Les trois torts faits au peuple béninois

Géniale définition : la démocratie, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Notre Constitution, en son article 2, la consacre en la reprenant in extenso. On voit mal comment un peuple pourrait refuser de se reconnaître dans une telle définition. Elle a l’avantage  de tout faire partir de ce peuple et de tout faire aboutir à ce peuple. Celui qui est ainsi avantageusement positionné est au centre, c’est-à-dire au cœur des choses. Il est comparable au chef d’orchestre d’un ensemble philharmonique. C’est l’alpha et l’oméga d’un système.

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Les élections auxquelles nous participons à saison régulière devraient être l’illustration de cette définition. Le peuple, habituellement réduit à n’être qu’une généralité vaporeuse, qu’une référence abstraite et lointaine dans les discours des politiciens, prend subitement du relief. Il est élevé à la dignité d’un arbitre suprême.

 

Comme tel, le peuple est appelé, par l’expression de son suffrage, le temps d’une élection, à concentrer dans les mains de quelques uns d’entre nous d’énormes pouvoirs  ainsi que, disons-le, les avantages et les privilèges subséquents. Le bulletin que le peuple glisse dans l’urne, de manière apparemment banale, prend une singulière importance. Il dessine les contours d’une carrière. Il scelle un destin. Il décide du sens d’un parcours.

Le Bénin sort du premier tour de l’élection présidentielle. Et le peuple, ici comme ailleurs, est invité à arbitrer d’importantes joutes politiques. Il s’agit de confronter des projets et des propositions, de départager les différents candidats en lice, de conférer, au finish, à un seul parmi tous, le suprême privilège d’être le premier de cordée, à charge de nous conduire vers les sommets de nos rêves.

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Faisons un arrêt sur image. Dans notre objectif, le scrutin présidentiel. Il y a tout lieu de penser que si la démocratie,  c’est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, celle qui a cours chez nous ne peut, pour ainsi dire, que souffrir d’un déficit de peuple. Pourquoi ?

Des milliers de nos compatriotes n’ont  pu exercer leur droit de vote. Ces « oubliés » de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) sont, de ce fait, exclus de la communauté nationale. Ils sont les victimes d’un déni de citoyenneté. Un peuple ainsi méchamment amputé, donc affaibli, ne peut avoir qu’une démocratie faible. C’est le premier tort fait au peuple béninois.

Par ailleurs, la Lépi devrait être synonyme de plus de transparence dans nos diverses opérations électorales. La Lépi devrait ainsi aider à réduire la fraude, cette gangrène qui prospère comme herbes sauvages de saison de pluies au cœur de notre système électoral. Par la fraude et avec la fraude, nous sommes dotés du pouvoir maléfique de faire voter les morts, les invitant à se mêler au bal électoral des vivants.

Malheureusement, la Lépi, du moins celle à qui nous avons confié le sort du scrutin présidentiel en cours, non seulement ne nous a pas prémuni contre ce vilain travers, mais elle a réussi l’exploit d’empêcher les vivants d’aller exercer leur droit citoyen, donc  d’aller voter. Nous nous plaignions de voir les morts voter. Avec notre Lépi, ce sont les vivants qui sont frappés de mort civique. Ils se sont vu barrer les chemins des bureaux de vote. C’est le deuxième tort fait au peuple béninois.

S’il devait en être ainsi, il y aurait lieu de reconnaître qu’un peuple mutilé, du point de vue de ses droits ne peut être que diminué, lésé du point de vue de ses devoirs. Parce que la souveraineté d’un peuple  n’est pas sécable. Cela veut dire qu’elle n’est ni à couper ni à diviser, comme on le ferait d’un comprimé. La souveraineté d’un peuple, pour en être véritablement une, doit être pleine et entière.  C’est le troisième tort fait au peuple béninois.

Voilà où nous a conduit cette Lépi de tous nos dépits. La faute est grave. Le pardon demandé par le Président  n’y  changera pas grand- chose. Même si, par ailleurs, Dieu ne demande pas la mort du pécheur, mais sa rédemption.

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