Le génie africain à l’épreuve des préjugés

Qu’avez-vous fait des talents que je vous ai confiés? C’était, dans la parabole biblique des talents, la question que le maître, revenu de voyage, posa à ses serviteurs à qui il avait confié ses biens. Pour dire que la question de l’évaluation et du contrôle est aussi vielle que le monde. Nous avons besoin de nous arrêter pour faire le point. Nous avons besoin de prendre de bonnes résolutions face à l’avenir.

L’Afrique est souvent évaluée. Aussi bien par les non Africains que par les Africains eux-mêmes. La plupart des premiers font assaut de clichés et de préjugés. L’Afrique qu’ils voient du petit bout de la lorgnette, c’est le continent de la faim, de la paresse, de la misère, de la pauvreté, quoique recelant de vastes ressources. Les seconds, dans leur immense majorité, encore sous le coup d’un lointain matraquage de l’histoire, s’autoproclament «Les damnés de la terre».

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Une évaluation honnête de l’Afrique, sans étroitesse d’esprit ni parti-pris, révèlera un fond de créativité insoupçonné. Les Africains, adultes ou jeunes, bien souvent dans l’anonymat le plus complet, tous les jours que Dieu fait, déploient des trésors de ressources pour illustrer, à leur manière, ce que nous avons d’essentiel et de précieux en nous : l’esprit.

Il se trouve que les Africains eux-mêmes se vendent très mal, au sens marketing du terme. Ils ne savent pas toujours mettre en valeur et en lumière ce qu’ils sont, ce qu’ils ont, ce qu’ils font. Il se trouve également que, selon un ordre des choses, lié au rapport ambiant des forces, l’échange est des plus inégaux. Ceux qui se proposent d’acheter l’Afrique, donc à trouver de la valeur à ce qu’elle réalise, faussent le jeu en fixant d’autorité le prix de ce qu’ils n’ont pas produit.

Que faire? Commencer par reconnaître nous-mêmes la valeur, la qualité de nos propres productions et créations. Agir, en investissant tous les espaces, toutes les tribunes pour qu’il soit enfin accepté et compris par tous que le génie africain n’est qu’une part du génie humain.

Nous témoignons, pour notre part, que le génie africain, dans les vint-cinq dernières années a enfanté de trois systèmes sociopolitiques souvent cités, certes, mais pas assez valorisés en leur portée historique, pas assez modélisés pour gagner le label pour une exportation universelle. Il s’agit de la Commission vérité et réconciliation, du concept de Conférence nationale souveraine, enfin, de ce qui prend, en ce moment, la dénomination de «Printemps arabe».

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La Commission vérité et réconciliation, inventée par l’Afrique du sud de Nelson Mandela, a eu raison des démons de l’après apartheid. Une montagne de haine séparait les Noirs et les Blancs. Tout le monde redoutait une éruption volcanique. Des laves en fusion de ressentiment allaient emporter les Blancs à la mer. La Commission vérité et réconciliation vint comme la réponse la plus humaniste qu’on puisse imaginer à un grand drame en gestation.

La Conférence nationale souveraine est une invention béninoise. Elle contribua, au tournant des années 90, à dessiner et à conduire le processus de démocratisation d’un pays, grâce à une transition ordonnée, méthodique et pacifique. Dans une Afrique qui éprouvait alors tous les jours les limites des partis uniques et de la pensée unique, la Conférence nationale souveraine apparut comme un soleil radieux dans un ciel pourtant fort chargé.

«Le printemps arabe» en cours, consacre le pouvoir de la rue, redonnant du lustre à la définition d’Abraham Lincoln qui désignait la démocratie comme «Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple». C’est une rectification de fond apportée à la démocratie représentative. Comme si le peuple souverain prenait ses responsabilités face à la défaillance de ses mandataires. Le printemps arabe se présente ainsi comme une reprise en main du peuple de son destin contre l’autocratie, c’est-à-dire le pouvoir d’un seul ou d’un clan. La Tunisie fut l’épicentre de ce séisme salutaire dont l’onde de choc n’est pas près de faiblir.

Voilà quelques exemples. Pour édifiants qu’ils soient, ils ne cachent pas moins la forêt de nos capacités créatrices qui sont immenses. Ces quelques exemples ainsi cités pour porter témoignage d’une Afrique qui bouge, contrairement à bien de préjugés, dans un monde en mutation rapide.

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