Résurgence du conflit casamançais : incendie dans l’arrière-cour du pompier?

Le Sénégal va mal. Ça se voit et ça se fait voir depuis plusieurs années. Le « sopi » arrivé en fanfare en 2000 n’a pas résolu grand-chose comme problème. Ou probablement si, mais l’attitude ambigüe du « vénérable » Me Abdoulaye Wade ces dernières années donne tant de motifs de n’y plus voir grand bien. Ainsi, l’actualité sénégalaise ces derniers jours, c’est la visite du Président de la République à Benghazi, fief des insurgés qu’il a reconnus comme seuls représentants légitimes du peuple libyen. Oubliant sans doute que l’arrière-cour casamançaise pourrait en prendre de la graine. Et ça n’a pas tardé. La Casamance bouge.

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Ils sont nombreux, ceux qui, partisans déclarés ou non du Colonel Mouammar Kadhafi, se sont demandé à l’occasion de la reconnaissance du Conseil national de Transition (CNT) libyen par le Chef de l’Etat sénégalais, quel aurait pu être la réaction de celui-ci, si au plus fort des agitations indépendantistes en Casamance, un quelconque Etat avait décidé de reconnaître unilatéralement l’autodétermination de cette région du Sénégal. De fait, la question se pose avec une certaine ironie. C’est vrai qu’elle eût été rocambolesque, la scène d’un Kadhafi venu en Casamance s’adresser à Me Wade « en le regardant droit dans les yeux » pour l’inviter à quitter le pouvoir avant qu’il ne soit trop tard. Le genre de bouffonnerie que l’on n’a jamais vu faire le Guide libyen pourtant si coutumier d’autres types de menus scandales.

En réalité, la situation est loin d’être  la même dans les deux pays. La Libye de celui qui, il y a peu se faisait passer pour le « Roi des rois traditionnels » d’Afrique, est en proie à un soulèvement populaire impliquant plusieurs couches et catégories sociales, ethniques et politiques. Et nul n’ignore que dans cette crise, la communauté occidentale a pris fait et cause pour les insurgés et pilonne les positions des forces loyalistes. La Casamance par contre est dans un état de « ni paix, ni guerre » depuis près d’une trentaine d’années. Ce conflit, localisé dans la partie sud du Sénégal, a résulté de la confiscation des terres des autochtones au profit de populations du nord du Sénégal et d’hôteliers, des brimades de l’administration sénégalaise et du mépris culturel contre les Casamançais. C’est du moins ainsi que le ressentent les populations de cette région déshéritée d’un Etat déshérité, mais dont les incontestables recettes touristiques ne servent de toute évidence pas à impulser le développement. Les intermittentes périodes d’accalmie, comme celle qui a précédé le récent accès de fièvre, résultent indistinctement d’accords de trêve, de ratissages des zones sous contrôle rebelle par l’armée, de pourparlers internes à un mouvement indépendantiste pour le moins éclaté.

C’est donc maintenant, plus que d’ordinaire, que les rebelles casamançais ont choisi de s’exprimer. A dessein. Autant à travers des discours que des actes de violence dans le maquis. Le joyeux conseilleur de Benghazi a bien en effet des choses à régler chez lui. Il ne suffit pas de profiter du malheur d’autrui, malheur du peuple libyen plus que de son Guide vomi, pour aller s’acheter une nouvelle étoffe d’allié irréductible auprès des coalisés occidentaux. Il faut encore savoir se démarquer de celui à qui l’on croit donner des leçons de démocratie. Une démarcation sans complaisance. Me Wade n’envoie certes pas ses chars et ses avions (peut-être aussi parce qu’il n’en a pas beaucoup) bombarder les populations civiles casamançaises, ni même assez sérieusement les troupes rebelles. Mais à y chercher de près, on ne manquera pas d’identifier des points communs entre le président sénégalais et l’homme fort de Tripoli. Ne serait-ce que sur la question de leurs ambitions dynastiques supposées ou réelles.

Néanmoins, en choisissant de reconnaitre les rebelles du CNT libyen et de leur accorder pion sur rue à Dakar, le Vieux président savait très bien qu’il ne risquait tout au plus que les quolibets de ceux qui allaient lui rappeler que dans son arrière-pays, couvait également un mouvement insurrectionnel auquel il devrait préalablement se dépenser à trouver solution. Mais l’enjeu potentiel a peut-être dépassé tous les autres. D’autant plus que l’agitation en Casamance ne retient plus depuis bien longtemps l’attention de grand monde. Trop peu de morts. Trop peu de mutilés. Pas de crimes de guerre, ni de crimes contre l’humanité. Me Wade peut dormir tranquille. Plutôt qu’un incendie dans la maison du pompier, c’est à une étincelle que le gouvernement sénégalais a à faire face. Pas de quoi, vraiment pas de quoi crier haro sur le baudet!

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