L’opposition politique organisée, s’il en existe au Bénin, a plus que jamais besoin de travailler dur. Impérativement, pour conquérir le dernier bastion de l’animation de la vie sociopolitique nationale qui lui reste. Les législatives prochaines lui en donnent l’occasion. En fin de course, elle devrait avoir pris d’assaut l’Assemblée nationale en s’arrogeant l’essentiel des sièges qui lui confèrerait la majorité absolue, histoire de nous préserver des risques d’une caporalisation des libertés fondamentales. Les dérives totalitaires observées dans la gouvernance des pouvoirs successifs de Nicéphore Soglo et Mathieu Kérékou, dès les lendemains de la transition de 1991 et, jusqu’en 2006, du fait de la mise en œuvre de notre Constitution de type «présidentialiste», ont été multipliées par mille avec le régime Yayi. Au point où, l’esprit de consensus hérité de la conférence nationale semble désormais brisé. Et nous en sommes là à prêter le flanc aux risques d’une dictature qui planent sur la vie sociale et le système démocratique.
Se morfondre comme des apatrides
Que de passages en force de la part de l’autorité depuis la mise place, en 2006, de la législature finissante. Pour la conquête du perchoir de l’Assemblée nationale, on se rappelle bien les tractations sonnantes et trébuchantes ponctuées de procurations arrachées à ceux dont on doutait de la sincérité de l’engagement. La propension à imposer une mesure ou une vue jugées illégales en vue d’étouffer les rares velléités de résistance était déjà perceptible et dénoncée! Par la toute puissance du Prince, le contentieux électoral pour les municipales dernières attend toujours d’être vidé. Depuis 2008! Presqu’une mandature. La prise en mains des Commissions électorales nationales autonomes (Céna), aux fins de les instrumentaliser, est une constante de sa politique. Les recours –heureusement- infructueux intentés contre la présidence de la Céna des municipales, en tête de laquelle se trouvait l’irréductible Pascal Todjinou, en disent long sur la volonté de puissance du régime Yayi. L’attribution des fréquences de l’espace médiatique audiovisuel étant bloquée, pour les mêmes raisons, plus aucun promoteur potentiel n’ose s’annoncer aux portes de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (Haac). Elle-même, se complait dans la résignation, en gardant le profil bas et en se tournant le pouce sur le sujet. Evidemment, il y a longtemps que des doutes planent sur l’impartialité de l’institution de régulation de la communication au Bénin.
En conséquence, le droit à une presse libre et indépendante pour et par ses acteurs, le droit à l’information et à la liberté d’expression pour les populations, de mouvement et de grève pour les travailleurs, même syndiqués, sont tout doucement remis en cause.
Le comble de la démarche du camp présidentiel, c’est l’absence de consensus sur la réalisation de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi), avec tout le tollé que l’opération de sa mise en place a suscité. Les animateurs de notre vieille classe politique, habitués qu’ils sont à se fier à cet esprit de consensus ont pu se faire prendre de court par la machine Yayi, qui elle, n’en avait rien à cirer. Le sort fait aux conclusions -restées lettres mortes- de la table ronde initiée sur la question, dans un esprit de dialogue, par Emile Derlin Zinsou soutenu en cela par Nicéphore Soglo, en est la parfaite illustration. La loi dite dérogatoire adoptée par nos Honorables députés, en procédure d’urgence, n’a pu combler les attentes des centaines de milliers de citoyens laissés sur les carreaux par l’Administration publique hautement politisée qui en a fait un usage sélectif. Seuls, environ 90.000 nouveaux inscrits sur les listes électorales ont pu être repêchés pour faire valoir leur droit de vote, le jour du scrutin présidentiel. Le reste du plus du million deux cents mille personnes qui ne sont pas allées exprimer leur suffrage, peut toujours se morfondre à se considérer comme des apatrides. Ils ne perdent pas à attendre de régulariser leur situation au bout de 10 ans, comme on le leur a promis. Pour réussir à les marginaliser, il leur a été tout simplement collé, sans preuve, une certaine affiliation partisane aux formations politiques de l’opposition qui, elles, leur auraient intimé la consigne de ne jamais aller se faire enrôler en vue d’obtenir leur carte d’électeur.
Le moment de faire fonctionner l’Union…
En l’absence de tout compromis, l’Administration publique aux ordres ne s’est nullement préoccupée du sort qui serait le sien et de celui des projets de développement à mettre en place, sous la coupe du fameux instrument de développement que serait par ailleurs, notre Lépi. Quelle contradiction dans la gouvernance à l’ère du «régime du changement»!
A l’heure où tous les indices d’un embrigadement des droits fondamentaux se révèlent au grand jour, pour nous faire pointer à l’orée d’une démocratie dévoyée, le candidat à la présidentielle de l’ «Union fait la Nation», la plus grande coalition de l’opposition, n’avait pas à se retirer de la course au Palais des Gouverneurs. C’est au contraire, le moment plus que jamais où Adrien Houngbédji et ses camarades de la coalition doivent se souder les coudes pour faire fonctionner l’Union. A plein régime! Mieux que ce qu’ils nous ont donné à voir lors des préparatifs pour le scrutin du 13 mars dernier. Le devoir citoyen et militant leur impose de sauver notre expérience démocratique en se remettant tous à flots afin de lui éviter de retomber dans les travers dont elle est issue et pour lesquels le peuple, longtemps meurtri, a déjà payé de lourds tributs.
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