Que retiendront les historiens de la présidentielle de mars 2011 au Bénin ? Le premier tour de cette élection, après deux reports successifs, a pu se tenir le 13 mars 2011. De mémoire de Béninois, consultation électorale ne s’était révélée aussi difficile, aussi incertaine. Et dire qu’à cette date, les Béninois avaient derrière eux plusieurs décennies d’expérience électorale. Que s’était-il passé pour que le Bénin qui avait ouvert, pour tout un continent, au tournant des années 90, l’ère des démocraties pluralistes, maquât le pas ?
L’organisation du scrutin était sujette à caution. Beaucoup d’insuffisances et de défaillances étaient à noter. La nouveauté que constituait la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) expliquait en partie les difficultés rencontrées. L’équation à résoudre s’énonçait à peu près en ces termes : comment réduire la fraude, sinon, comment l’éradiquer, si la graine de la fraude ne mourait ?
Par ailleurs, le scrutin plaçait le citoyen-électeur face à des questions plutôt graves, des questions jusque là différées ou qui ne s’étaient encore jamais posées avec autant d’acuité. Le problème du régionalisme en était un. Tel qu’un fleuve en crue sort de son lit, le régionalisme ne s’était plus laissé contenir à l’intérieur de ses périmètres traditionnels.
Les principaux acteurs semblaient être écrasés par l’enjeu de ce scrutin. Aussi se souciaient-ils moins de faire gagner des points à la démocratie que de gagner eux-mêmes. Comme si, pour parvenir à leurs fins, la manière importait peu. D’où les offres de médiation des anciens présidents Emile Derlin Zinsou et Nicéphore Dieudonné Soglo. Il fallait faire baisser la tension. Il fallait appeler les acteurs à des compromis dynamiques, dans un esprit de large consensus.
Mais il y a le contexte général dans lequel trois millions de Béninois étaient appelés aux urnes. L’exemple ivoirien hantait tous les esprits. Ce fut, en effet, au terme de l’élection présidentielle que la Côte d’Ivoire prit feu. Ce qui réveilla les démons de l’exclusion et de la guerre civile. Le mauvais exemple a plus d’impact sur les esprits que le bon. A preuve, le Niger votait le 12 mars pour le second tour de l’élection présidentielle, la veille du premier tour au Bénin. Une élection cool et sans histoire, restée sans écho sur l’actualité survoltée du Bénin. Les journalistes le savent bien : ce n’est point un événement qu’un chien morde un homme. Il en va tout autrement quand c’est un homme qui mord un chien.
Mais au-delà de la Côte d’Ivoire et du Niger, le Bénin se rendait aux urnes à un moment où l’Afrique commençait à bouger. Ceci, grâce à l’action résolue et déterminée des peuples. En Tunisie, la révolte populaire avait catapulté hors du pays Ben Ali, solidement arc-bouté pourtant sur un pouvoir vieux de vingt-trois ans. En Egypte, Hosni Moubarakh était passé à la trappe, après trente ans d’un règne sans partage. En Libye, et qui l’eut cru, Khadaffi vacillait sur son trône, après un long règne de près de quarante ans.
Le Bénin votait ce 13 mars 2011, la conscience chargée de ces mutations qui remettaient en selle les peuples. Ceux-ci montraient, ici et là, l’ardent désir de prendre la parole, de se prendre en charge, d’être des acteurs majeurs sur la scène de leur propre vie. Voilà la vérité et la réalité d’un monde globalisé. Un monde qui n’avait alors jamais autant réalisé son destin de « Village planétaire » sous l’aiguillon des puissants effets de communication. Des milliards d’hommes et de femmes, quasi instantanément, vibraient quasiment à l’unisson, aux quatre coins de la terre.
Mais il nous faut vite décrocher de la fiction pour retrouver le sol de nos réalités quotidiennes. L’historien chargé de faire vivre toutes ces choses à ses contemporains, aura l’inestimable avantage d’avoir en main ou sous les yeux les résultats de cette élection. Ce qui, en ce moment, n’est pas notre cas. Mais que cette élection ait pu se tenir, dans des conditions globalement acceptables, sur toute l’étendue du territoire national, est un bon résultat. La colombe de la paix vient de survoler d’un tir d’aile le Bénin. Voilà le premier vainqueur de ce scrutin présidentiel.
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