Grèves intempestives dans l’administration publique : Boni Yayi dénonce et menace

C’est connu, l’administration publique béninoise a souvent été paralysée par des grèves. Parfois longues, sauvages, elles ont généralement amené le gouvernement à reculer, notamment ces cinq dernières années, entraînant une hausse vertigineuse de la masse salariale. Désormais, il n’en sera plus ainsi. C’est du moins ce que postule le message à la nation que vient d’adresser le président Boni Yayi en cette nuit du lundi 13 juin. C’est à pas fermes que Boni Yayi dévale de derrière une porte et prend possession du pupitre dressé à son intention à la présidence de la République. D’entrée, il rappelle avoir dit lors de ses derniers messages à la nation, à la suite des élections, que le Bénin est à la croisée des chemins et doit décider de prendre en mains son destin. C’est pourquoi, dit-il, « j’invitais la République à se mettre résolument au travail », ajoutant que « chacun doit honorer ses engagements vis-à-vis de la République et mettre l’intérêt général au-dessus des intérêts particuliers ». Boni Yayi rappelle ensuite que son actuel mandat est celui des réformes, qui nécessite une nouvelle gouvernance : la refondation. A ce propos, martèle-t-il, « nous devons en finir avec les comportements qui freinent notre démocratie ». Et de poursuivre en indiquant que la stabilité sociale recherchée vise à remettre la nation au travail. Mais, avertit-il, si nous n’y prenons garde, la trêve relative actuelle va connaître des perturbations du fait des menaces de certains syndicats de base.

Or, explique Boni Yayi, conscient du rôle de l’administration publique, le gouvernement a pris l’engagement d’en faire une administration de développement. A son arrivée au pouvoir en mars 2006, renseigne le Boni Yayi, les arriérés salariaux étaient de plus de 180 milliards FCFA et ont été entièrement apurés sous diverses formes de sorte qu’au jour d’aujourd’hui, plaide Boni Yayi, le gouvernement ne doit rien aux agents permanents de l’Etat, le contribuable non plus. Ainsi, brandit-il, le Bénin est l’un des rares pays de la sous-région ; ce qui témoigne de la sollicitude du gouvernement à l’égard des travailleurs. Et Boni Yayi rappelle, à toutes fins utiles, que les actions engagées par son gouvernement ont induit une croissance sensible de la masse salariale. En effet, démontre-t-il, de 135 milliards FCFA en 2006, elle est passée à 270 en 2011, soit un accroissement de 100%. Ce faisant et malgré la situation des ressources publiques, le gouvernement a montré sa bonne volonté de résoudre au mieux les problèmes des agents permanents de l’Etat dans un souci d’apaisement, a encore plaidé Boni Yayi soutenant qu’on a besoin de stabilité et de paix pour construire le pays. Et c’est cette perspective qui a conduit à la création du cadre de concertation entre le gouvernement et els centrales syndicales.

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Agacement

Puis, Boni Yayi dit comprendre que le sens des suffrages portés sur sa personne le 13 mars dernier est de « mettre de l’ordre dans la gestion des affaires publiques ». Indiquant avoir compris cela, il avertit que « la démocratie n’est pas l’anarchie ». Là-dessus, il fera entendra que « le gouvernement est ouvert au dialogue mais doit opérer des réformes pour faire avancer le pays ». Et désormais, annonce-t-il, le cadre de concertation sera ouvert à la société civile et au secteur privé afin qu’ils voient l’utilisation faite des ressources du pays.

Un tantinet agacé, Boni Yayi dit ne pas comprendre le bien fondé de la motion de grève de certains syndicats de base de l’administration publique, motion devant courir à partir de ce mardi 14 juin, après l’accord obtenu le 21 avril dernier au niveau du cadre de concertation. Aussi se demande-t-il avec qui il faudra négocier désormais.

