Elections nigériennes : le Niger revit

La leçon d’histoire est en marche. Le Professeur ès démocratie, le Général Salou Djibo est en passe d’accomplir avec autant de succès, sinon plus que son illustre prédécesseur Daouda Malam Wanké, l’administration de la pilule qui sauve. Et la démocratie nigérienne retourne sur les rails. Le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD), qui a mis un terme aux dérives dictatoriales du Président Tandja Mamadou en 2010 a pratiquement accompli sa mission. Le second tour de l’élection présidentielle, tenu le 12 mars dernier, s’est tenu dans des conditions telles que, l’on ne peut que saluer l’esprit patriotique et le civisme du peuple nigérien qui a voté dans le calme. A quelques encablures de la fin de cette transition, il convient néanmoins de se pencher sur les acquis. Les mesures adoptées pour que le Niger ne soit plus confronté à l’éternel recommencement de l’histoire.

Il faut se rappeler qu’en 1995 déjà, le président élu, confronté à une grave crise de cohabitation avec son Premier Ministre a été tout simplement déposé par l’armée. Le Général Maïnasara, arrivé au pouvoir à cette occurrence a lui aussi été victime d’un coup d’Etat militaire en 1999 consécutif à l’allure despotique qu’avait pris sa gouvernance. Puis ce fut en 2010 le tour de Tandja Mamadou, décidé à ne pas quitter le pouvoir en violation du terme constitutionnel de son mandat. La gestion politique du Niger semble donc être devenue l’affaire alternative des politiques (toujours les mêmes) et des militaires (assoiffés de pouvoir ou de démocratie).

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Mais chaque coup d’Etat, qu’il soit militaire, comme ceux que l’ont doit à Ibrahim Baré Maïnasara, Daouda Malam Wanké et Salou Djibo, ou institutionnel comme celui dont s’est rendu coupable Tandja Mamadou en dissolvant la quasi-totalité des institutions du pays opposées à ses velléités, est un coup d’arrêt à la démocratie et engendre dans ce pays depuis l’ère du renouveau démocratique un éternel bégaiement de l’histoire. Ce n’est évidemment pas ainsi que définissent la démocratie les grands penseurs qui ont conceptualisé la notion. Le Niger d’aujourd’hui recommence sa marche à la démocratie. Et peut dans cette hypothèse se référer à ses propres annales historiques pour trouver des exemples idoines. Sauf que, cette propension à la répétition cache une anomalie que la dernière « restauration » de la démocratie se devait de corriger. L’a-t-elle fait ? Mystère. En tout état de cause, de nouveaux verrous ont été ajouté sà la loi fondamentale pour empêcher sa réforme dans les domaines les plus sensibles comme la limite du nombre de mandats entre autres. En sus, pour être élu parlementaire nigérien désormais, il faut pouvoir exciper d’un Brevet d’études du Premier cycle tout au moins. Précaution voulue et prise contre l’illettrisme de députés censés voter des lois qui engagent la nation. Mais précaution vaine, à mon sens, dans la mesure où le BEPC ne me paraît ni suffisant d’un certain point de vue, ni pertinent de l’autre. Par ailleurs, il peut être porté à l’actif des militaires l’action énergique et décisive contre le Président Tandja, qui, en tout état de cause, devrait cette fois restée marquée dans l’inconscient collectif des Nigériens, classe politique et populations comprises, comme l’épée de Damoclès d’un dernier recours contre les scélératesses de tout régime futur. L’armée veille !

Le scrutin de samedi enfin, par les retournements d’alliance qu’il a occasionnés, donne peut-être pour une fois l’occasion à un homme « neuf » et à un système jamais éprouvé de se mettre en place. Mahamadou Issoufou, l’éternel ostracisé part favori. Et en remportant la présidentielle, a la possibilité de changer quelque chose à la politique au Niger. Le contraire aurait été pour les apparatchiks du régime déchu une occasion de revenir aux affaires, avec les répercussions que cela pourrait avoir sur la scène nigérienne. Comme on dit en langage militaire, « Mission accomplie » pour Salou Djibo et ses pairs du CSRD. Restent les épineux dossiers de malversations diverses imputables aux régimes qui se sont jusque là succédés à la tête du Niger, et que le Général a jugé bon de laisser gérer par son successeur. Un moyen rapide de mesurer l’engagement du prochain président dans la lutte contre la corruption et également son détachement dans la perspective d’une éventuelle « chasse aux sorcières ».

Car si la démocratie nigérienne renaît, le pays reste l’un des plus pauvres et les plus corrompus de la planète. A charge à Séini Oumarou ou plus probablement son adversaire Mahamadou Issoufou de nettoyer les écuries d’Augias. Pas de crainte, les eaux du Niger passent à proximité.

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