La Refondation à la Yayi, parlons-en

Du haut de la majestueuse estrade érigée au stade Charles de Gaulle de Porto-Novo, à l’occasion de son investiture, Yayi Boni est revenu sur son projet de refondation. Cette insistance renouvelée en une occasion si solennelle marque tout l’intérêt que cela revêt pour le premier des Béninois dans l’avenir du pays dont il reprend les rennes.

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Boni Yayi part d’un diagnostic. Selon lui, « les crises internes qui ont secoué notre République pendant les cinq dernières années sont essentiellement dues à une perte de nos valeurs spirituelles, morales et éthiques. » En bon docteur, il réitère sa prescription: « C’est ce qui m’amène à vous parler depuis un certain temps de la refondation de notre République sans laquelle notre nation ne pourra satisfaire ses besoins fondamentaux indispensables à sa survie et à sa croissance. »

Il ajoute qu’il utilisera le cadre de cette refondation pour réaffirmer sa fermeté pour la restauration de ces valeurs perdues. L’un des moyens d’y parvenir, précise-t-il, c’est de réintroduire dans notre système éducatif, l’éducation à la citoyenneté et au civisme.

Mais en réalité, l’éducation à la citoyenneté s’intègre à l’éducation civique et morale (ECM) qui est déjà réintroduite dans le programme de l’enseignement scolaire et dispensée dans la plupart des établissements d’enseignement. On peut tout au plus la renforcer.

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En effet, aux termes de la loi n° 2003-17 du 11 novembre 2003 portant orientation de l’Education Nationale en République du Bénin, l’école béninoise est « ouverte à toutes les innovations positives utiles  et doit prendre en compte notamment l’instruction civique, la morale, l’éducation pour la paix et les droits de la personne, l’éducation en matière de population et à la vie familiale, l’éducation relative à l’environnement et l’éducation pour le développement conformément à l’article 40 de la Constitution».

Donc l’idée n’est pas nouvelle et sa mise en œuvre trouve son ancrage dans le dispositif légal qui existe déjà. A-t-on besoin d’un protocole aussi prodigieux pour procéder au renforcement de sa mise en œuvre? Mais passons. Au-delà des motifs avancés pour nous y conduire, le concept même de Refondation doit être appréhendé. La refondation, c’est une rénovation majeure, c’est reconstruire sur des bases nouvelles, des valeurs nouvelles.

Refonder notre République, c’est partir du postulat que l’idéal qui sous-tend la vie sociopolitique et économique est compromis. C’est accepter que la référence que constitue pour nous la Conférence nationale de février 1990 est surannée ou dévoyée. C’est donc redéfinir un nouvel idéal, une nouvelle référence.

A cet égard, la curiosité qu’inspire ce projet peut se résumer dans les questions et observations suivantes:

Le consensus obtenu au cours de l’historique conférence des forces vives se révèle-t-il en décalage net avec la vision du Bénin que veut incarner Boni Yayi?

Ou alors quelle perception de ces valeurs a-t-elle échappé à toutes ces personnes qui représentaient toutes les couches sociales du Bénin à l’hôtel PLM Alédjo en 1990? Le problème se pose-t-il par rapport à la définition des valeurs dont l’inobservance nuit au développement du pays ou bien par rapport à la méthodologie à suivre pour assurer leur promotion propre?

Le diagnostic posé par le Chef de l’Etat lui-même nous donne un indicatif temporel. Il situe lesdites crises internes dans la période des « cinq dernières années ». L’observateur attentif peut tout au moins établir une relation de cause à effet avec sa gouvernance. D’où la question fondamentale ci-après: En tant que Président de la République, depuis cinq ans, les actions de Boni Yayi ont-elles contribué à aggraver ou améliorer l’état de ces valeurs morales et spirituelles dans notre pays?

Si nous avons des raisons objectives de soutenir que Boni Yayi, de par sa gouvernance, n’a pas fait grand-chose pour contenir la décrépitude de nos valeurs immatérielles et traditionnelles, nous pouvons nous permettre de lui suggérer, avec humilité, qu’au lieu de chercher à refonder la République, il se doit de revoir plutôt sa vision et ses méthodes.

Plus loin dans son discours d’investiture, appuyant tout l’intérêt qu’il porte à la reviviscence des valeurs citoyennes, Boni Yayi propose l’organisation prochaine d’une conférence de sursaut patriotique dans la perspective du renforcement de l’unité nationale et de la cohésion sociale. Sursaut patriotique! A quel point les bases sociales et politiques de notre pays sont elles sapées – et par qui? – pour justifier un sursaut patriotique? Des concepts et des maux. Le développement d’un pays a de plus grande exigence. Il n’est ni ennoblissant ni prospérant pour toute une nation d’être auditrice réjouie de concepts imprécis et témoin inactif de conférences spectacles qui décorent son présent sans laisser des empreintes substantielles dans son futur.

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