L’arrestation de Laurent Gbagbo alimente depuis hier toutes les conversations à Cotonou et ailleurs au Bénin. Des ivoiriens résidant dans la capitale économique partagent ici leurs avis sur l’évènement, de même que quelques béninois rencontrés. Lisez plutôt.
Clément Djègnan, ivoirien et maître Karaté à l’hôtel Eldorado
« C’est maintenant que la vraie crise ivoirienne a commencé »
« Je ne suis pas trop content de ce que la France vient de faire à la Côte-d’Ivoire. Je persiste et je signe que c’est Gbagbo qui a gagné les élections. Un président ne se fait pas élire par une communauté. Ce qui me fait mal, c’est qu’aucun président africain ne réagit par rapport à cette crise. Gbagbo n’est pas un criminel, contrairement à ce qui se dit. Il faut aller écouter les ivoiriens et non les télévisions françaises. Ce qui vient de se passer est très triste. Vraiment triste pour non seulement la Côte-d’Ivoire mais aussi pour l’Afrique entière. Pensez-vous que c’en est fini maintenant ? Vous vous trompez. C’est maintenant que la vraie crise ivoirienne va commencer. S’ils veulent juger Gbagbo, ils n’ont qu’à le faire. Ce qui est sûr, Ado qui a amené la guerre en Côte-d’Ivoire avec la complicité de la France »
Djin Djékou, ivoirien résidant à Cotonou
« L’arrestation de Gbagbo est très mauvaise pour l’Afrique toute entière »
« Je suis encore sous le choc face à ce qui est arrivé à Gbagbo. Son arrestation est très mauvaise pour l’Afrique toute entière, surtout que c’est la France qui a planifié, coordonné et imposé Alassane Ouattara. Cela a commencé depuis 2002 sous Chirac. Ado est le candidat de la France. Je commence à avoir peur depuis hier pour l’avenir de la Côte-d’Ivoire et pour l’Afrique en général. La France a choisi la voix de la force pour recoloniser ses anciennes colonies. Si les Chefs d’Etat africains n’ont pas réagi ou réagissent très peu, c’est parce qu’ils sont dans la peur de l’impérialisme français. S’il y avait la solidarité et le panafricanisme, cela n’allait pas arriver. C’est injuste de dire que c’est Gbagbo qui a tué tous ces gens-là. Ce sont les rebelles qui massacrent les ivoiriens depuis 10 ans. L’armée de Gbagbo est en légitime défense, car elle a été attaquée et agressée par les troupes de Ouattara et de Guillaume Soro avec un soutien fort de la France. Si Gbagbo était si mauvais, il aurait arrêté Ouattara depuis longtemps. Tous les actes que Gbagbo a posés jusque-là visaient la paix. Ce n’est pas lui qui a tendu la main à Soro qui le combattait farouchement pour le nommer premier ministre ? Il semble qu’on oublie vite certaines choses »
Martin Assogba, Président de l’Ong Alcrer
« Gbagbo mérite le sort qui lui est arrivé »
« Je suis très heureux face à ce qui est arrivé à Gbagbo. Cet homme mérite un tel traitement et doit mourir en prison, car il a fait trop de mal à la Côte-d’Ivoire. Vous vous imaginez ? En quatre mois, ce pays a connu des centaines de morts. Des cadavres jonchaient dans les rues d’Abidjan et ailleurs dans le pays à cause d’un seul homme. Il n’a pas gagné les élections. Pourquoi s’est-il alors entêté à se maintenir au pouvoir. La pagaille a assez duré. Il faut le désordre cesse en Afrique. Moi Martin Assogba, je suis en tout cas très satisfait par rapport à l’arrestation de Gbagbo. Il fallait que la communauté internationale agisse de la sorte pour donner le signal à d’autres Chefs d’Etat qui tenteraient d’agir de la même sorte. Non, ce n’est pas sérieux ça. Et je ne suis même pas d’accord avec ceux qui accusent la France de s’ingérer dans les affaires d’un Etat souverain. La France a agi sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies et il y a des accords qui l’autorisent à intervenir en cas de besoin, aux côtés des forces de l’Onuci. Pourquoi d’ailleurs, nous ne nous plaignons pas quand les puissances étrangères nous apportent des aides au développement et autres dons ? » Je le dis et je le répète, Gbagbo mérite le sort qui lui est arrivé.
Charles Juste Guédou, cadre et homme politique béninois
« Je regrette que la France soit encore le gendarme de l’Afrique »
« La crise ivoirienne est en train de connaître son épilogue. J’ai des sentiments de soulagement car la Côte-d‘Ivoire, un pays que je connais beaucoup pour y être allé plusieurs fois, était en devenue un mouroir. Je retiens que l’on soit noir, blanc ou rouge, la démocratie est inéluctable. Je constate également que tous ces morts en Côte-d’Ivoire consacrent l’échec de cette démocratie à l’Africaine. J’ai par ailleurs un sentiment de révolte, car la France est encore le gendarme de l’Afrique. C’est vrai que Laurent Gbagbo a commis des exactions, mais la communauté internationale est allée trop vite. Gbagbo a exigé de recompter les voies. On aurait pu l’écouter aumoins. N’oublions pas que 46% d’ivoiriens ont voté pour lui. On doit cesser de nous considérer comme des barbares en Afrique. Ouattara aura en tout cas accédé au pouvoir dans la confusion. On va juger sans doute Gbagbo, mais je pense que tout le monde est coupable dans cette crise ».
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