De l’habit du moine à la toge du sage

L’habit, dit-on, ne fait pas le moine. Mais empressons-nous de reconnaître que le moine a besoin de son habit pour s’identifier à sa communauté, pour se faire reconnaître par  les membres de son abbaye. On aurait ainsi tort de reléguer l’habit au rang d’une donnée accessoire, secondaire. Les habits que nous portons, nous portent dans notre personnalité. Parce qu’ils nous identifient et nous signifient. Regardez les éléments de nos corps habillés de l’armée ou des forces de sécurité. Les uniformes qu’ils portent ont la vertu de les métamorphoser. C’est comme s’ils passaient du statut de citoyens ordinaires à celui de citoyens admis dans une catégorie spéciale et distincte d’hommes et de femmes.

Aussi voulons-nous opposer un démenti à l’adage par lequel nous  avons ouvert cette chronique. Nous soutenons que l’habit fait bel et bien le moine. Si l’on devait l’admettre ainsi, nous gagnerions à apporter le plus grand soin à ce que nous portons comme habit. Nos habits font corps avec notre personnalité. Nos habits donnent sens et contenu à notre identité.

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Quand nos honorables députés exhibent fièrement leur écharpe aux couleurs de notre drapeau national, ils cherchent à se distinguer d’une certaine manière comme les représentants attitrés du peuple souverain. L’écharpe est cette large bande d’étoffe servant d’insigne, passée obliquement de l’épaule droite à la hanche gauche. L’écharpe peut se porter également nouée autour de la taille.

Mais quand nos parlementaires, par cet insigne, signent leur identité de députés de la nation, se rendent-ils compte qu’ils jouent à imiter d’autres, qu’ils jonglent à exhiber des symboles d’emprunt ? Par exigence culturelle, par souci d’honorer leur identité, nos honorables députés doivent rompre d’avec ce mimétisme. Peut-être découvriront-ils qu’il y a mieux qu’une écharpe pour s’identifier et se distinguer.

La Cour constitutionnelle, avec l’élection présidentielle et les élections législatives, se trouve, ces jours-ci, au cœur de l’actualité nationale. Cette exposition de la Cour à l’avant-scène par devoir lui donne une visibilité exceptionnelle par nécessité. L’image des sept membres de la Cour nous est devenue familière. Par le petit écran, ils entrent dans tous nos foyers, dans leur toge de « Sage ».

Ici, le rouge dialogue et fraternise avec le noir, dans l’esprit où Stendhal a immortalisé ces deux couleurs, en s’immortalisant lui-même. La bavette blanche des juges, comme en Occident, est au rendez-vous. Elle apporte une touche candide et souriante à l’ensemble qui est surmonté d’un chapeau rond. On en cherchera en vain l’équivalent ou quelque chose de ressemblant  dans la famille élargie des chapeaux de nos divers terroirs.  C’est le signe évident, culturellement parlant, que le génie béninois, dans ce qu’il peut faire de bien ou dans ce qu’il sait faire de beau n’a pas été consulté. Il aurait pu apporter sa petite touche à la conception et à la coupe de la toge des sept « sages » de notre Cour constitutionnelle.

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Mais comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, ne concédons le moindre recours à la Cour avant qu’elle n’ait accordé sa tenue à ses décisions. Si l’habit fait le moine, comme nous l’avons admis, la toge de nos sept sages de la Cour doit traduire, par la force du symbole, la sagesse que les sept sont censés défendre et illustrer au Bénin et au profit des  Béninois.

Et si, pour finir, nous faisions un petit tour au barreau de Cotonou ? Nos avocats, maîtres dans les affaires de tous genres, s’y bousculent ferme. La toge, ici, est noire. Comme au barreau de Paris. Les manches sont  d’une ampleur respectable. Comme au barreau de Paris. Et la bavette blanche est de rigueur. Comme au barreau de Paris. On est où là ? Pardi, nous sommes  à Cotonou où l’on s’entête à vouloir tout faire comme à Paris.

Chers maîtres, manifestez le souci de grandir sur vos propres racines. Faites redessiner  une nouvelle toge pour votre corporation. Sans manquer, toutefois, de vous interroger sur le sens et la signification de la couleur noire. Pour parodier Pascal, vérité à Paris, erreur à Cotonou.

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