Lettre ouverte à Robert Dossou

Il y a trois ans, plus précisément le 13 juin 2008, à travers notre chronique, nous adressions  une lettre ouverte à Robert Dossou. C’est l’homme vers qui converge le regard de tous les Béninois. Comme  Président de la Cour constitutionnelle, sa voix scelle le sort de la présidentielle du 13 mars 2011. Qu’il nous plaise de convoquer la mémoire, à travers des  extraits de cette lettre ouverte. Nous prenions alors date avec Robert Dossou, mais surtout la mesure de la responsabilité qui est la sienne, face à lui-même, face à son pays, face à l’histoire. Nous écrivions alors, il y a trois ans : « Encore une fois, sinon une fois de plus, vous avez rendez-vous avec le destin. Investi de la confiance de vos collègues, vous venez d’être porté à la tête de l’une des plus importantes institutions de la République, la Cour constitutionnelle. A tenir, par son rôle, par sa fonction de régulation et d’arbitrage, pour la clef de voûte de notre système démocratique.

Vous voilà projeté à l’avant-scène. Aujourd’hui, sous les feux de la rampe, mille soleils dardant à plomb leurs rayons sur votre personne. Demain, sous le tir groupé de francs-tireurs embusqués, décochant, depuis leur sombre repaire, des flèches assassines contre votre personne. C’est l’ambigu destin de ceux qui s’élèvent au-dessus du lot commun. C’est dire que, où que vous vous tournez, vous n’avez ni faveur ici, ni grâce là. Soyez et restez d’abord votre propre ami. C’est-à-dire celui qui sait s’écouter lui-même pour n’entendre que la voix de sa conscience.

Vous le savez : vous avez été précédé, dans l’éminente responsabilité qui vous échoit désormais par des rumeurs qui voulaient que vous soyez l’homme d’Untel, sinon la voix de son maître. Et vous avez dit, réagissant à l’outrage, tel que devrait savoir le faire tout homme d’honneur : « C’est une injure à ma personne. Je ne suis l’ombre de personne. Je suis Robert Dossou, créé à l’image de Dieu » (Fin de citation).

Oui, Dieu. Car lui seul nous voit au tréfonds de nous-mêmes. (…) Il nous appelle à d’éminentes fonctions, sans commune mesure avec notre statut de mortel. Il nous confère la suprême couronne pour nous mettre au service des hommes, ses créatures. Car servir les autres, c’est se servir soi-même. Mais par-dessus tout, c’est servir Dieu qui sait se servir de nous pour accomplir ses desseins.

Vous êtes donc là où vous êtes par la volonté de Dieu. Mais vous y serez reconnu comme un sage ou jugé comme un imposteur par votre seule volonté. Vous avez donc le choix. Votre bilan de président, dans cinq ans, à la fin de la quatrième mandature de la cour constitutionnelle, portera votre signature et non celle de Dieu. Vous voilà prévenu. (…)

Il n’y a pas de hasard, Monsieur le Président. Mais il y a que c’est ce que nous pensons qui finit par nous façonner et qui finit par déterminer ce que nous sommes, ce que nous faisons, ce que nous réalisons. (…). Alors, Monsieur le Président, ne vous donnez aucune limite : voyez grand, voyez loin, voyez au-delà des ténèbres de la nuit, voyez au-delà des brumes des matins calmes, bien au-delà des temps d’orage.

C’est moins le Bénin d’aujourd’hui, coincé dans l’espace clos d’un mandat de cinq ans, la durée de votre présidence à la tête de la Cour constitutionnelle, c’est moins ce Bénin-là que vous êtes appelé à construire. Vos actes témoignent pour demain. Ils seront vos juges à la barre de l’histoire. Ils sont à comptabiliser comme autant de briques destinées à construire la maison Bénin. Une maison qui vous survivra. Mais une maison à laquelle chaque Béninois, d’une génération à l’autre, a sa part. Ainsi, sur les chantiers du présent, il ne tient qu’à vous de vous faire bâtisseur d’avenir.

Monsieur le Président, une lettre comme celle-ci ne peut épuiser tout ce que l’amitié me dicte à votre adresse. « De la main d’un ami, nous instruit un proverbe algérien, la pierre est une pomme » (Fin de citation). Mais la pomme une fois partagée entre deux amis, ce sont deux concitoyens qui se retrouvent face à face. Parce qu’ils n’ont pas nécessairement besoin de regarder dans la même direction. Qu’il suffise qu’ils voient le même pays. (…)

Vous savez, Monsieur le Président, combien sincère est ma respectueuse et haute considération. »

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