Mushikiwabo et la dignité perdue des chefs d’Etat Africains

Louise Mushikiwabo ,ministre rwandaise des Affaires Etrangères n’a pas sa langue dans sa poche. Elle est la seule à avoir exprimé à haute et intelligible voixson indignation face à  la mise en garde à peine voilée du président François Hollande à l’endroit des présidents qui nourrissent l’espoir de tripatouiller leur constitution pour s’éterniser au pouvoir.

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C’est sur France 24 qu’elle a tenu à répliquer au discours du président français » « Je trouve… gênant” dit-elle  d’un ton  plein d’amertume,” qu’un président qui est avec ses pairs, ici, au sommet de la Francophonie ne vienne pas discuter avec eux, mais dicter ce qui devrait se passer dans leur pays » Et de s’interroger plus loin“Qui décide de l’avenir politique des Africains ? »  . Ce qu’elle déplore chez le président français c’est le” ton paternaliste et directif” inacceptable en 2014.Bravo, femme de caractère! On se croirait dans  les années 60 à 80 où la dénonciation du colonialisme et du nécolonialisme était la chose la mieux partagée.L’impérialisme, malheureusement, n’est plus ce qu’il était! De la  part d’un simple ministre des Affaires étrangères venu remplacer son chef d’Etat, ce discours plein de bon sens ne manque pas d’audace ni de pertinence, d’autant qu’aucune voix discordante  ne s’est élevée- du moins officiellement- contre les propos du chef de l’Etat français.Mushikiwabo  comme son président Kagamé est coutumier des déclarations fracassantes et quelque peu  outrancières à l’endroit des dirigeants français coupables à ses yeux de complicité dans le génocide  des années 90.

 A vrai dire,Louise Mushikiwabo n’a pas totalement tort, car les propos de Hollande sonnent comme des directives d’un roi à l’adresse de ses sujets indisciplinés ou de ses vassaux insoumis.Imagine- t-on le même Hollande s’adresser en des “termes inélégants”  à ses pairs de l’Ue coupables de gestion hasardeuse de l’économie ?Au plus fort de la banqueroute des économies de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal ,les  dirigeants français actuels qui venaient d’arriver au pouvoir,  n’ont jamais osé traiter les  dirigeants grecs, portugais ou espagnols  d’incapables ni de corrompus.En afrique, un chef d’Etat occidental en visite ou non ne se croit obligé de prendre aucune précaution de langage pour dire à ses” pairs” africains ce qu’ils doivent faire pour leurs peuples. La Françafrique dont on a annoncé la mort depuis l’administration Sarkozy est plus vivante que jamais;C’est en Afrique et pas en France que Hollande  rerouve les réflexes d’un président  fort qui prend toujours de bonnes décisions.L’opération Barkhane qui a succédé à la Serval n’est pas une initiative des dirigeants africains, tant s’en faut! C’est le président français qui a décidé souverainement de déclencher l’une et de mettre fin à l’autre, après en  avoir simplement informé  ses” pairs” Africains.

En tout état de cause, la cinglante réplique de Mushikiwabo à France 24 ne risque pas pourtant d’ avoir trop d’écho dans l’opinion., pour deux raisons.La première a trait à aux comportements larbinistes affichés par la plupart des dirigeants africains face aux dirigeants de l’ancienne métropole.Aujourd’hui les dirigeants africains ne considèrent plus la France comme une force d’occupation mais comme un précieux allié contre tous les irrédentismes. La seconde est tout simplement liée à leur gouvernance.Quand ils parviennent au pouvoir même après des guerres héroïques de libération, les dirigeants du continent s’accrochent désespérémment au pouvoir,avec à la clé une gestion désastreuse de la chose publique fermant la voie à toute forme d’alternance. Ce sont les dirigeants africains eux-mêmes, y compris les plus lucides  comme Kagamé ,qui  prêtent le flanc aux propos pleins d’arrogance des dirigeants français de tout bord. Aussi,la dénonciation de Hollande quoique maladroite conforte-telle la position des opposants aux régimes autoritaires réduits au silence ou à la mendicité.Par le passé, quand les Ocidentaux ne soutenaient pas ouvertement les roitelets en place contre leurs opposants, ils ne prenaient jamais position officiellement en faveur de ceux qui s’opposent à l’ordre établi, sauf quand ,  par leur lutte,  ils réussisent à inverser les rapports de force comme naguère en Tunisie ou en Egypte.Hollande surfe hypocritement aujourd’hui sur le succès supposé de la “révolution burkinabè”dans un contexte où beaucoup de dirigeants ne rêvent que d’une chose: s’éterniser  au pouvoir.Cependant, Mushikiwabo serait bien inspirée de reconnaître simplement que son mentor de président devra nécesairement passer un jour la main à d’autres citoyens rwandais qui aspirent à briguer la magistrature suprême, et cesser d’instrumentaliser le génocide des Tutsis pour s’éterniser au pouvoir

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