Koupaki pris en tenailles entre Yayi et de Souza (Encore un premier ministre kpayo !)

Bénin – Et si le poste de premier ministre fraîchement  attribué au ministre d’Etat Pascal Koupaki n’était qu’une coquille vide, à l’instar de celui qu’avait occupé naguère un certain Adrien Houngbédji!

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Officiellement, le ministre d’Etat Pascal Irénée Koupaki a pris des gallons. Son parcours depuis 2006 ressemble à une courbe ascendante: ministre du développement, de l’économie et des finances en 2006 à l’avènement de Boni Yayi au pouvoir, il  a pris les rênes du ministère du développement en 2008, avec le titre très envié… de ministre d’Etat, qu’il partageait avec Kogui Ndouro, l’inamovible ministre de la défense, jusqu’au 28 mai dernier. A cette date, Koupaki devient premier ministre.

 

A l’analyse, pourtant, son nouveau  titre  est une  coquille vide. Et, la courbe ascendante de son parcours  prend des allures d’une ligne brisée, comme si son protecteur, conscient de ses compétences avérées (voir encadré),  a peur de lui donner trop de pouvoir et a cherché, avant tout, à le «casser» sans en donner l’air, et en le mettant dans une position de premier plan qui ne lui donne pas les coudées franches. Et le bel avenir que semble lui promettre ses mentors -parmi lesquels le fameux médiateur de la République-  ressemble à n’en point douter à un coup de pouce ou de «pied»… vers la sortie.

Koupaki, nouveau  Premier ministre Kpayo

Les attributions du nouveau promu, ainsi que les a annoncées le secrétaire général adjoint du gouvernement, se déclinent comme suit: «Premier Ministre, chargé de la coordination de l’action gouvernementale, de l’évaluation des politiques publiques, du programme de dénationalisation et du dialogue social». Le titre paraît ronflant mais son contenu sonne urcreux.  On cherchera, en vain, un portefeuille de souveraineté dans l’énoncé du titre, comme les finances et le plan par exemple. Le ministère du développement de la prospective, que Koupaki cumulait, déjà en 2006, avec celui de l’économie et des finances a un nouveau titulaire, Marcel de Souza,  beau-frère de Boni Yayi, ancien Directeur national de la Bceao et conseiller aux affaires monétaires du chef de l’Etat. Au surplus, l’économie et les finances, départements les plus importants, s’il en est, sont désormais l’affaire de dame Adidjatou Mathys. L’ancienne directrice de cabinet du même ministère avait déjà été annoncée comme ministre, lors du précédent remaniement, avant de se voir remplacée, in extremis, par le trop effacé, Idriss Daouda.

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On en conclut aisément qu’à l’ère commençant du 2e quinquennat de Boni Yayi, Koupaki est moins puissant en tant que premier ministre qu’il ne l’était en 2006, quand il régentait le grand ministère du développement, de l’économie et des finances. Aujourd’hui, la charge de «l’évaluation des politiques publiques et du programme de dénationalisation» dépend des dossiers qui se trouvent ailleurs dans les ministères de tutelle des entités à dénationaliser, par exemple. Le nouveau premier ministre n’est pourtant pas un nouvel observateur, à défaut d’être un carriériste, dans le paysage politique. Entre 1996 et 1998, il était déjà le directeur de cabinet d’un certain… Adrien Houngbédji. Il est  donc  un  témoin privilégié des déboires de son ancien  patron. De  Kérékou (en 1996) à Boni Yayi (en 2011), les contours et le contenu du poste de premier ministre n’ont pas varié. D’abord, il n’est pas le chef du gouvernement. En tout cas, pas du point de vue de la Constitution. Pour coordonner l’action gouvernementale, évaluer les politiques publiques, suivre le programme de dénationalisation, il devrait se référer à son collègue du développement qui a la haute main sur la planification générale du développement du pays. Si le chef de l’Etat avait voulu faire de lui un premier ministre fort, il aurait procédé autrement en lui conservant le développement et la prospective, et en faisant de Marcel de Souza, le titulaire du ministère de l’économie et des finances confié à l’ancienne directrice de cabinet qui n’a plus rien à prouver, ayant déjà servi sous deux ministres déchus, Soulé Mana Lawani et Idriss Daouda. Boni Yayi aurait fait d’une pierre deux coups: créer un vrai poste de premier ministre qui ne ressemblerait pas à une coquille vide et réduire le nombre pléthorique de ministères en faisant économie d’un poste superflu.

