Présidentielle 2011 : le Génie béninois

Le génie béninois est de retour. J’irais même jusqu’à dire qu’il n’était pas allé bien loin. Il n’était même allé nulle part. Caché peut-être pour mieux ressurgir, le « génie béninois » vient de récidiver. C’était le 13 mars dernier. A l’occasion du premier tour de la présidentielle 2011. Alors que tout le monde avait déjà désespéré de lui. Et tous les Béninois depuis, respirent.

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Conceptualisé pour expliquer par l’irrationnel, l’attitude de la population béninoise toujours prompte à déjouer les prévisions les plus catastrophiques quand le pays se trouve en délicatesse vis-à-vis de son histoire, le fameux « génie béninois » n’a pas d’existence que dans l’inconscient collectif d’une classe intellectuelle capable de l’évoquer et de l’expliquer. Le scrutin présidentiel de 2011, dans son déroulement et son issue probable, en donne la pleine mesure.

Il n’est un secret pour personne que l’élection présidentielle de ce 13 mars n’était pas partie pour se tenir dans les meilleures conditions possibles et imaginables. Au-delà des ratés consubstantiels à toute élection dans un pays en développement du niveau du Bénin, de nombreux dysfonctionnements étaient attendus du fait de l’impréparation évidente et des problèmes liés à la liste électorale permanente informatisée (LEPI). La LEPI « bâclée », comme ont eu à le dire certains ténors de la classe politique d’opposition, ne pouvait qu’engendrer des problèmes. Tout le monde avait vu que la loi dite de « repêchage » n’avait pas repêché grand monde. C’est de ces « oubliés », restés agglutinés dans les mairies et sièges d’arrondissement des grandes villes du pays jusqu’à l’avant-veille du scrutin, farouchement décidés à faire respecter leur droit civique, que moi je redoutais le pire le jour du vote. Allaient-ils à nouveau sortir et se présenter dans les centres de vote pour exiger de les laisser accomplir, sans satisfaire aux conditions, leur droit civique ? De même, l’opposition politique, qui en vertu des chiffres de la LEPI rendus publics, semblait désavantagée, était-elle capable de décider de jeter ses militants dans les rues et perturber le déroulement d’un scrutin dont le report a été demandé jusqu’au bout ? Par ailleurs, la Commission électorale nationale autonome (CENA) mise en place hors délai, contrainte de travailler avec plusieurs autres institutions impliquées dans l’organisation du premier tour, de la CPS à la MIRENA, en passant par le Ministère de la Défense, le Ministère de l’Intérieur, la Cour constitutionnelle et la HAAC, avait-elle les moyens d’organiser un scrutin exempt de reproches ?

Sans l’intervention du « génie béninois », cette once de sagesse, cet esprit patriotique et ce bout d’abnégation dont ils savent faire preuve, les Béninois auraient laissé donner des réponses aux conséquences calamiteuses à ces interrogations. Tout le monde a vu les conditions de paix et de tranquillité dans lesquelles les citoyens ont décidé de sortir exprimer leurs suffrages. Les dysfonctionnements étaient surtout organisationnels. Pas du fait d’agitateurs ou de perturbateurs zélés. Pas même dans les fiefs de l’opposition.

Par ailleurs, les grandes tendances en cours de proclamation dévoilent une autre part du « génie béninois ». Qui m’amène à me poser une question matricielle en mettant en perspective les populations d’une part et les hommes politiques de l’autre : qui manipule qui ? A quoi ont servi les centaines de millions de francs investis par les candidats dits de la troisième voie et leurs suivants, si les tendances sont bien celles qui ont été jusque-là publiées ? Les Béninois ont choisi leurs ténors. Les challengers depuis longtemps attendus, d’un éventuel second tour. A eux deux, ils capitaliseraient plus des 80% des suffrages exprimés. Cela apprendra peut-être aux autres à ne pas venir jouer les figurants quand les jeux sont aussi clairement faits d’avance.

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Il reste que le génie béninois n’a pas encore achevé son œuvre de 2011, même si cette première phase a été accomplie avec brio. Tant que la prestation de serment du 6 avril n’aura pas eu lieu, il lui restera une part de mission inachevée. Après 1990 et 1991 où il a su accompagner les assises de la Conférence nationale des Forces vives de la Nation, puis permis une alternance pacifiée, après une nouvelle alternance paisible en 1996, une reconduction calamiteuse mais tranquille en 2001, suivie en 2005 d’un refus du Président Kérékou de réviser à son profit la constitution, et enfin en 2006 la victoire non contestée de Thomas Boni Yayi, il reste au génie béninois à travailler à décrisper la tension politique, quel que puisse être l’élu de 2011. A ce prix-là, il sera définitivement reconnu dans ses prérogatives peut-être irrationnelles, mais d’une large utilité publique pour les béninois.

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