Lépi: les non inscrits envahissent les centres, leur colère s’accentue

Bénin – Ils étaient très nombreux dans les centres ouverts à Cotonou et environs. Et peinent à se faire enregistrer. Ailleurs, il n’y a même pas d’équipements. Des opérateurs désœuvrés, des populations lasses d’attendre indéfiniment. Non sans une certaine colère qu’elles déversent déjà dans la rue. Mathieu A. a dû fermer son atelier de menuiserie, toute la journée d’hier pour se faire recenser. Déjà à sept heures du matin, il a pris d’assaut la devanture du 10ème arrondissement de Cotonou. Le grand nombre d’autres non inscrits présents à cette heure matinale sur les lieux, ne l’effraye guère. «Ce n’est pas grave, l’essentiel est que je parvienne à me faire enregistrer » banalise-t-il. Plusieurs heures après, Mathieu est toujours là, dans le rang, serré comme une sardine et sue abondamment. Ils sont des centaines qui vivent la même situation depuis hier matin. Devant les locaux de cet arrondissement de Cotonou, l’ambiance est infernale. Ça grogne et ça râle à tout moment. Tossou Nicaise, la quarantaine est également ici depuis 8 heures. Agent de la société Sodirep, il a dû solliciter une permission auprès de son employeur pour toute la journée d’hier. Car il tient à se faire enregistrer et surtout à voter. «Je dois voter forcément. Si je ne prends pas ma carte, il n’y aura pas d’élection » prévient-il, l’air sérieux. Il est négligemment habillé pour la circonstance. Juste un tee-shirt, une culotte et des sandalettes. Il anime de temps à temps la galerie pour tuer le temps. «J’étais malade et absent du Bénin, lors des premières phases de recensement » explique-t-il, ajoutant qu’il s’est fait néanmoins enregistrer dans un cahier, deux fois de suite auprès du Chef quartier, en vue d’être pris en compte plus tard. Les rangs sont nombreux ici et débordent sur la voie pavée d’en face. Jeunes, femmes, hommes, personnes âges, toutes les catégories sociales et tous les âges sont là, impatients de se faire enfin enregistrer sur la Lépi.

Aller jusqu’à minuit…

Rolande Zohoun, enseignante dans une école maternelle, a fini par s’asseoir sur le bord de la voie pavée, à l’ombre d’un grand arbre du coin. Elle affirme être un peu souffrante et guette de temps à autre l’évolution du rang dans lequel, elle a fait réserver une place. Son souci est d’avoir la carte d’électeur, pas forcément pour voter, mais pour s’en servir comme pièce d’identité, à la croire. « Je me suis déjà trop gênée pour cette affaire. Si j’arrive à avoir ma carte. Tant mieux. Au cas contraire, je n’en ferai pas une grande histoire» lâche cette jeune dame au visage angélique, vêtue d’une tenue de sport.

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A l’intérieur des locaux, les opérateurs Kits sont presque essoufflés. Juste 75 personnes enrôlées depuis le matin, alors que dehors bouillonne une grande foule. « Ceux qui sont pris en compte sont surtout ceux dont les noms ont été préalablement enregistrés auprès des chefs quartiers » précise le superviseur des opérations de ce centre, Séidou Samad , même s’il se dit acculé par l’affluence qui règne sur les lieux. «Nous aurons souhaité avoir encore 2 à 3 kits de plus pour pouvoir aller vite » dit-il. Seuls trois kits fonctionnent ici, et l’enrôlement d’une personne dure environ 5 à 10 minutes. Pour les présentes opérations, les opérateurs doivent travailler au moins jusqu’à minuit, selon les instructions données par la Cps-Lépi. Quant à la délivrance des cartes d’électeurs à ces derniers inscrits, le superviseur de ce centre n’en a la moindre idée. Au pire des cas, pense-t-il, ils seront obligés de voter avec leurs récépissés.

Godomey encore en colère

La distribution des cartes d’électeur la semaine dernière avait connu un début difficile à Godomey, l’un des plus grands arrondissements du Bénin. Idem pour les nouvelles opérations d’enrôlement qui devraient démarrer depuis hier matin. Jusqu’à 19 heures, il n’y avait pas un seul non inscrit enregistré. La colère des populations ne s’est pas fait attendre. Elles ont haussé le ton aux environs de midi et ont menacé de tout casser. Les forces de l’ordre alertées sont descendues d’urgence sur les lieux pour les disperser à coup de gaz lacrymogène. « Nous allons marcher encore vendredi ici à Godomey contre la Lépi » vocifère un homme hier vers 16 heures devant le grand portail de l’arrondissement. A l’intérieur, on pouvait encore percevoir plusieurs femmes assises sur les marches de l’escalier principal. Elles sont toutes visiblement fatiguées. Et piaffent d’impatience de voir les opérations démarrer d’un instant à l’autre. Les opérateurs kits sont pourtant en place. Mais pas d’ordinateurs pour le moment. Eux-mêmes disent ne pas comprendre grand-chose de ce qui arrive. La centaine de personnes entassées devant cet arrondissement ruminent une colère verte. « Si je ne vote pas ici à Godomey, vous verrez ce qui va se passer » menace un « Zémidjan » qui démarre en trombe sa moto, après avoir passé une dizaine d’heures sur les lieux. Les opérations d’enrôlement devraient s’achever ce jeudi sur toute l’étendue du territoire national, puisqu’elles sont prévues pour durer deux jours seulement. Tous les exclus seront-ils pris en compte en ce laps de temps? La question se pose avec acuité en ce moment.

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