Journalistes et conseillers torturés…

Tout le monde a vu, en direct à la télévision nationale, ce qui s’est passé à la Cour constitutionnelle, la nuit du mardi 29 à mercredi 30 mars 2011, lors de la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle organisée au Bénin, deux semaines plus tôt. Ce que les téléspectateurs ont surtout vu, c’est la torture physique à laquelle le président de la Cour, Me Robert Dossou, a lui-même choisi de se soumettre. Car, avait-il besoin de débiter, entièrement, un si long texte -46 pages dactylographiés-, lequel est écrit dans un style peu ordinaire, celui des hommes de droit? Pendant des heures. Environ quatre tours d’horloge! Simplement extraordinaire.

En cours de lecture, il lui arrivait de se reprendre, sans finalement réussir à bien articuler certains mots. Malgré les qualités d’art oratoire et d’enseignant du Supérieur qu’on lui connait. Il semble même qu’il est parvenu, sans s’en rendre compte, à escamoter des mots ou peut-être une phrase entière. En témoigne la moue d’étonnement de ses collègues Mesdames Affouda et Yimbéré-Dansou et le professeur Holo qui, chacun de son côté, a consulté sa copie avant de se chuchoter quelque chose à l’oreille. Pendant ce temps, le secrétaire général de l’institution, M. Nouatin, a passé le clair de son temps à pioncer, comme pour échapper à l’ennui. Le conseiller Bernard Dégboé, lui, tentait de lutter contre le sommeil, pas si efficacement, pour avoir dodeliné de la tête, tout au long de la soirée, et clignoter des yeux. La nuit a été vraiment longue pour tous.

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«Tant pis pour eux tous!», a fait remarquer un confrère qui ajoute: «Eux au moins ont prévu des indemnités pour compenser leur débauche d’énergie». Et un autre d’enfoncer le clou: «De toutes façons, ils avaient à nous épargner la souffrance à laquelle nous avons été contraints».

Eh, oui, les confrères de la presse écrite et de l’audiovisuel accrédités (journalistes-rédacteurs, preneurs de sons et d’images) ont été, en effet, soumis à la même torture physique renforcée par l’interdiction formelle de s’accroupir et surtout de s’asseoir, en l’absence même de tout mobilier approprié pour les installer. Ils ne devraient pas non plus se chuchoter des mots à l’oreille, ne serait-ce que pour des concertations sur la conduite à tenir. Or, au bout d’une certaine heure, les hommes des medias, toutes rédactions confondues, avaient besoin de se concerter. Le cadreur voudrait savoir, par exemple, de son collègue rédacteur à quel moment arrêter la capture d’images afin de toujours disposer du bout de bande qui permet de parer à toutes éventualités. En l’espèce, aucune rédaction arrivée sur les lieux, la nuit de la proclamation, n’avait pu prévoir tant d’heures d’enregistrement. Hélas, les concertations entre collègues n’ont pas été des plus simples. Et beaucoup parmi nous ont compris trop tard que la structure de la décision lue, à gorge déployée, intègre l’intégralité des textes des recours adressés à la Cour par les trois principaux candidats à l’élection présidentielle. Des textes déjà publiés par les organes de presse de la place. «La Nouvelle Tribune» leur a consacré 5 bonnes pages de son format A3, dans un corps et un caractère pas aisés à gérer à l’œil nu. Les reporters pouvaient donc se passer d’enregistrer cette partie, face à la nécessité de faire des arbitrages d’ordre logistique. Même s’il est vrai que la version audiovisuelle est d’une autre importance.

… comme une synthèse de thèse

Au demeurant, les structures compétentes de la Cour constitutionnelle auraient bien pu éviter aux médias les nombreux désagréments qu’ils ont subis. Il suffisait de leur laisser, une copie de la décision. Qui pourrait être vêtue de la mention: «sous embargo», si tant est que la lecture solennelle et officielle de ladite décision par le président de la Cour ou un membre quelconque est d’une exigence légale, avant toute publication. Cette façon de faire aurait eu pour avantage de préparer les journalistes à mieux gérer la logistique en leur possession, vu surtout qu’ils étaient comme séquestrés dans les locaux de l’institution, tous téléphones cellulaires éteints. La mesure aurait permis aux journalistes d’écrire, en partie ou en totalité, leurs articles ou d’apprêter les éléments de leur duplex, pour ce qui est des reporters radios. De sorte qu’au dernier coup de maillet du magistrat de céans, l’information parvienne assez rapidement au monde entier. Evitant ainsi la situation de quasi monopole qui est faite à l’Office de Radio et de Télévision du Bénin qui livre l’information en direct.

Du format fleuve du texte de la décision, la Cour aurait pu prévoir une synthèse à présenter par le président, comme cela est d’usage avec les travaux de thèse à l’université. Quitte à ce que tout citoyen intéressé se rabatte sur la documentation, en cas de nécessité, pour compléter son information. Sans que cela ne soit une entorse à une quelconque disposition constitutionnelle. Hélas! Les uns et les autres auront été simplement soumis à la torture physique et morale et ne sont rentrés chez-eux qu’au petit matin, vers 8h. Après avoir fait le petit de la rédaction pour leur compte rendu. Les imprimeries, elles aussi ont subi le calvaire, même si différemment. Et ce n’est que vers 11 h, ce 30 mars 2011, que les journaux se sont faits visibles aux carrefours et aux kiosques de la ville de Cotonou. Pour livrer leur contenu. Sans déclencher le moindre triomphe de la part des militants et sympathisants. Du jamais vu au Bénin.

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