Entretien avec P. ASSIGBE, Coordonnateur du Projet Multinational de diffusion du Riz (NERICA)

«Le NERICA peut  booster la filière rizicole du Bénin»
Les variétés de riz NERICA sont en expérimentation au Bénin depuis 5 ans déjà. Elles pourront permettre de booster  la filière rizicole locale si les efforts se poursuivent dans ce sens et si  et surtout la volonté politique y est véritablement.  Paulin ASSIGBE, ingénieur agronome de formation, en service à l’Institut national des recherches agricoles du Bénin,  également  Coordonnateur du Projet Multinational de diffusion  du riz NERICA  (PDRN),  a les mêmes appréhensions  et en parle abondamment dans  cet entretien.

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Le Bénin vient d’expérimenter ces cinq dernières années,  la diffusion du riz NERICA  dans  le pays.  Comment et pourquoi en est-t-on arrivé à ce projet ?

Le  projet est né du Consortium NERICA. En fait NERICA, est un acronyme  et signifie, New Rice for Africa, en français, un nouveau riz pour l’Afrique. Il s’agit en fait d’une espèce  de riz asiatique, Oriza, qui  ne résiste pas toujours aux maladies et aux agressions extérieures mais qui est très productive. Elle a été donc croisée avec une autre  variété de riz d’Afrique, peu productive mais  plus résistante aux maladies, aux insectes, etc. Les variétés obtenues suite à ces croisements ont été donc testées  sous la supervision de   l’ex ADRAO dans plusieurs pays d’Afrique dont le Bénin. On a donc pu en déduire par la suite  la variété qui peut  convenir aux desiderata des producteurs et consommateurs béninois. Après plusieurs tests faits auprès des paysans, nous avons retenu depuis 2001, en un premier temps, les NERICA 1 et les NERICA 2. Une pré-vulgarisation a été faite.  Ensuite, nous avons commencé à réfléchir sur comment trouver des financements pour  organiser la diffusion de ces nouvelles variétés de riz sous l’égide de l’Initiative africaine de riz basée au siège de l’ex-Adrao dont sont membres plusieurs pays. Et  c’est ainsi qu’à partir de 2002, la Banque africaine de développement a accepté de nous financer pour la diffusion du riz NERICA au Bénin comme dans bien d’autres pays africains sélectionnés.

Vous venez d’organiser un atelier national  de deux jours pour faire une première évaluation au bout des 5 années d’expérimentation. Qu’est-ce qu’on peut en retenir?

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L’atelier consistait surtout à identifier les points forts et les points faibles dans la mise en œuvre de ce projet. Il était également question de voir les perspectives.  Et aussi de voir si les résultats sont concluants pour qu’on essaie de solliciter une deuxième phase qui serait une phase de consolidation. Cet atelier a réuni un parterre très diversifié du secteur rizicole, des représentants de plusieurs départements ministériels, des représentants des partenaires techniques  et financiers, des Ong, des opérateurs privés etc. Les discussions ont été très riches.

Qu’est-ce qui a pu motiver les bailleurs de fonds et autres partenaires à soutenir ce projet de diffusion du riz NERICA ?

Il faut dire que ce  projet a suscité beaucoup d’engouements aussi bien chez les décideurs publics  que chez les bénéficiaires eux-mêmes, parce que si l’on prend par exemple,  le riz NERICA pour cette première phase, nous nous sommes beaucoup axés sur les variétés de riz de type pluvial. Autrement dit,  ce sont des  variétés de riz  qu’on peut produire dans les mêmes conditions que le maïs, le sorgho, ou le mil dans les milieux qui ne sont pas forcement des bas-fonds ; et ceci pour pouvoir augmenter la production nationale. Deuxième chose, lorsqu’on met  les variétés de NERICA retenues en terre, elles sont mures en moins de 3 mois pour être récoltées, surtout que nous avons des problèmes de pluviométrie, ces derniers temps. Même s’il ne pleut pas pendant plusieurs jours, on peut produire ces riz-là. Autre chose, les NERICA que nous produisons actuellement sont riches en protéines, alors que les riz asiatiques en disposent 8%, les NERICA en contiennent jusqu’à 12%. De plus, on n’a pas besoin de beaucoup d’engrais pour cultiver ce riz. Sans engrais même, on peut obtenir  jusqu’à 1,5  voire 2 tonnes à l’hectare ; ce qui explique l’engouement des producteurs qui avaient avant beaucoup de soucis financiers dans l’acquisition des engrais. Et ce n’est pas seulement ceux du Bénin, car il faut dire que ce projet s’exécute dans sept pays de l’Afrique de l’Ouest, à savoir  le Bénin,  le Ghana,  le Mali, la Gambie,  le Nigéria,  la Sierra-Léone et la Guinée.  Actuellement, il y a plus de 20 pays qui font la demande auprès des bailleurs de fonds.

