Le refus des grèves

Dans les cultures et civilisations adja – fon et yoruba notamment, mais plus généralement dans toutes les vieilles et grandes cultures et civilisations, le FÂ – ou ce qui y correspond – est un passage obligé pour tous les actes de la vie de l’individu. Quoi qu’il veuille faire, le Dahoméen, le Béninois, doit consulter d’abord le FÂ. Les chrétiens qui ont du scrupule et ne consultent plus le FÂ, ce n’est pas parce que le FÂ est fantaisiste ou que le FÂ ne leur dit pas la vérité, c’est uniquement et fondamentalement pour obéir aux exigences de leur FOI : celui qui vous parle à travers cette analyse fut un partisan constant des consultations du FÂ, et son arrestation le Vendredi 31 Janvier 1975, sa condamnation à mort le Vendredi 14 Mars 1975, mais aussi sa délivrance 10 années plus tard, vivant et libre, étaient annoncés par le FÂ. C’est dans ma cellule de condamné à mort que j’ai décidé de quitter les zones de l’obscurantisme pour suivre totalement, complètement, sans mélange ni partage, le Seigneur de ma Foi et de mon Espérance, le Christ Jésus. Ma vie en est radicalement transformée, mais cela n’est pas l’objet des échanges actuels.

C’est très souvent que l’adepte du FÂ consulte l’Oracle, que celui-ci est très favorable, que la voie lui est totalement ouverte, et que cependant, il renonce:«an nui , FÂ na gbj » traduit mot à mot. «Si tu es attentif, vigilant, le FÂ se reposera.»

Littéralement «Si tu observes bien les règles de la vie et que tu ne trahis pas l’Immanence, tu n’auras pas besoin de consulter le F».

Nous entrons ici, dans nos cultures et civilisations, dans « l’ordre des priorités » des DROITS et des Libertés. Un Ordre que nous retrouvons dans l’Allemagne et le Japon des années 1945 – 1946.

En 1945, l’Allemagne et le Japon, les deux grands vaincus de la Seconde Guerre Mondiale, les bons derniers des grands Pays développés du Nord, ont redémarré la vie démocratique dans toutes ses dimensions, y compris celle des expressions des libertés d’opinion et du droit de grève pour les travailleurs… Mais les travailleurs Allemands et Japonais ont instauré «le système des grèves sans arrêt du travail»: en Allemagne, avec Konrad Adenauer, Willy Brandt, pour ne citer que ces deux «pères refondateurs », les travailleurs exprimaient leur droit de grève, généralement par un brassard noir autour du bras, au moment où les responsables syndicaux, l’Etat et le Patronat discutaient et s’acheminaient vers un moratoire. Il n’était pas rare que les travailleurs, dans ce contexte de grande liberté, mais de parfaite responsabilité, décident de travailler par exemple 12 heures par jour au lieu de huit, et ce faisant, ils exprimaient mêmement leurs droits et leur conscience de l’état d’arriération de l’Economie du pays et le Devoir du redressement national. Au Japon, le brassard noir est remplacé par un bandeau rouge autour de la tête, les comportements de l’Etat et du Patronat dans les deux pays étaient absolument comparables : la Conscience des travailleurs et des syndicats rencontrait la conscience de l’Etat et du Patronat.

En moins d’une génération, l’Allemagne et le Japon des années d’après-guerre sont devenus Numéro Deux et Numéro Trois de la planète derrière les Etats-Unis d’Amérique. Le Japon de ma jeunesse rimait avec pacotille: même dans mon Zinvié natal, dire de quelqu’un ou de quelque chose qu’il était «japon» signifiait qu’il ne valait que pacotille. Ma jeunesse, c’est avant-hier, c’est hier : entre hier et aujourd’hui, entre avant-hier et aujourd’hui, Suzuki est né, Mitsubishi aussi, Toyota sera Numéro Un Mondial, bien avant les Etats-Unis, dans les constructions automobiles. Dans tous les domaines de la Science et de l’Industrie, dans l’électronique, la communication, la technologie japonaise étonne, suprend, vous coupe le souffle…

Quelles sont les dimensions du Japon, combien d’habitants, quelles ressources naturelles, comparé au Bénin?

En Allemagne, la démocratie est vivante

Konrad Adenauer est parti, en laissant des Fondations qui portent son nom et perpétuent son œuvre et sa philosophie de vie. Willy Brandt n’est plus là. Mais Angela Merkel, venue de l’Allemagne de l’Est d’avant l’Unification, continue «l’œuvre des Pères refondateurs». Ça n’a pas été du tout facile, mais l’Allemagne a renoncé à son redoutable Mark pour endosser l’Euro et ouvrir la voie à l’Union Européenne du passeport unique, de la monnaie unique, et des frontières dissoutes.