Dans tous les cas, désavoue le président de la République, « accéder aux nouvelles revendications des syndicats de base nous conduirait à dénoncer délibérément les engagements pris par notre pays vis-à-vis de la communauté internationale », alors qu’il est déjà en dépassement. (45% actuellement contre 35% recommandés au plan communautaire pour la part des salaires dans les ressources nationales).  Ce faisant, nous risquons de nous mette en porte-à-faux avec les partenaires techniques et financiers, appréhende Boni Yayi qui ajoute que, par un tel comportement, le pays s’isolerait, l’aide publique au développement serait interrompue et, les investissements directs privés, compromis ; sans compter la démocratie qui serait menacée. Mais, exhorte-il, « nous devons créer la richesse par notre travail ».

Menaces …

Après cette sensibilisation en règle, Boni Yayi va hausser le ton. Pour affirmer sans ambages que « les revendications agitées sont inadéquates, contraires à la démarche légale en la matière… » et que, pour toutes ces raisons, il a « décidé de mettre fin au désordre ». A cet effet, informe le président de la République, « les ministres sont invités à relever dès 8h ce mardi, les noms de ceux qui ne seraient pas à leurs postes. Ce faisant, ils auront pris leurs responsabilités et je prendrai les miennes ».

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Soucieux de convaincre et peut-être aussi de s’attirer la sympathie des marginalisés de la République, Boni Yayi va indiquer qu’il ne peut consacrer 50% des richesses nationales aux seuls fonctionnaires qui ne représentent qu’1% de la population au détriment des autres couches sociales et surtout des sans emplois. Lui Boni Yayi qui, dit-il, sait lire « dans le cœur de ses compatriotes du Bénin profond, la privation et le chagrin qu’ils ressentent ».

Déterminé, Boni Yayi dit tenir à ses « réformes porteuses d’espoir et d’espérance » pour lesquelles des projets de lois sont déjà en cours de transmission à l’Assemblée nationale.

Il rappelle aux agents permanents de l’Etat qu’une étude est en cours pour mettre à plat les traitements salariaux en vue d’une harmonisation. Pour lui, « les grandes nations sont celles qui arrivent à surmonter courageusement les difficultés et gardent l’espoir » et il dit souhaiter que « le Bénin soit une grande nation ».

En attendant, assure Boni Yayi, « le gouvernement prendra ses responsabilités pour que le service public soit assuré et sans discontinuité » ; avant d’insister pour dire que « la motion de grève des syndicats de base de l’administration publique est illégale et irrecevable ». Et d’exhorter les agents permanents de l’Etat à répondre présents à leurs postes de travail mardi dès 8h, puis d’inviter les syndicats de l’administration publique à une prise de conscience ». Autrement, menace-t-il, « le gouvernement est définitivement déterminé à mettre un terme à ces grèves intempestives… pour que notre pays soit mieux géré… ».

Un discours fondateur !

Ce message à la nation, de Boni Yayi, devrait rester comme un discours fondateur, annonciateur d’une nouvelle donne dans les rapports entre le gouvernement et les syndicats. Il suggère au minimum que Boni Yayi version deuxième mandat, pourrait sortir du populisme dans lequel était engoncé celui du premier mandat. Il pourrait ainsi casser beaucoup d’œufs parce qu’il y aura beaucoup d’omelettes à faire. En tout cas, on notera le courage et la fermeté de ton, même si on n’oublie pas qu’on en est arrivé là à cause, essentiellement, d’un certain laxisme du gouvernement. Assistera-t-on désormais, en cas de grève injustifiée aux yeux du gouvernement, à des mesures de représailles ? C’est ce qui semble se dégager de ce discours et l’on sera attentif aux actes du gouvernement et de son chef. Pourvu que, parce que Boni Yayi parle de démocratie et d’Etat de droit, les choses soient faites dans les règles de l’art. après avoir goûté au Boni Yayi « papa bonheur » comme l’appelle l’ex ministre Claudine Prudencio, les Béninois connaîtront-ils maintenant Boni Yayi « le père fouettard » ? Une chose est sûre et même certaine, nous avons besoin de rigueur à tous els niveaux de la gouvernance, si nous voulons que le pays décolle enfin. Pourvu qu’il n’y ait pas d’exactions…

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