Procès de Jacques Chirac : de l’immunité vers l’impunité

France – La popularité d’aujourd’hui fait oublier les fautes d’hier. Pépé Chirac doit en être de plus en plus convaincu. Lui qui, du haut de ses 79 ans, de son image rabibochée depuis la fin de son mandat, de son engagement en faveur des pauvres dans les pays pauvres, voit la France se diviser sur le sort qui doit lui être réservé dans l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris dont il était le premier élu dans les années 1980. Un sentiment général émerge, que l’on soit de gauche ou de droite, qui accrédite la thèse selon laquelle, tant d’années après, tant de services rendus plus tard, le procès de l’ancien Président n’a plus vraiment de raison d’être.

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La France veut juger un de ses anciens Présidents. Dans la cinquième république c’est inédit. Mais Jacques Chirac, s’il est un jour, vraiment appelé à la barre, le sera, non pour des indélicatesses commises dans ses fonctions de Chef de l’Etat, mais plutôt pour des faits datant de l’époque où il était Maire de la ville de Paris. A cette époque, la Mairie de Paris avait attribué des emplois fictifs et les rémunérations correspondantes à plusieurs cadres du RPR, le parti du Maire Chirac. Cette pratique dont on dit qu’elle était assez commune à cette époque en France visait à renflouer les caisses des partis en charge de hautes fonctions, que ces partis soient de droite ou de gauche. Sa mise à nu en 2001 n’en a pourtant pas moins choqué l’opinion publique, à telle enseigne que des procès retentissants s’en sont suivis. Les uns plus médiatiques que les autres. L’un aboutissant à la condamnation en 2004 de l’ancien Premier Ministre Alain Juppé à un an d’inéligibilité. Les poursuites contre Jacques Chirac, encore Président à cette époque, firent « pschitt ! »… de sa propre expression.

 

Du temps a passé depuis. L’ardeur des juges et de la justice ne s’est peut-être pas émoussée, mais bien d’eaux ont coulé sous les ponts. Jacques Chirac, depuis bientôt quatre ans, n’a plus aucune fonction officielle. Et les caméras s’étant détournées de lui, quelque chose dans le regard des Français sur leur ancien président a changé. D’abord parce qu’ils ont eu le temps de le comparer à son successeur. Et de voir que la fonction présidentielle ne polit pas naturellement les manières abruptes qui peuvent être celles de certains hommes d’Etat. La noblesse de caractère de Jacques Chirac, sa proximité avec le petit peuple et le monde paysan en particulier, ses petites blagues… ça ne s’invente pas. Et ça se regrette quand ça manque autant à la vie publique française. L’ancien Président capitalise également sur la Fondation qu’il a créée pour s’occuper de la question des faux médicaments dans les pays pauvres et qui lui donne une nouvelle aura internationale d’homme de bien. Au final, Jacques Chirac, plus populaire aujourd’hui que jamais, est de plus en plus perçu comme un pépé sympa à qui la justice devrait « foutre la paix », surtout que dans cette fameuse affaire des emplois fictifs de l’Ile de France, il n’a pas connu d’enrichissement personnel et illicite.

Est-ce pour cela que la justice française semble moins encline aujourd’hui qu’hier à faire rendre gorge à un personnage dont le rôle dans cette scabreuse affaire a tout de même sali l’image de la France par-delà ses frontières ? De là à répondre par l’affirmative, il n’y a qu’un pas. Une chose est certaine, le procès ouvert ces derniers jours a peu de chances de se dérouler. L’avocat de l’un des co-accusés de Jacques Chirac a soulevé une question de constitutionnalité dont l’examen nécessite le renvoi du procès pour une durée d’au moins six mois. Dans le même temps, certains évoquent une possible prescription de l’affaire. Auquel cas, tous les chefs d’accusation contre l’ancien Président et ses présumés complices, tomberaient tout simplement à l’eau. C’est l’exemple que la France nous donne. Nous autres qui en Afrique ne savons pas que le Chef doit aussi rendre des comptes.

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Jacques Chirac peut en tout cas dormir tranquille. Au mieux, il sera simplement épargné d’un jugement que l’opinion publique française ne tient plus tant à voir se dérouler. Au pire, il sera condamné à un « petit quelque chose de tout à fait symbolique » qui ne le privera pas bien longtemps de sa popularité retrouvée. C’est dans cette deuxième dynamique que je m’inscris pour ma part. L’immunité qui a permis à Jacques Chirac de se soustraire à la justice un temps, ne doit pas se muer en impunité. La bonne réputation internationale de la France en dépend. Et quelques Africains espèrent encore en prendre de la graine. Pour la France, donneuse de leçons dans l’actuel contexte international marqué par les révoltes dans le monde arabe, la meilleure pédagogie passe par l’exemple.

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