Pour avancer, il faut toujours savoir renoncer : certains à leurs droits ou à leurs libertés, d’autres à leurs privilèges! Conséquences de la Culture de l’écoute et du compromis!

En France, les accords de Grenelle sont-ils si loin que cela ? Qui a oublié le face à face des deux Georges, Georges SEGUY, ci-devant tout-puissant Secrétaire Général de la toute-puissante CGT adossée au tout-puissant Parti Communiste Français d’alors, et Georges POMPIDOU, Président de la République Française : d’authentiques Français, d’authentiques Citoyens, d’authentiques Patriotes. C’est cette même France des deux Georges du Dialogue et du Moratoire qui nous a offert pendant le très beau XIIIe Sommet de la Francophonie, Montreux 2010, cet effroyable et détestable spectacle de raffineries de pétrole fermées et bloquées par des grèves, livrant les popula-tions, les entreprises de France à une détresse intolérable dans cette période où l’appartenance à l’Union Européenne et la Mondialisation interdisent que l’on s’amuse avec l’Economie qui est le nerf de tout le reste! Que devient l’Ordre des Priorités?

On ne comprend pas le spectacle affligeant d’un Marseille sous des milliers de tonnes d’ordures ménagères non ramassées du fait de la grève – par ailleurs légitime – des éboueurs, livrant la ville et ses TRAVAILLEURS de tous les secteurs aux immondices, aux rats, aux mauvaises odeurs, sous la pluie et avec une tramontane usant de ses droits de souffler, créant une situation d’hygiène grave menaçant tout bonnement la bonne santé de toutes les Marseillaises et de tous les Marseillais, grévistes ou non !

L’on se souvient, en tous cas mes collaborateurs et moi, des drames survenus dans les Centres de Santé de nos villages, lors de la grève – probablement légitime ! – des agents de santé du Bénin, l’année dernière: à Tchi-Ahomadigbé, un village du Couffo où nous étions en mission des Projets PADL [ Projet OIF d’Appui au Développement Local ! ], il y avait de nombreuses pertes de vies humaines, des malades non secourus et des femmes en couche non assistées, du fait de la grève des Infirmiers – Infirmières et des sages-femmes : elles sont inacceptables, les situations où la jouissance des droits et des libertés des uns induit la mort et les misères des autres dans le même pays!Les temps ont changé : à temps nouveaux, mœurs nouvelles. Après la Révolution marxiste-léniniste et la Conférence Nationale, il est inacceptable que les acteurs politiques et sociaux, nous imposent la chienlit. On ne peut pas vivre à l’ère de l’Internet comme l’on vivait aux bons vieux temps du téléphone à clochettes. Nous avons besoin du développement, nous avons DROIT, individuellement et collectivement, au développement. Quelle est cette hypocrisie mortifère et funeste d’un Ministère des Finances où tous les Personnels de toutes les Administrations cessent le travail trois jours par semaine, les Douanes, les Impôts, le Trésor Public, etc, dans un Pays dont le Budget est essentiellement fiscal?… Qui élabore les budgets de l’Etat? Qui pourvoit à l’exécution de ces budgets? Qui va négocier avec la Banque Mondiale et le FMI? Qui donc va marcher dans les rues au motif de tares budgétaires?

Aucun pays au monde ne s’est développé sans ses cadres et ses intellectuels…

Il faut repenser l’exercice des droits et des libertés, mais aussi celui des devoirs et des responsabilités, à une époque où la planète a pris les dimensions d’un village ou d’un quartier de ville. C’est d’abord le rôle des Cadres et des Intellectuels, ils ont le plus reçu du pays et de ses populations. Que serais-je devenu s’il n’y avait pas eu l’Etat et le Contribuable? De l’Ecole primaire à la fin de mes Etudes supérieures, c’est le contribuable Dahoméen qui a supporté les charges de ma formation : mes dettes à son égard sont énormes, c’est dans la seule vérité que je puis les rembourser, dans la vérité et dans le service. Les petits calculs, les mensonges, les trahisons, les traîtrises, les jeux de cache-cache, les coalitions contre-nature et sans lendemain, tout cela ne conduit qu’à l’abîme. Les fausses fiches au Ministre ou au Chef de l’Etat, les manipulations, les instrumentalisations de toutes sortes sont aussi détestables que mortelles pour le pays que pour ceux qui les fomentent.

Aucune autorité politique de ce pays n’a jamais  pris aucune décision dans aucun domaine sans se fonder sur les avis d’un cadre ou d’un intellectuel supposé compétent, expérimenté, travailleur et intègre! Pendant cinquante ans, nous avons passé le plus clair de notre temps, dans ce pays merveilleux, à injurier et mépriser le Beau, l’Esthétique, l’Intelligence. Et l’Amour. On ne peut pas désirer une chose et son contraire, on ne peut pas vivre d’une chose et de son contraire. C’est au NORD que nous allons: ne perdons pas le Nord!