Editorial: l’équation à résoudre

«Investiture du président de la République: Porto-Novo dans l’attente du 6 avril», avait titré, il y a 72 heures, le quotidien du service public, La Nation. Et point n’est besoin de se rendre sur les lieux de l’événement, ce mercredi, pour comprendre le sens de l’attente dont il s’agit: le boycott systématique des populations de la capitale politique. De par «un certain calme annonciateur d’une cérémonie sans grabuges», écrivait-il la veille, les populations de la capitale politique du Bénin se sont interdit de faire le déplacement. N’eurent été les exigences de la Constitution qui imposent que la cérémonie d’investiture ait pour cadre le lieu du siège de l’organe législatif qu’est l’Assemblée nationale –ici appelé Palais des Gouverneurs– on imagine bien que les chantres du changement auraient fait déplacer la cérémonie sur une autre localité du territoire national. En tout cas, loin de Cotonou où, l’ambiance aurait été la même. Tchaourou dans le département du Borgou (fief du candidat-président) ou ailleurs aurait été propice. Hélas! L’absence des Porto-Noviens, pour la liesse populaire attendue en ces occasions, était prévisible. Et tout le monde voyait venir la défection. Les pouvoirs publics l’ont pressentie en militarisant fortement la ville pour faire partager l’atmosphère de cimetière qui y régnait aux hôtes dont la plupart sont de «marque» mais pas des «lumières» pour notre processus démocratique. Même si, comme le fait remarquer un autre confrère, «06 chefs d’Etat honorent le président de la République». Et non le Bénin!

Malgré des efforts de synchronisation…

Pour pas perdre de temps, disons simplement que, à l’exception de Mme Sirleaf du Liberia, ni Sassou Nguesso du Congo, ni Abdoulaye Wade du Sénégal encore moins Ali Bongo du Gabon ou Faure Gnassingbé du Togo, nos «illustres hôtes» ne sont en rien recommandables pour notre processus démocratique. L’ex-homme fort du géant voisin de l’est, le général Olusegun Obasanjo n’est pas non plus une référence à l’échelle de son pays. Nous aurions reçu le Ghanéen, John Atta Mills et/ou le Malien Amadou Toumani Touré qu’il y aurait des raisons de s’enorgueillir de l’idée que se font les présidents amis, de la gouvernance au Bénin. Ceux qui ont pu être présents l’ont juste été pour des considérations de géopolitique sous-régionale dont ils tirent plus directement leurs intérêts personnels et égoïstes.

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Ainsi donc, les aires de jeu du stade Charles de Gaulle où se sont déroulés les événements sont restées désespérément vides. Seules, la tribune officielle couverte et le podium ombragé, spécialement apprêtés pour la circonstance, ont pu faire leur plein à moitié, pour ce qu’on en a vu en direct, sur les écrans des télévisons de la place. Et malgré les efforts de synchronisation de ces chaines, lesquelles ont choisi de ne pas balayer le décor afin d’éviter de faire voir la réalité des lieux, en terme de pauvreté d’images et de sons, des détails d’angles ont pu échapper aux réalisateurs pour trahir la manœuvre. Dans les salons privés et autres débits de boisson où les spectateurs lointains ont pu suivre les manifestations, chacun a retenu que le plein relatif des espaces aménagés est dû aux officiels à qui des cartons d’invitation ont pu être envoyés.

La Grande muette non plus

L’absence de sortie massive des populations de Porto-Novo est donc le signe d’une perte de confiance des Béninois de cette partie du pays et dans une certaine mesure de ceux de leurs compatriotes d’ailleurs qui, à l’unisson, clament que la victoire du peuple leur a été volée au profit de l’homme du changement. Inutile de revenir sur le processus électoral et les nombreux ratés qui l’ont emmaillé et qui ont fait sortir, à maints reprises et sans succès, dans différentes formes de revendications, tout ce que le sérail politique compte de «grandes gueules» de l’opposition. L’homme Cauris (du symbole de la monnaie ancestrale africaine) et ses thuriféraires tapis dans diverses institutions auront choisi le passage en force, comme pour régler quelques comptes et atteindre l’objectif ultime majeur: le «hold up électoral» dont on les accuse. Inutile aussi de rappeler, à l’arrivée, le faible score engrangé (53%) comparé aux 75%, d’il y a cinq ans.

Boni Yayi aura manqué d’amener à soi, les pôles les plus importants d’une gouvernance apaisée pour s’être mis à dos, quoiqu’on puisse dire d’eux, la quasi-totalité des corps constitués de la nation regroupés au sein des centrales syndicats et des organisations de la société civile. Au sein de la Grande Muette, sa cote n’est pas enviable non plus. Car, là aussi, il n’aura pas bénéficié des faveurs des hommes en uniforme. Lors du scrutin présidentiel, ces derniers auraient massivement décliné leurs suffrages au profit d’autres candidats. Cela a eu pour effet, susurre-t-on, de déterminer Boni Yayi à enfreindre aux dispositions de la loi électorale. En osant clamer urbi et orbi, le jour même du scrutin, son fameux «pardon» ponctué du «je vous aime» adressés, selon des analystes, à la gent féminine. Ce qui, selon ces mêmes observateurs, lui a permis de ratisser plus large que ses adversaires pour effectuer son K.O technique au 1er tour. Sans avoir été malgré tout, en mesure d’atteindre, à défaut de les pulvériser, ses 75% de 2006. Les 22% de ses électeurs, entretemps perdus -ceux de la différence entre 75% et 53%-, ajoutés aux pourcentages d’électeurs de ses concurrents de l’opposition, dont il est censé désormais être le président, constituent les nouvelles donnes de l’équation à plusieurs inconnues qu’il lui reste à résoudre. Tout au long du quinquennat qui a déjà démarré… sur les chapeaux de roue.

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