De l’opportunité d’un groupe de pression public

La démocratie est un système politique dans lequel la souveraineté procède de l’ensemble des citoyens. C’est parce qu’en ces temps modernes, elle ne  peut plus être directe pour ce qui est du gouvernement d’un pays tout au moins, qu’elle s’est faite représentative. Le peuple délègue alors librement le pouvoir de le gouverner à des mandats qui sont en fait des intermédiaires pour l’exercice de sa propre souveraineté : le Législatif et l’Exécutif. Mais la délégation n’exclut pas le contrôle ; elle l’implique intrinsèquement ; elle n’est pas procuration. Le citoyen détient donc le droit de contrôler l’Exécutif et le Législatif. Paradoxalement la Constitution n’a rien prévu pour ce faire. Elle n’a rien prévu en termes de contrôle direct. Et le pouvoir de contrôle  qu’elle a accordé à l’Assemblée nationale sur l’exécutif  en tant que représentante du peuple est faible. D’un autre côté,  il peut arriver que l’Assemblée ne soit  plus  en harmonie avec le peuple souverain qui lui a délégué son pouvoir ;  la Constitution n’a rien prévu dans ce cas de figure non plus. Elle ne prévoit rien en ce qui concerne le contrôle du peuple sur ses représentants qu’il a élus et à qui il a délégué ses pouvoirs alors qu’il n’y a pas de démocratie sans contrôle

Force est donc de constater que les autorités supérieures de l’Etat que sont les pouvoirs législatif et exécutif ne sont réellement pas soumis au contrôle du peuple. Si le peuple avait pu exercer son contrôle d’une manière ou d’une autre sur l’Assemblée nationale, la législature qui vient de prendre fin ne se serait pas comportée en toute aisance aussi facilement  Par ailleurs les députés ne se seraient pas donné la liberté de changer de camp ni de cap tout à la fois,  trahissant, ce faisant, la confiance de l’électeur qui leur a pourtant  accordé son suffrage sous une obédience politique bien déterminée. De plus le contrôle que leur confère la Constitution sur l’exécutif ne nous parait  pas conséquent car il ne porte pas sur les actions mêmes du gouvernement. Statutairement l’Assemblée Nationale représente  les citoyens et la constitution précise en son article 79 qu’elle « contrôle l’action du gouvernement ». Mais il convient de reconnaître que  ce contrôle est tout théorique et tout à fait aléatoire. Aléatoire parce que de deux choses l’une. Ou le gouvernement dispose d’une forte majorité à l’Assemblée nationale et cette majorité aura tendance à n’être qu’une caisse de résonnance sans volonté effective de contrôler les actions du gouvernement ; ou l’opposition est si forte  qu’elle se met en mesure de gêner  considérablement l’action gouvernementale devenant ainsi plus un goulot d’étranglement qu’une force de contrôle. En tout état de cause et  dans le cas de ce contrôle, l’article 73 de la constitution stipule que la responsabilité personnelle du Chef de l’Etat est engagée en cas de haute trahison, d’outrage à l’Assemblée ou d’atteinte à la l’honneur et à la probité. Dans ce cas il est prévu que le Président de l’Assemblée Nationale saisisse la Cour Constitutionnelle à charge pour cette dernière de saisir la Haute Cour de justice, le cas échéant. Il ne s’agit donc pas d’un contrôle politique des actions du Chef de l’Etat mais plutôt d’un contrôle de ses comportements

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Au reste il arrive que les députés votent des lois sans se préoccuper de savoir si l’Exécutif les met en pratique ou les rangent. A titre d’illustration nous pouvons citer la loi 98-019 du 21 Mai  2003 qui dispose au dernier alinéa de son article 3 que la Caisse Nationale de Sécurité Sociale a pour mission de ̏créer et de gérer la branche des prestations d’assurances maladie″. Les députés se sont contentés de la voter sans exercer par la suite quelque action sur l’Exécutif pour sa mise en vigueur. Le résultat en est qu’à ce jour plus de 90% de la population de notre pays est sans couverture maladie. Ahurissant !

Lorsque les députés s’arrogent l’indélicatesse de honnir l’ensemble du corps diplomatique accrédité dans notre pays, invité en séance solennelle à l’Assemblée nationale, alors qu’ils ont déserté les lieux, en ce monde d’aujourd’hui où la communauté internationale pèse de tout son poids sur toute politique intérieure, il est permis de réfléchir sur l’opportunité d’un  contrôle de quelque manière sur ce qui est censé être notre auguste assemblée d’autant que statutairement l’une de ses missions est « d’assurer la Représentation nationale ».

Quant à l’Exécutif, le peuple n’a également, en l’état actuel des choses, aucune occasion d’exercer sur lui  un quelconque contrôle  si ce n’est le vote sanction en fin de  mandat de son chef qui naturellement n’a aucun effet rétroactif. Le verdict des urnes lie l’électeur pendant cinq ans C’est un blanc seing qu’il accorde au chef de l’Etat en l’élisant. Il n’y a pas chez nous des élections intermédiaires telles les élections législatives à mi-parcours de la magistrature suprême aux Etats-Unis d’Amérique ou les élections régionales et cantonales comme  en France qui donnent toutes à l’électeur l’occasion de sanctionner la politique que mène le Chef de l’Etat et l’obliger, le cas échéant , à rectifier le tir en cours d’exercice. L’électeur américain et français se sont donné ainsi les moyens d’un contrôle politique sur la mise en œuvre de la politique du gouvernement ; les moyens de confirmer ou d’infirmer leur vote. Nos élections législatives n’ont pas été conçues dans cet esprit de contrôle.

Lorsqu’un ministre commet une faute ou qu’une faute est commise sous sa responsabilité, la pratique dans les démocraties avancées nous enseigne que  soit il démissionne de son plein gré, soit le chef du gouvernement l’exclue de son équipe que ce soit  de son propre chef ou qu’il finisse par céder à la pression des syndicats ou à celle de la rue dans un climat social habituellement tendu où s’entremêlent les domaines d’intervention. Et cette situation génère toujours  le  désordre social. Dans notre pays, un ministre ne  démissionne pas de son plein gré et lorsque que des voix osent s’élever pour le lui demander, il demeure imperturbable  à son poste ; et pourtant il n’y a rien de plus noble et de plus digne qu’une démission volontaire. Où  donc est la démocratie dans tout cela, où est le contrôle du peuple ?

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C’est pour toutes  ces raisons et d’autres encore, que  nous pensons que le pays a besoin d’un groupe de pression, honnête, puissant, techniquement compétent, tout à fait crédible et hors de tout soupçon d’appartenance ou d’influence politique, pour faire du lobbying  public sur les décideurs aussi bien en matière politique qu’en affaires. Tout le monde y gagnerait.

Photo de l’Ambassadeur Candide AHOUANSOU

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