Japon : la malédiction nucléaire ?

Le nucléaire et le Japon ne font pas bon ménage. J’exagèrerais même à peine en affirmant tout de go que la technologie nucléaire a été inventée contre les Nippons. Bien sûr, cela ne tient pas compte de l’intention profonde qui a sous-tendu la mise au point des premières bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki en 1945. Ces bombes auraient tout autant pu tomber sur Dresde, Frankfort, Trieste ou Turin. Mais force est de constater qu’à l’heure du bilan du nucléaire, le pays présentera sans aucun doute possible la facture la plus salée à la technologie que l’on a inventée meurtrière, rendu « écologique », mais que l’on peine à maintenir dans cette deuxième voie. Lorsque le 12 mars dernier, le Japon a subi le tremblement de terre le plus puissant de son histoire, suivi d‘un terrible tsunami, il était entendu pour les observateurs que le pays subissait encore un énorme coup du destin. Du genre ce ceux auxquels il a bien fini par s’habituer en prenant dans la mesure du possible les dispositions pour éviter le pire. Mais peu de gens avaient dans l’immédiat mesuré l’ampleur de la catastrophe. C’étaient d’abord les raffineries en feu qui avaient attiré les caméras des chaines de télévision. Puis l’on s’est préoccupé du sort des disparus et des sinistrés. Depuis, la tension est montée d’un cran. Et continue de monter. Une centrale nucléaire menace d’exploser et de provoquer un désastre humanitaire et écologique hors pair. Classée successivement à l’échelle trois, quatre, cinq, elle vient d‘être portée à six sur une échelle totale de sept mesurant le risque de catastrophe nucléaire. Le pire parait de moins en moins évitable. Et la psychose gagne déjà le pays, seul dans l’histoire de l’humanité à avoir éprouvé en grandeur réelle les dégâts d’une explosion nucléaire de grande ampleur. Seule avec l’Ukraine et sa centrale de Tchernobyl accidentée en avril 1986.

De là à penser que le Japon est sous le coup d’une malédiction nucléaire, il n’y a qu’un pas. D’autant mieux qu’en 1997 déjà, la centrale nucléaire de Tokaimura avait été fermée à la suite d’un grave accident. Mais en réalité, la situation actuelle au Japon n’appelle pas des réflexions incongrues sur le destin du peuple japonais qui, pas plus qu’aucun autre peuple au monde, n’est l’objet d’aucune malédiction d’aucune sorte, mais plutôt une analyse objective des tenants et aboutissants de cette énergie nucléaire dont on dit peut-être beaucoup plus de bien qu’on ne devrait.

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Vous l’avez sans doute entendu dire ces dernières années, au plus fort de la crise énergétique et dans le sillage du réchauffement climatique effréné de la planète, le nucléaire civil apparait être une solution. En effet, l’énergie nucléaire a, parait-il, l’avantage d’être « propre », c’est-à-dire de ne pas présenter de risques pour la nature dans les conditions adéquates de production et d‘exploitation. Et c’est justement là que se pose le problème. « Les conditions adéquates de production et d’exploitation ». Ces conditions ont-elles pu faire défaut à la nation qui était il y a quelques semaines encore la deuxième puissance économique du monde ? Cette fameuse énergie nucléaire si « propre », n’est-elle pas responsable de la mort de dizaines de personnes à Tchernobyl, de l’irradiation de centaines d’autres et de la mise en quarantaine de milliers d’hectares de terres interdites aux hommes pour quelques millénaires ? Qu’est-ce que cette technologie dite propre qui, pour peu que des erreurs surviennent, est capable d’ôter la vie aux espèces et/ou de les rendre meurtrières à leur tour ? Dans le rapport coût-avantages, est-on bien certain que le nucléaire civil passe avant les autres formes d’énergie écologiques ? Et quelle chance a-t-on de prémunir les installations nucléaires des colères de la nature du genre de celle que le Japon vient de subir ?

Le mérite de la nature de donner ce genre de signal, c’est celui d’attirer l’attention sur les risques encourus à court, moyen et long terme avec ce type de technologie. Il n’y a pas si longtemps, le Nigeria a annoncé son intention de recourir au nucléaire civil. Certains autres Etats africains ne s’en cachent pas non plus. Et la course de l’Iran pour aboutir à un programme nucléaire qu’il soit civil ou militaire, mérite encore d’être analysée avec plus de sang-froid que de nationalisme sud-sud à la noix. Quand il apparait aussi évident que ces derniers jours, que la puissance économique n’est pas gage de sécurité nucléaire, il est indispensable de repenser les sources d’énergie utilisées dans le monde. Et surtout dans les Etats pauvres comme les nôtres. Qui courent plus que d’autres le risque d’être des victimes collatérales de l’inconséquence de leurs voisins.

Le Japon, même si le pire devait survenir, se relèvera et revivra. Je ne donnerais pas la même certitude pour des Etats comme le Nigeria, l’Afrique du Sud ou même l’Iran.

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