Démissions en cascade au PRD: le Prd rattrapé par sa propre histoire

L’élection présidentielle du 13 mars a mis définitivement fin à l’ambition et l’aventure politiques de Me Adrien Houngbédji, un homme qui, depuis 1990, se bat pour la magistrature suprême. Mais derrière cet échec politique de deux décennies, il y a celui du Prd, le parti qu’il a créé depuis 1991 et qui, visiblement, se révèle comme le premier obstacle à l’accomplissement de son rêve.

Que de regrets et d’amertume au Prd! Aux termes d’une dernière élection présidentielle très discutée, Me Adrien Houngbédji ne put franchir le cap du second tour, comme il y a cinq ans. Son adversaire politique, ayant gagné au premier tour. Ainsi se termine une longue carrière politique, entamée en 1990, aux lendemains de la Conférence des forces vives de la nation. Participation à cinq élections présidentielles et autant de législatives, un score croissant au fil des présidentielles. 4è en 1991, il est passé au 3è rang en 1996, 2001 et 2è en 2006. Au fil des élections, le score et le rang de cet homme politique se sont améliorés et ont rassuré les militants et les électeurs que leur leader est sur le bon chemin. 2011 était la dernière chance. Le moment pour chacun de mettre sa dernière force dans la bataille. Requinqués par le choix de Houngbédji, comme candidat unique de l’Un, virtuellement assuré du soutien de tous les partis membres de l’Un et d’un suffrage de plus de 45 %, les militants se mirent à rêver d’une victoire de plus en plus évidente. D’autant plus que plusieurs mois avant ces élections, Boni Yayi est en chute libre dans les sondages, son régime étant noyé par des scandales. Le jeu est prenable, les militants y mettent leurs dernières forces. Mais les fruits n’ont pas, une fois encore, tenu la promesse des fleurs. Après de vives tensions politiques et une élection à polémique, Houngbédji devrait encore perdre. Ce dernier échec met fin à 20 ans de carrière politique passée à l’Assemblée nationale avec une virée au gouvernement pendant deux ans. Mais l’échec de Houngbédji, c’est également celui du Prd, le parti qu’il a créé, lequel a souvent porté sa candidature et dont il est le président depuis 1991.

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Machine à sous

La lettre de démission de l’ex-secrétaire général du parti Moukaram Badarou a livré à la face du monde les dessous de ce parti. C’est une sorte de ploutocratie où règnent en maître des bourgeois et où le militantisme se mesure à l’aune du cordon la bourse. Plusieurs témoignages concordent sur ce sujet. «Au Prd, si tu n’as pas l’argent et si tu ne portes pas des boubous bien amidonnés, on ne te considère pas», confie un ancien militant et membre fondateur de ce parti. Mais pour comprendre cela, il faut aller chercher dans la genèse de ce parti. En 1991, lors de la première élection pluraliste de l’ère démocratique, le candidat Adrien Houngbédji avait fait sortir les grands moyens pour battre campagne. Des témoins de cette élection racontent un président très généreux qui donnait de l’argent partout où il passe. Il n’est pas donc hasardeux de dire que le Chef président du parti venu fraîchement au pays après un exil doré n’a imposé son parti qu’à coût d’espèces sonnantes et trébuchantes. Dépassés et engloutis par la puissance financière du Prd à un moment où la rivalité entre ces deux formations est à son paroxysme, des faucons du parti Ncc d’Albert Tévoédjrè n’hésitaient pas à qualifier le Prd de «parti de petits commerçants». «Le Prd n’a jamais été un parti, c’est un regroupement d’intérêts économiques, une machine à sous», dénonce un ancien cacique du Prd. Les cadres pouvaient être comptés du bout des doigts. Ceci aussi explique le fait que les rares intellectuels ne résistent pas. Et c’est bien les cas de Joël Aïvo, Moukaram Badarou, Romain Kiki et consorts. Avant eux, Thimothée Zannou, Bernard Dossou et bien d’autres. La même lettre du Sg Badarou laisse l’image d’un parti où les décisions sont prises par le seul président. Les structures décentralisées comme les sections, les sous-sections et les cellules ne fonctionnement qu’en période électorale. La logique de Me Houngbédji est simple: garder son hégémonie sur le parti et rester sa seule vitrine. Le parti fonctionnait sur «le président a dit» et sans le vouloir, Houngbédji sciait la branche sur laquelle, il est assis. Vingt ans après, il doit avoir le courage de s’autocritiquer et de démocratiser ce parti avant d’aller en retraite. Sans quoi, il aurait choisi de le tuer après avoir achevé sa carrière politique.

Après Soglo, le tour de Houngbédji

Le président du parti du Renouveau démocratique (PRD), Adrien Houngbédji, se fait abandonner par ses pairs à mesure que sa retraite politique se précise. Les raisons les plus évidentes restent son échec à la présidentielle de 2011 et son désistement à être candidat à la députation de la même année. Moukaram Badarou et Joël Aïvo, militants dévoués du PRD depuis des lustres, démissionnent à grand renfort médiatique et ne pouvaient pas faire une autre lecture que d’imaginer que le marché politique se resserre autour d’eux, le parti étant en perte de vitesse.

En effet, les uns et les autres se courrouçaient de n’être pas positionnés sur la liste des candidats aux législatives pour briguer la députation d’avril 2011. Cela, ajouté à d’autres griefs liés à des intérêts personnels, a pu conduire des militants à descendre d’une voiture conduite au garage, surtout si ceux-ci poursuivre leur chemin.

Au Bénin, ce fait n’est pas nouveau. Le leader de la Renaissance du Bénin (Rb), Nicéphore Dieudonné Soglo, au lendemain de son échec à la présidentielle de 1996, avait vécu la même situation. On se souvient de l’épisode de la grande transhumance politique qui avait eu cours autour de lui.

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A l’époque, la transhumance faisait des ravages, notamment avec le pouvoir de Kérékou qui s’en servait pour menacer les formations politiques de l’opposition, dont celle des renaissants. Pour y parvenir, des caciques du parti étaient approchés aux fins de rejoindre la mouvance présidentielle. Dans ce lot se trouvait l’honorable Nataniel Bah qui, après sa démission, a même tenté d’arracher au parti son logo en vue de remettre en cause l’identité de la Rb. Rosine Soglo, au sortir d’une réunion de crise aurait déclaré que s’il y a tant de problème dans son parti, c’est parce que Soglo a échoué à la présidentielle de 1996.

De 1996 à 2011, il n’y a que quelques années. Et dans ce laps de temps, la mentalité du Béninois n’a pu encore changer. Et lui préfère rester dans la direction du vent qui tourne pour aller vite au réfectoire. Comme il en a été le cas, hier, de Soglo à Kérékou et aujourd’hui de Houngbédji à Yayi.

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