Lépi : moins un échec qu’une expérience

Il n’y a pas d’échecs. Il n’y a que des expériences. Nous n’avons pas inventé une telle idée qui nous tient lieu de boussole.  C’est l’école de la pensée positive, que nous fréquentons assidûment, qui nous l’a apprise. Au regard de quoi, nous ne ferons pas estampiller la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) de la mention « Echec ». Malgré les graves insuffisances qu’elle vient d’étaler à la face du Bénin et des Béninois. Malgré  que nombre de nos compatriotes en aient fait leur deuil, du moins dans sa version actuelle. Nous persistons et nous signons : avec la Lépi, nous avons eu l’avantage et le privilège de vivre une grande expérience. Qui en sort ne peut pas ne pas avoir appris quelque chose, ne peut ne pas avoir retenu quelque chose. La Lépi a concentré d’importants moyens scientifiques, techniques et technologiques. La Lépi a fait appel à l’expertise de nos cadres, à leur savoir et à leur savoir-faire dans des secteurs éminemment pointus, hautement spécialisés. La Lépi nous a mis en rapport avec l’argent des partenaires techniques et financiers. Ce qui nous a forcés à une discipline et à une rigueur de gestion dont nous n’avons point l’habitude.

Tout cela est de l’ordre de l’inédit.  Tout cela nous a donné du grain à moudre. Tout cela nous a obligé à faire montre de certaines qualités, sinon de qualités certaines qui, autrement, n’auraient jamais trouvé, chez nous, un sol et une occasion d’émergence, un espace d’illustration et d’expression.

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Mais, par-dessus tout, à condition d’avoir l’humilité de le reconnaître et l’intelligence d’en moissonner les enseignements, la Lépi nous a révélés à nous-mêmes. C’est comme si, par la Lépi, nous nous étions soumis à une psychanalyse des profondeurs. Nous tenons, désormais, en main, les résultats de notre scanner intérieur. Ces résultats mettent au jour nos tares et travers. Ceux-là mêmes que nous nous évertuons à cacher et à nous cacher.

La première de nos tares tient à l’idée que nous nous faisons de la politique. Au point où, de déformation en caricature, nous avons réalisé l’exploit de vider le mot et le concept de tout contenu. Faisons un test. Demandons au tout-venant ce qu’il pense de la politique, comment il la définit. La politique, dans  l’entendement  de l’immense majorité de nos compatriotes, est synonyme  de ruse, de combine, de machination, de fraude et de coups bas. Or, selon une loi naturelle, les idées qui dominent nos pensées renforcent nos croyances et nos croyances créent notre réalité.

Voilà ce qui a piégé, dès le départ, la Lépi. Elle a été vue par les uns et par les autres moins comme un facteur de progrès destiné à améliorer notre système électoral, que  comme un outil amélioré pour perpétuer la fraude et conquérir le pouvoir d’Etat. La Lépi, de ce point de vue, s’est voulu le plus court chemin pour accéder aux délices du pouvoir.

La seconde de nos tares tient au fait que nous sommes des tricheurs impénitents. Et tout tricheur est de mauvaise foi. Le tricheur n’est pas gêné, le moindre du monde, de faire référence à la loi. Mais c’est pour la tourner, la détourner ou la contourner.  En fait, la loi lui tient lieu de prétexte  et d’alibi. La loi est, pour lui, une référence platonique, un épiphénomène qui n’embraye sur rien. Sinon que la loi lui offre un beau plateau pour le magicien de génie qu’il est, capable comme tel de lui faire dire et de lui faire faire tout et rien. En somme, ce qu’il veut. Il ferra référence à la loi et l’interprètera dans un sens donné si tel est son intérêt. Et s’il lui arrivait de l’ignorer, c’est qu’il s’est assuré de pécher  par omission et sans vergogne.

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La troisième de nos tares, c’est que nous sommes davantage  diseurs que faiseurs. Nous nous en rendons compte aujourd’hui. La Lépi a été entièrement construite sur des fondations de mots et d’incantations. Avant que la vérité des faits ne nous révèle le bluff et ne sanctionne la copie rendue : zéro pointé ! « Que tel est pris, qui croyait prendre » écrivait La Fontaine pour nous rappeler ce mot qui a survécu à son auteur, Abraham Lincoln que nous ne citerons pas et sur lequel personne ne  peut se tromper.

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