Vive la guerre ! La Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste est depuis quelques heures sous le déluge de feu de la communauté internationale. Attendue et redoutée, espérée et crainte depuis trois semaines, l’opération « Aube de l’Odyssée » vient modifier les rapports de force militaires entre les troupes fidèles au Guide Mouammar Kadhafi et ses adversaires insurgés. Condamné et lâché de toutes parts, le dirigeant libyen qui espérait profiter des divisions au sein de la communauté internationale pour reprendre le contrôle de son pays n’a désormais plus que ses yeux pour regarder se déliter sa puissance… et peut-être bientôt, s’écrouler son régime.
Nul ne doute de la supériorité militaire des forces de la coalition anti-Kadhafi sur les troupes restées fidèles au Guide libyen en passe, il y a quelques heures seulement de reprendre Benghazi, centre névralgique et fief de l’insurrection armée qui menaçait le pouvoir il y a trois semaines encore. La vingtaine d’avions de combat, la quasi-obsolète défense antiaérienne et l’artillerie lourde, s’ils avaient la capacité de défaire les rebelles, ne feront guère le poids face aux missiles tomahawks, aux avions Mirages, Rafales et autres F16 engagés dans les frappes déclenchées contre le dispositif militaire libyen. Il est donc probable que l’issue future de la guerre fasse changer la victoire de camp.
Mouammar Kadhafi, pour avoir décidé de faire gicler de son peuple révolté une « rivière de sang », de le traiter comme on traite « drogués », « rats » et « microbes », a vu voter contre lui, tard, mais finalement pas trop tard, une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies autorisant le recours à la force pour la protection des civils. Même des alliés traditionnels de la Libye comme la Chine et la Russie n’ont pas jugé utile d’opposer leur veto à la résolution. Comment auraient-ils assumé la responsabilité d’avoir laissé faire la sanglante « dératisation » de la Libye, dans un contexte international où l’attention du monde entier est captée par ce fameux printemps arabe ? Comment prendre le risque de s’aliéner le soutien d’Etats membres de la Ligue arabe qui quant à eux s’étaient déjà prononcés pour l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne ? Même si ces dernières heures, la Ligue semble prendre ses distances vis-à-vis de la façon dont se déroulent les opérations. Quant aux Etats africains siégeant à l’heure actuelle au Conseil de sécurité, ils ont dû voter selon leurs propres vues ou convaincus par d’autres moyens si on en juge par la condamnation ultérieure de l’offensive alliée par l’Union africaine.
Mais il ne suffira sans doute pas de frappes ciblées pour faire capituler le Guide libyen. Il reste bien d’atouts dans le jeu du Colonel Kadhafi dont il peut encore user pour soit se maintenir au pouvoir, soit rendre le pays ingouvernable pour ses éventuels tombeurs. Combattre « jusqu’à la dernière goutte de sang » et « jusqu’à ce que la dernière balle ait été tirée » tel que juraient de le faire Mouammar Kadhafi et son fils Seïf al-Islam, peut signifier dans les faits une irakisation, voire une somalisation du conflit. Dans un contexte où il n’est pas question pour les Occidentaux d’envoyer des troupes au sol, laissant aux insurgés la responsabilité de mener l’offensive terrestre. Avec le risque de la cristallisation du front et d’embourbement de la situation. On se dirige peut-être vers la constitution d’un nouveau sanctuaire du terrorisme international sur le continent africain. Avec Kadhafi ou certains de ses amis et ennemis de toujours à la manœuvre. C’est là encore l’un des paradoxes de la guerre en Libye.
En tout état de cause, l’opération militaire en Libye a au moins deux mérites s’il en est : d’une part celui d‘assurer les peuples en quête de justice et d’égalité du soutien que peut leur apporter la communauté internationale, pour peu que les intérêts des « Grands » de ce monde ne sont pas fortement menacés. Car il ne faut pas être dupe de ce type d’action militaire, si le Colonel Kadhafi symbolisait encore les intérêts de l’une des puissances du Conseil de sécurité des Nations Unies, la résolution 1973 n’aurait jamais vu le jour. D’autre part, l’intervention contribuera certainement à mettre fin aux exactions des troupes et des mercenaires du Guide. La France pourra quant à elle remonter sur ses grands chevaux de « patrie des droits de l’homme », au vu du rôle capital joué par le Président Nicolas Sarkozy et surtout par le Ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, dont on n’attendait pas moins.
Les frappes occidentales en Libye ne font que commencer. L’aube de l’Odyssée annonce peut-être le crépuscule d’un dictateur. Reste que sous d’autres cieux, des despotes du même acabit maintiennent leurs peuples sous le même joug et font couler autant de sang. Et que disent Cameron, Sarkozy et Obama ? Tendez l’oreille !
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