Les populations sont-elles réellement soulagées avec l’avènement de NERICA ?

Elles sont très satisfaites même, car elles peuvent cultiver  aujourd’hui  cette variété de  riz dans des conditions   assez favorables et moins contrayantes. Dans certaines zones comme la Tanguiéta,  ce riz est cultivé assez tôt et permet de régler un certain nombre de problèmes de soudure.

Pensez-vous qu’avec  NERICA, le Bénin  va cesser d’être dépendant de l’extérieur en matière de riz ?

La chose est possible avec l’engouement qui se note  a dans le rang des décideurs et des promoteurs. Le Bénin peut devenir indépendant et même exportateur du riz. Il suffit seulement que la volonté politique y soit pour accompagner les efforts des producteurs. On a par exemple le grand marché du Nigéria qui est toujours demandeur. Nous exportons de plus en plus une forte quantité de riz que nous  réexportons ensuite vers  ce pays. Nous avons assez de terres pour produire désormais notre propre riz. Et aussi, je dois vous dire qu’avec  le riz NERICA qui est pluvial, nous avons  aussi créé avec le concours d’Africa Rice, d’autres variétés  qui ont les mêmes avantages.

Alors, vous venez d’achever une première phase et  une  autre est déjà en perspective. Quels seront les nouveaux défis à relever ?

Je disais tantôt que nous n’allons pas uniquement nous contenter de NERICA pluvial qui est cultivé sur les plateaux. Il y a donc des aménagements à faire,  en dehors de périmètres irrigués. Il faut également investir dans les équipements, notamment dans la mécanisation de  la production. Et il faut aussi  transformer, parce que le riz n’est  pas comme le maïs que vous pouvez sortir du champ et l’amener directement au feu. En plus des décortiqueuses  à  acquérir en un nombre plus grand, il y a également les mini rizeries qui sont très indispensables.  Il faut aussi beaucoup  investir dans les infrastructures de commercialisation,  car il ne faut pas seulement se contenter de produire, car si le producteur ne trouve pas de déboucher, le découragement  le gagne très vite. J’insiste aussi sur  le partenariat avec  les privés

Parlant justement de partenariat avec les privés, on a pu observer, un privé, Mr Toundé qui a beaucoup œuvré dans  l’avènement de  ce riz au Bénin, mais se serait découragé assez vite, pour n’avoir pas eu les résultats escomptés, selon nos informations ?

Il faut d’abord rendre hommage à Monsieur Toundé, car il a beaucoup œuvré pour que les NERICA soient connus au Bénin. mais il y a eu certainement une mauvaise circulation de l’information, car il n’est pas sans doute très au parfum de ce qui se fait aujourd’hui. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, nous avons beaucoup insisté à notre dernier atelier sur les canaux d’informations agricoles à  promouvoir et à soutenir. En effet,  l’objectif de Mr Tundé était d’installer de grandes usines de rizerie  et de vastes magasins de stockage dans le pays, pour faciliter l’exportation du riz. Mais  au préalable, il fallait d’abord assurer  une grande production. Et le problème des semences s’est posé à ce niveau dès le  début. Nous étions partis de 500 grammes de semences pour en être à des milliers de tonnes aujourd’hui. Ce n’est pas tout de go qu’on a la quantité voulue. Cela fait d’ailleurs que beaucoup de gens nous disent que nous cultivons  le NERICA mais  qu’eux,  ne le mangent pas encore.   C’est également vrai que pour cette première phase du projet,  nous ne sommes que dans 5 communes sur les 77, à savoir Dassa-Zoumè, Glazoué, Matéri, Cobly et Tanguiéta. On ne pouvait pas produire pour tout le Bénin. C’est d’ailleurs pourquoi le partenariat avec le privé est important. Lorsque vous avez des semences de bonne qualité, vous assurez déjà 40% de rendement. Nous avons donc formé des producteurs pour qu’ils en produisent assez et de très bonne qualité.

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