Après les urnes, la rue a dicté sa loi

Après la bourrasque des manifestations  spontanées de lundi  dernier, les rues et « vons » de Cotonou et particulièrement celles des quartiers populeux de Zogbo Fifadji-épicentre de l’insurrection  – ont retrouvé leur calme des jours ordinaires hier mardi. Seuls les restes des pneus consumés par le feu des émeutiers en furie laissant sur le macadam et sur les pavés une  épaisse couche de poussière noire témoignaient encore ce mardi matin de la violence de ce qu’il convient d’appeler les «évènements de Zogbo » .

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Visiblement , le message de la bande défilante sur le petit écran de la télévision privée Canal 3 amplifié par le « bouche à oreille » est passé. Le président Yayi, annonçait-on, venait de suspendre (sic)sa plainte. Les émeutiers de la veille n’avaient plus de raison de mettre à exécution leurs menaces de se retrouver dans les rues  hier mardi,  si leur leader Candide Azannaï était contraint à  répondre à la convocation de la Brigade territoriale de Cotonou.!Tout le monde savait que si les scènes de violence et de vandalisme devaient se poursuivre dans la journée d’hier, il y a fort à parier qu’elles ne se limiteront plus à Cotonou. Ce sont les principales villes du pays, dont Abomey- Calavi  la cité estudiantine toute proche et Porto –Novo –la capitale – dont la réputation de ville frondeuse n’est plus à faire  qui risqueraient de s’embraser ….. Pour de vrai !! On l’a échappé belle !

Pourtant, rien ne laissait présager d’une trêve ni dans les mouvements d’humeur de la population de Zogbo et environs ni dans la détermination de l’illustre  plaignant. D’autant que le Secrétaire général du Gouvernement , jouant au  double porte- parole et de Boni Yayi et du Gouvernement qui ne s’était pourtant pas réuni en Conseil des ministres  ,s’est fendu d’un long communiqué  au ton faussement conciliant et par endroits guerrier  dans lequel il a exposé pour la première fois  à la face du monde, les propos censés proférés par le député Candide Azannaï à l’égard du chef de l’Etat , propos qu’aucun organe de presse écrite ou audio visuel n’avait osé relayer en son temps par professionnalisme. D’où vient alors l’indignation prêtée aux chefs d’Etat de la sous- région ? Il y avait dans la relation des évènements faits par le secrétaire général une volonté manifeste de présenter le député frondeur comme un personnage agressif qui a osé porter atteinte à l’honorabilité du Président de la République  pourtant le premier à « agresser verbalement » le député à travers des propos que tout le monde a entendus mais  qu’aucun organe de presse n’a osé relayer non plus .Ce même lundi soir, le Procureur de la République en personne est venu justifier et soutenir maladroitement la démarche des gendarmes de la brigade territoriale, en niant l’évidence de la tentative d’arrestation présentée comme une simple convocation. Or, sa procédure  de l’avis des spécialistes du droit était doublement viciée, car le personnage en cause est un député dont le mandat court toujours et surtout qu’en matière d’offense au chef de l’Etat, seule la citation directe devant un juge est prévue par la loi.

Le revirement spectaculaire  de dernière heure annoncé par bande défilante et publié comme tel dans notre édition d’hier mardi apparaît comme un cheveu sur la soupe. Comment comprendre que  moins de deux heures après les interventions télévisées musclées du secrétaire général du Gouvernement et du Procureur de la République, les autorités politiques puissent en venir à suspendre puis à annuler, au dire du Procureur général Sodonon,  de manière aussi cavalière, la plainte formulée par les avocats du chef de l’Etat ? Tout ça pour ça ? Comment se fait-il qu’au plus haut sommet de l’Etat l’on bafoue de manière aussi éhontée les procédures à observer dans un Etat de  droit ?Nous ne sommes ni au Burundi ni au Congo démocratique  pour que les citoyens de ce pays   qui ont combattu la dictature militaro- marxiste avalent la pilule de l’enlèvement en plein jour d’un élu de la Nation pour avoir critiqué le chef de l’Etat ?Il  fallait une bonne dose d’audace pour poser de tels actes, au sortir d’une élection que les Béninois ont perçue comme un référendum-sanction contre les tenants d’une révision opportuniste de la constitution. Les citoyens de Zogbo et d’ailleurs sortis tout frais de leur vote de ce dimanche 26 avril seulement ont tenu à se rappeler au bon souvenir  des gouvernants. Une sorte de répétition générale avant le plat de résistance d‘un scénario à la Burkinabè en cas de nécessité. Car si les gouvernants peuvent tronquer impunément le verdict des urnes, ils ne peuvent résister durablement à la pression de la rue.

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