le dilemme serait alors énorme quant à la participation aux législatives. Pour l’Union fait la Nation, y participer serait comme renoncer à son combat. Pis, ce serait reconnaître l’autorité de celui qui a convoqué le corps électoral pour le 17 avril prochain : Boni Yayi. Ces législatives étant très voisines de la présidentielle querellée, c’est cela qui complique l’équation pour l’UN et sans doute aussi pour les autres opposants qui partagent la même logique. Si participer aux législatives revient à abdiquer et à reconnaître l’autorité de Boni Yayi, en toute logique, les responsables de l’UN rameraient à contre courant en y allant quand même. Ils ne seraient même pas compris. Les solutions qui leur restent seraient alors de manœuvrer pour bloquer le processus législatif ou de le boycotter. Le blocage, il faut se demander s’ils en ont les moyens politiques et objectifs. Quant au boycott, il ouvrirait la voie d’une assemblée monocolore à Boni Yayi, une assemblée totalement soumise. Dès lors, la toute puissance faisant son œuvre, il ne serait pas exagéré de penser que l’on doigterait sérieusement la Constitution dans le sens voulu par les caciques du pouvoir, surtout que Boni Yayi se verrait dorénavant tout puissant. Et, pour le pays, bonjour le risque de la « refondation » avec un président qui dure dans le temps en enchaînant les mandats, à défaut de rester à vie. Le tout, sans que l’on soit sûr qu’il s’agisse d’un despote éclairé. L’on en doute plutôt.

Des risques et des risques

De l’autre côté, si l’opposition devait finalement participer au scrutin dans les conditions actuelles, elle paraîtrait anachronique, inconséquente. Ses militants, déçus, pourraient se résigner et bouder les urnes. Dans ce cas aussi, Boni Yayi serait en position de contrôler la prochaine Assemblée à la mesure de ses ambitions ou presque. Et si, mus par une certaine dynamique revancharde, les militants de l’opposition prenaient d’assaut les urnes, les rapports de force pourraient être sensiblement équilibrés (sur la base des chiffres avancés pour la présidentielle) mais il restera que l’opposition aurait implicitement renoncé à ses revendications liées à la présidentielle et aurait reconnu Boni Yayi. Par ailleurs, l’embarras de l’opposition devrait être plus grand quand on sait qu’il y en a parmi ses membres, actuellement députés, qui sont dans le collimateur du pouvoir et qui, dès qu’ils perdraient leur immunité, difficile à lever jusqu’ici, ne devraient pas se faire de doute sur le sort qui les attend. Pour protéger ceux-là, l’opposition irait-elle à la compromission ? On imagine que si elle devait finalement participer au scrutin, l’opposition porterait le débat sur les risques de pouvoir absolu, de pensée unique et leurs dérives. En face, Boni Yayi, surtout s’il prêtait serment le 6 avril prochain, ne manquerait pas de s’impliquer franchement dans la campagne et devrait solliciter une majorité franche. Pour y arriver, il n’aurait qu’à se poser en victime des pratiques parlementaires qui l’auraient limité dans ses ambitions pour les cinq dernières années. Nous jouons gros si la situation actuelle prévalait jusqu’au 17 avril prochain.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité