Se combattre ou combattre la pauvreté

Nos leaders, les hommes politiques qu’on ne présente plus, m’ont encore fait peur ce matin ; ils veulent se combattre. Je me suis alors demandé si les combats véritables sont déjà terminés. Il me semble inconvenable de bourrer les premières lignes de ce texte des nombreux maux qui mettent à mal le Bénin et son peuple. Je me dois cependant de souligner brièvement par soucis de précision quelques-uns des plus importants. Le niveau de vie inquiétant des populations misérables qui végètent lamentablement dans une misère croissante peut nettement en faire la une. Viennent ensuite pour tout effacer l’abondance excessive d’infrastructures routières, ferroviaires, modernes qui font de nos villes et campagnes des sites touristiques d’envergure internationale; le taux d’analphabétisme particulièrement élevé ; le taux de croissance économique largement au-dessus du maximum possible ; l’excès d’emploi pour la jeunesse manifestement trop épanouie pour désirer encore quoi que ce soit ; la connaissance intelligente des valeurs républicaines incitant les citoyens à toujours se comporter de la façon la plus exemplaire qui soit, avec une expression envoûtante du sentiment de patriotisme qui les anime et qui les pousse hors d’eux-mêmes. A cela s’ajoutent l’outillage ultra moderne qu’utilisent nos agriculteurs qui s’en vantent, les moteurs assez neufs et modernes des engins de transport qui abondent nos villes et campagnes, l’accès facile et rapide aux moyens et techniques de conservation des matières premières massivement produites par les acteurs du secteur primaire en nombre croissant, le dépeuplement de nos villes par l’exode urbaine et quoi encore ? N’eurent été quelques ratés et dysfonctionnements dus à la mauvaise foi de quelques têtes seulement, ce pays aurait été largement en tête du classement mondial des pays prospères ne serait-ce que pour quelques secondes.

Après avoir relevé brillamment tous ces défis de développement, après avoir combattu merveilleusement la pauvreté, que faire ? Et bah, si ce n’est que cela la question, la réponse reste tout de même simple, du moins, à en croire les ambitions légitimes de nos leaders qui ont beau se combattre entre eux. Oui, se combattre est la solution, enfin, la solution qu’ils nous proposent. Si seulement nous avions la possibilité de l’invalider, celle-là ! Si seulement ils pouvaient attendre que nous validions cette proposition pleine de grâce et de merveille avant de se lancer dans ce champ désert au sol infertile ! Pour ma part, je n’ai personne à combattre parce que j’ai déjà un ennemi, un ennemi de taille qui ne cesse de m’attaquer et d’attaquer mon pays et ma seule patrie. C’est lui et lui seul que je dois combattre, et c’est cet impitoyable ennemi armé jusqu’aux dents que j’invite mes compatriotes à combattre. Avec moi dans cette lutte de jusqu’auboutiste, tout peut s’arranger, et tout va s’arranger d’ailleurs, à moins que ma foi me trompe. Pourquoi, chers compatriotes, nous bouffer le nez ? Alors qu’on est attaqué ? Pourquoi nous combattre ? Alors que nous n’avons plus qu’à nous unir pour combattre ? Depuis que nous avons relevé les grands défis du développement, le célèbre adage selon lequel l’union fait la force aurait-il perdu son sens et son énergie ? En tout cas, ma logique qui m’a toujours été fidèle dans son adresse, suppose que quand on n’avance pas, on ne recule pas forcément. Si nous ne sommes pas en mesure de fusionner nos énergies et de combiner nos variables pour résoudre l’équation du développement, le moins que nous puissions faire, bien qu’étant vide de sens, d’adresse et de bonne foi, c’est de rester neutre. Combattre son partenaire n’a jamais servi à faire gagner une équipe normale. Chers compatriotes, suivez mon regard, l’heure n’est pas aux cataclysmes, aux engueulades, aux guerres de mots, aux combats interpersonnels, aux provocations subjectives qui, ma foi, n’ont jamais conduit un peuple à bon port. Le contraire est peut-être prouvé dans l’au-delà, mais suis-je encore de ce monde ?

Aux hommes forts du peuple, le peuple vous connait, et il sait que vous êtes forts, tous forts, vous êtes bons, tous bons, et chacun de vous est le plus fort de tous. Inutile de nous offrir un spectacle inapproprié, un combat sans tête ni queue, une démonstration de force inutile.

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