Les Béninois ont déjà vécu l’expérience peu concluante  d’un premier ministre qui n’est pas le chef de gouvernement. Le titulaire du poste d’alors,  Adrien Houngbédji, avait fini par  avouer lui-même  sur un mode humoristique, en direct du plateau de la télévision de service public, qu’il n’était qu’un «premier ministre Kpayo». C’est lui qui a, d’ailleurs, popularisé l’expression. Venant de la bouche d’un  Porto-novien, bien au fait du phénomène kpayo, la boutade a fait tilt dans la  tête de tous les Béninois. ….

Adrien Houngbédji avait, certes,  mis les rieurs de son côté mais il révélait par la même occasion ce que le commun des Béninois savait. Titulaire d’une «primature» sans contenu,  lui qui ne détenait aucun portefeuille de souveraineté, n’avait aucune prise sur le gouvernement encore moins d’influence sur  ses  ministres qui l’ignoraient royalement, préférant s’en référer directement au général-président.

Un protecteur encombrant

En réalité, Boni Yayi qui a été cinq ans durant un président hyper actif déléguant peu de pouvoir à ses collaborateurs ne voulait pas d’un premier ministre aux pouvoirs étendus, loin s’en faut! Nous sommes en mesure de révéler aujourd’hui que l’idée  même de la création du poste lui a été «fortement suggérée» par un certain Albert Tévoédjrè, appuyé par l’ancien président Emile Derlin Zinsou et d’autres, ce,  au plus fort de la tension sociale née des affaires Dangnivo et ICC Services. Tévoèdjrè, lui-même, en a fait la confidence à un groupe de personnalités s’inquiétant de son silence assourdissant dans la période chaude de la fronde anti-Lépi. Tévoèdjrè, toujours en avance d’une idée, avait alors prédit la réélection de Boni Yayi,  en s’appuyant comme à ses habitudes sur «l’arithmétique» mais a annoncé à ses interlocuteurs médusés qu’il serait encadré par un premier ministre. Le chef de l’Etat a été a donc contraint et forcé d’admettre le principe de la création du poste présenté alors comme une sorte de fusible, pour lui éviter les chocs d’éventuelles affaires. Le hic, c’est que Tévoédjrè a voulu penser et travailler  en même temps pour la succession du prince régnant en… 2016. Le Forum dit de Vérité et de Sursaut patriotique qu‘il s’était chargé d’organiser dans la foulée de la présidentielle devait servir de rampe de lancement au futur candidat sous la couverture de la réélection triomphale de Boni Yayi. Ce dernier n’a-t-il pas avoué à plusieurs reprises qu’il ne ferait pas modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat? Le chef de l’Etat qui ne veut pas se faire enterrer vivant a flairé l’entourloupe. Sur les conseils avisés du Beauf et de bien d’autres, il fait reporter sine die les assisses presqu’à la veille de leur tenue, brisant ainsi le rêve du « premier faiseur de roi» devant l’Eternel qu’est le Renard de Djrègbé. Pour Koupaki, ce fut le deuxième camouflet.

Le premier désaveu on le sait aujourd’hui aussi, de sources concordantes, a été la confection d’une liste parallèle à celle des Forces Cauris pour un Bénin Emergent (Fcbe), dénommée liste Anc, à la veille des législatives. Initialement, c’est lui Koupaki qui aurait dû conduire cette liste censée aider à consolider la majorité écrasante au profit de Boni Yayi. Selon nos sources, le chef de l’Etat, se serait fait remettre la liste concurrente. Il en aurait profité pour en extraire les candidats susceptibles de gagner pour les inclure dans les Fcbe. Koupaki ayant flairé la supercherie a renoncé définitivement à se porter candidat à la députation. Il se savait sous surveillance. Son sort était déjà scellé. Et Boni Yayi va créer le poste de premier ministre mais l’ampute de tout ce qui peut rendre son ministre tout puissant. Comme Kérékou en 1996.

