«Changement» puis «refondation», la magie des concepts sous Yayi

Bénin – Quand il accéda au  pouvoir en 2006, le «changement» a été le concept phare servi au peuple béninois. Avec des hauts et des bas, il  a fini par s’user dans le temps.  Boni Yayi réélu de nouveau en 2011 invente la «refondation», pour semble-t-il   opérer  cette fois-ci, des changements vrais et profonds dans la gestion des affaires du pays. Tel un magicien qui se perd dans ses infusions multicolores et ses nombreuses bagues devant un public impatient et agacé.

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« Ça  va changer! Ça doit changer». Slogan assez expressif et abondamment utilisé pour battre campagne pour le compte de l’homme qui, à la veille de la présidentielle 2006, apparaît sur la scène politique nationale en grande pompe. Le régime  qui s’effaçait à l’époque avait tellement déçu le peuple béninois, que ce dernier n’hésite pas à croire au «nouveau messie». L’accueil fut triomphal et historique: 75% des suffrages exprimés au second tour de la présidentielle 2006. Il est élu. L’homme du changement a annoncé de  tout revoir dans le système de gestion des affaires de la république. Le «changement» prend corps sans tarder à travers des actes et décisions tout feu, toute flamme. Dans presque tous les secteurs, Boni Yayi  engage des réformes profondes, bouleverse les pratiques, sans s’attarder sur les grincements de dents. On voyait à l’époque, un président assidu,  descendant régulièrement  sur le terrain.  Un beau matin, Yayi ira même surprendre des retardataires de la fonction publique,  pique une vive colère, lorsqu’à son entrée dans un bureau, l’agent présent reste assis et groggy  Et pourtant,  il était en face du  président de la république, la haute autorité, comme dirait l’autre. Le Chef de l’Etat se  montrera encore plus dur envers des ministres indélicats. Et  limoge sans sourciller ceux qui sont impliqués dans de sales affaires, comme la Cen-Sad, Icc-Services  et consorts. Il a aussi évoqué le partage de la richesse. Et dans cet élan, les  microcrédits aux plus pauvres trouvent leur explication. Tant bien que mal, le changement,  a fait son chemin, sous Boni Yayi 1. Mais les revers furent également terribles. D’aucuns l’ont sans doute mal  compris et ont fini par noyer le concept avec le concepteur dans une spirale de dysfonctionnements et de désordres à nul autre pareil. Si les acquis du changement  ne sont pas négligeables, ses débordements et dévoiements  n’ont pas été non plus moindres.

 

Le changement et ses godillots

Si Boni Yayi pouvait savoir…. Où alors feignait-il de ne pas croire que son entourage de l’époque avait d’autres raisons de soutenir  son «changement». On les a vus évoluer à ses côtés tout au long du premier quinquennat. Certains l’ont lâché, chemin faisant, alors qu’ils étaient les farouches défenseurs du concept. Allusion à ce jeune béninois, sorti fraichement d’une école canadienne, bombardé à la tête de la cellule en charge de faire la  promotion du changement à la présidence de la république.  C’était  la «grosse gueule»  qu’il fallait sans doute pour parler du concept partout où besoin était, ou n’etait pas. Il en avait pratiquement fait sa chose. La bible  du changement. Toutes les messes médiatiques qu’il honorait en faisaient large échos. Puis chemin faisant, ce jeune homme s’effaçe sans crier gare. S’en est-il lassé? Personne n’a rien compris, sauf dame rumeur qui évoque une mésentente subite entre  le Chef de l’Etat et lui sur un sujet plutot privé peut cerné par le grand public.  Soit.  Il n’y avait   pas que lui.  Tous les gouvernements successifs de Boni Yayi 1 en faisaient leur affaire. Sauf le grand peuple qui n’y comprenait plus grand-chose, face à la cherté sans cesse croissante de la vie. «Etait-ce cela le changement?», s’interrogeait sans cesse la rue. La fin du premier règne de Yayi a été encore plus tumultueuse avec les affaires tantôt citées, dont la nébuleuse Icc-Services.  Des ministres et autres collaborateurs du Chef de l’Etat ont dû se rendre  compte qu’ils étaient en porte-à-faux avec  l’idée du «changement» prôné pour avoir plongé leurs deux mains  dans cette affaire. La suite, on la connaît.

Et vint la «Refondation»!

Comme s’il fallait créer l’évènement face à la présidentielle qui a suivi, si proche et si capitale, Boni  Yayi, alors en pleine campagne électorale, annonce la «Refondation». Il se donne une belle raison: le changement ne lui aurait pas permis d’atteindre tous ses objectifs. Il faut donc «refonder» complètement la république.  Nouveau concept. Joli slogan pour une campagne électorale qui n’était pas gagnée d’avance. Reste que du «changement» à la «refondation», Boni Yayi n’a véritablement pas varié dans ses propositions et solutions pour un Bénin prospère. Le premier conseil des ministres  tenu a la suite de la formation du gouvernement N°1 de Boni Yayi 2 a beaucoup disserté sur le nouveau concept.  Un extrait du communiqué final qui en est ressorti: «… Le Chef de l’Etat a exhorté le nouveau gouvernement à être celui de la rupture avec les anciennes pratiques et à s’investir avec abnégation pour: relever le défi de la prospérité dans un monde en perpétuelle  mutation; travailler à garantir un futur radieux aux Béninois, c’est-à-dire à mieux les nourrir, les vêtir, les loger, les soigner; revoir notre organisation et nos méthodes; accélérer le rythme de création de richesse  dans tous les domaines;  lutter contre la corruption et l’impunité, améliorer notre système partisan et syndical, l’obligation de résultat; la reddition des comptes, etc». La magie des mots. La magie des concepts. Le changement d’antan avait suscité la même littérature autour de la bonne gouvernance que semble prôner  Boni Yayi.  Le président «magicien». L’émission «Bêbêtes Info» sur «Radio Planète» a  bien trouvé l’appellatif  par lequel il désigne le Chef de l’Etat. Peut-être,  cette fois-ci sera la meilleure. Reste à souhaiter que des courtisans zélés, animés d’autres motivations, ne se jettent pas de nouveau sur  la «Refondation» pour lui retirer toute sa substance, comme on l’observe déjà sur le terrain.

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