« La Nouvelle Tribune», votre quotidien, vient de purger la peine de 5 jours d’interdiction de paraitre qui lui a été arbitrairement imposée –le mot est pesé et soupesé… En procédure d’urgence! Il fallait le faire disparaitre, ne serait-ce que le temps de l’élection présidentielle. Pour l’empêcher ainsi de mettre les pieds dans le plat, à défaut de ruer dans les brancards. Mais il est à nouveau dans les kiosques, à compter de ce lundi. Sans avoir jamais manqué à ses nombreux internautes parcourant quotidiennement son site web, le plus à jour et le mieux réactif, donc le plus dynamique sur le Bénin.
N’en déplaise à ceux qui s’érigent en bourreaux et qui tentent de le réduire au silence sans y parvenir, ceux que sa présence sur le marché et dans l’opinion gêne. Tous ceux qui ne souhaitent plus jamais voir le quotidien «La Nouvelle Tribune» s’opposer au hold-up électoral en préparation contre notre peuple et sa démocratie le verraient toujours renaitre de ses cendres. La sauvegarde des acquis de notre historique conférence nationale des forces vives de février 1990 nous dicte de poursuivre le combat de la liberté d’expression quoique cela coûte. Et les menaces, depuis longtemps réitérées à son encontre n’y pourront pas grand’ chose. Cette interdiction arbitraire était imposée, étant entendu que rien ne justifie la décision prise dans ce sens. Et l’organe de régulation se trouve prise en flagrant délit d’injustice dans sa forme du deux poids, deux mesures.
Deux poids deux mesures
Dans la constellation des médias de notre pays, il faut admettre qu’il y a des confrères –suivez mon regard- qui publient plus de forfaitures sans jamais s’attirer les foudres de la Haac. Des exemples sont légion. Inutile d’en donner ici. Chacun peut se les rappeler. Par contre, les plus récents sont ceux de l’Ortb que la Haac a eu beaucoup de peine à réprimander, la semaine dernière. La sanction qui lui a été infligee est en-deca de ce qu’a pu être celle dont «La Nouvelle Tribune » a écopée. Et la Haac semble découvrir maintenant seulement que des médias, parmi les plus chauds (télévision et radio) peuvent désinformer et créer le trouble, alors même qu’en 5 ans de gouvernance Yayi, la télévision nationale est devenue, au vu et au su de tout le monde, l’outil de propagande des Forces Cauris pour un Bénin émergeant (FCBE), avec un directeur général battant publiquement campagne pour le candidat du pouvoir.
L’office de service public, et non du gouvernement, en charge de l’information et de la communication, est dénaturé dans son fonctionnement, sali et humilié sur le plan éthique. Difficile, à un moment donné, de s’y référer. Car, que de propagande politique! La déchéance partisane de l’ORTB et sa caporalisation par le pouvoir-Etat-FCBE ont fait s’exploser les abonnements auprès des operateurs et fournisseurs d’accès aux chaines de télés étrangères. Point de productions propres faisant découvrir au mieux nos réalités locales peu connues de nos compatriotes. Des éditions entières du télé-journal (50 minutes!) dédiées aux seules activités institutionnelles des ministres, vite transformées en campagne et meeting politiques, meublent l’essentiel de la grille des informations qui finissent par abrutir. Pendant que d’un autre cote, on ne se prive pas de dilatoires pour ne pas accorder les mêmes temps d’antenne aux points de vue contradictoires émanant des autres corps de notre société.
Au-delà du rôle de gendarme
Doit-on rappeler ce qu’a été la gestion du dossier ICC-Services dans lequel une certaine instance du pouvoir a pris sur elle la responsabilité unilatérale de couper les ondes de Radio France Internationale, à l’heure de la diffusion de la célèbre émission de Juan Gomez sur la question? Pour ce comportement gravissime de privation flagrante de nos libertés, l’instance nationale de régulation des médias s’est rendue coupable d’une inertie et complice d’un acte liberticide dévalorisant pour la démocratie béninoise. Il a même été considéré que l’évocation de l’affaire ICC, notamment dans les médias d’Etat, était un crime de lèse-majesté à l’égard du chef de l’Etat. Il fallait donc se la boucler! Et ils se le sont bouclé.
Au-delà du rôle de gendarme que la Haac aime jouer tant, qui plus est, dans la forme critiquable qu’on déplore, les organes de presse, toutes typologies confondues, attendent d’elle de plutôt s’impliquer dans des politiques qui tendent à faire d’eux de véritables entreprises. Elle devrait s’employer, en effet, à créer l’environnement qui permette aux banques d’accorder des prêts à ceux des médias qui le méritent pour être compétitifs. En cela, l’aide annuelle de l’Etat à la presse privée (350 millions de F CFA), instituée depuis 1996 par le pouvoir de Kérékou, devrait pouvoir servir de fonds de garantie aux plans de développement et de financement des promoteurs média intéressés. Dans cette perspective, la mise en place d’une centrale d’achats d’intrants et d’une imprimerie à grands tirages ainsi que des messageries nationales prioritairement dédiées aux travaux des rédactions peuvent et devraient avoir été envisagée et exécutée. Inutile d’objecter que dans l’économie de marché qui est le socle du système démocratique au Bénin, il appartient aux associations professionnelles de prendre et d’assumer de telles initiatives. Elles ont montré leurs limites en matière de gestion de fonds publics.
Si l’Etat n’a pas à s’immiscer dans le fonctionnement d’institutions privées, ni a s’occuper à faire du business, il a, du moins, dans sa prérogative régalienne des choses, la latitude de fixer le cadre d’évolution des entreprises, lesquelles, par ailleurs, perçoivent de lui des contributions sensées réguler avec efficience le tissu économique national. Et un bilan, ne serait-ce que sommaire, des 15 ans de l’aide de l’Etat à la presse privée démontre à suffisance que les acquis de cet apport subséquent sont loin de refléter l’énorme effort consenti par le contribuable béninois. Avec ce dernier, on continue de déplorer des difficultés de fonctionnement menaçant directement l’existence des entreprises de presse: niveau de qualification professionnelle laissant à désirer (ignorance des règles de l’écriture journalistique et des normes éthiques et déontologiques, fautes de syntaxe, coquilles monstrueuses…) faiblesse des tirages, maigreur du marché des annonces, défaut de mesure d’audience, de qualité et des normes (Médiamétrie), sont autant de paramètres par rapport auxquels la Haac devrait faire jouer, sans répit, son autorité. Apres vint ans d’expérience démocratique, un regard rétrospectif sur le parcours riche en événements de la presse nationale tant publique que privée conduirait a reconnaitre des manquements autant aux acteurs des medias locaux qu’a l’organe fédérateur en matière de régulation de l’information et de la communication dans notre pays. D’où, il n’est pas acceptable qu’une instance républicaine, fut-elle, tente de faire prévaloir une toute puissance, qu’elle ne détient pas, sur des entités périphériques. Surtout si dans ce jeu, elle fait preuve de la politique de deux poids, deux mesures.
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