Comme Adrien

La situation de Koupaki ressemble étrangement à celle de son ancien protecteur Adrien Houngbédji. En 2011, Yayi entame un deuxième et dernier mandat. Koupaki auréolé de sa posture de technocrate madré qui n’a jamais fait organiser des marches de soutien ni crié à longueur de discours le titre de «docteur» que vénèrent ses collègues, se sent pousser des ailles. Les gens comme Tévoèdjrè lui font miroiter la possibilité d’une succession au champion du changement. Et Koupaki, le chouchou des bailleurs de fonds a commencé à y croire. En 1996, quand Adrien Houngbédji, fort de son score au premier tour en 1996 avait arraché la création du titre au général, c’était dans l’espoir que «le laboureur», au terme de la promesse d’un seul mandat allait lui céder le poste de magistrat suprême. Ne sentant rien venir, Houngbédji a dû claquer la porte en 1998, presqu’à mi-mandat. Visiblement, Koupaki a avalé beaucoup de couleuvres mais n’est pas prêt de lui emboiter le pas.

Au total, en dépouillant le titulaire de la primature du portefeuille du  développement et de la prospective qui est au carrefour de tous les ministères, Boni Yayi  en fait une coquille vide. Certes, le nouveau premier ministre continuera peut-être de représenter notre Etat aux grandes négociations avec les institutions de Bretton Woods, si Marcel de Souza ne s’interposait pas entre lui et Boni Yayi.  Mais à coup sûr, il  sera appelé comme par le passé à aller aux charbons des négociations avec les syndicats à la place du patron. C’est cela, «le dialogue social». Il présidera comme par le passé  les conseils des ministres dont le patron dira plus tard qu’il n’était pas informé des décisions qui  y ont été prises. Cependant, Boni Yayi, toujours hyperactif traitera directement avec les ministres sectoriels et continuera de nommer directement tous les membres des cabinets ministériels. En somme, Koupaki sera réduit à faire «le sale boulot», à inaugurer les chrysanthèmes, comme un président d’honneur de parti ou les souverains du Royaume Uni. Pour laisser le prince régnant s’occuper de la politique avec son parent et ami Kogui Ndouro. Ce dernier, à la tête d’une institution déjà organisée qu’est l’armée,  continuera de se la couler douce en aidant le prince à concocter des plans pour l’après 2016. Qui sait si  en parlant de «refondation», Boni Yayi ne pense déjà pas à un hypothétique 3e mandat en 2016? Nous y reviendrons.

Encadré: Les tribulations d’un cadre

Qu’on aime ou qu’on n’aime pas Koupaki pour ses airs de super technocrate suffisant, hautain et imbu de sa personne, on doit reconnaître que son parcours est des plus élogieux. Des cadres de son acabit feraient une très belle carrière dans les instances internationales comme la Cedeao, l’Uemoa et même le Fmi au plus haut niveau où le Bénin est aux abonnés absents depuis des années. Quand, en 2006, il a rejoint Yayi sur recommandation de Marcel de Souza, selon les proches du clan familial, Koupaki faisait déjà partie de ce qu’on appelle à Dakar «le gouvernement de la Bceao», c’est-à- dire le nec plus ultra des cadres de haut niveau qui aident le gouverneur à administrer la Banque centrale. Il en a gravi tous les échelons avant de faire valoir ses droits à la retraite… en 2008. Celui qui serait ravi de le revoir aujourd’hui dans les réunions internationales, c’est le président ivoirien Allassane Ouattara. Par deux fois, Ouattara avait eu recours à ses compétences, lorsqu’il était premier ministre de Côte d’Ivoire. Koupaki était en effet son directeur adjoint de cabinet,  quand le directeur de cabinet était Sydia Touré, futur premier ministre de Guinée. A l’époque, on raconte que Ouattara a dû monter au créneau plus d’une fois pour faire taire les propos xénophobes de son entourage qui trouvait que les leviers du pouvoir étaient dans les mains des «étrangers». Il aurait rétorqué que notre compatriote faisait partie des meilleurs cadres de la Bceao. Plus tard, quand Ouattara fut nommé Directeur adjoint du Fmi, il rappela le même Koupaki à ses côtés en qualité de conseiller. Quand une fois de retour dans son pays , on le voit ballotté de tous côtés, obligé d’avaler les couleuvres (l’épisode de la Soaga, de la Sodeco et d’une primature vide de contenu), on ne peut s’empêcher de penser à la maxime: «On n’est jamais prophète chez soi».

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