Sacraliser l’école et célébrer le maître

Le symbole est fort : le Chef de l’Etat, Boni Yayi, décore Albert Dako, son maître à l’école primaire. Symbole, parce que le Chef de l’Etat, n’a pas eu qu’un seul maître. Si la vie est une école, ce sont des centaines de maîtres qui ont balisé et qui balisent encore les chemins de destinée du Président. Symbole, parce que si Boni Yayi n’avait pas été élevé au palier supérieur de l’Etat, il est à peu près sûr qu’Albert Dako, comme bien d’autres serviteurs de l’Etat, n’aurait pas été tiré du trou anonyme de sa retraite pour les honneurs d’une décoration et d’une distinction nationale.

La vie réserve souvent des surprises, grâce à une conjonction heureuse de facteurs. Un Président qui se souvient et qui grave dans le marbre de la reconnaissance la valeur d’une dette. Un ancien maître, contre toute attente, honoré, distingué, comblé au soir de sa vie. Une foule de témoins admiratifs, mais qui s’interrogent sur l’avenir de l’école, le statut du maître et de la fonction enseignante.

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A travers Albert Dako, c’est incontestablement toute l’école béninoise qui est honorée. Ce que l’ancien instituteur de Boni Yayi a représenté et représente pour le Président de la République, des centaines de maîtres l’ont représenté et le représentent encore pour des milliers, voire des millions de Béninois. Et ceci, dans tous les ordres d’enseignement.

Parce que l’école est un moule. Elle forme et formate le citoyen pour la vie. Il lui revient, en effet, de transmettre les valeurs d’une société, de dispenser les éléments du savoir universel. Il lui revient de construire une conscience d’être, fondée sur le discernement. Faut-il le préciser, le discernement, c’est la capacité mentale, la disposition de l’esprit à juger clairement et sainement les choses.

C’est parce que l’école reste le lieu témoin de ce processus d’apprentissage et d’édification humaine que nous voulons appeler à la sacralisation de l’espace matériel et physique de toutes nos écoles, sur toute l’étendue du territoire national. Cela signifie, en clair, que tout ce qui s’appelle école chez nous, ou qui s’honore de l’être, doit rigoureusement répondre à des normes et à des spécifications précises.

Des écoles dans les bas-fonds qui font cohabiter les élèves et les crapauds, des bicoques crasseuses qui menacent ruine, tenant lieu de salles de classes… tout cela revient à insulter l’esprit. Exactement comme des lieux de culte implantés dans des environnements malsains, spirituellement insalubres, sont une insulte faite à Dieu. La sacralisation de l’espace de l’école doit devenir notre nouveau credo pour que tout lieu où se transmet le savoir, où se forme la conscience citoyenne de nos compatriotes, soit entouré du plus grand respect. Autant les marchands n’ont pas leur place dans la maison de Dieu, autant l’école doit cesser d’être un espace banal ouvert à toutes les banalités.

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Et si nous admettons que l’espace de l’école est sacré et doit mériter, par conséquent, le respect qui lui est dû, c’est toute la fonction enseignante qui est à reconsidérer, qui est à revaloriser. Car l’école élevée au rang d’un sanctuaire fait ipso facto du maître un prêtre du savoir, un chef de culte dans le domaine de l’apprentissage, un guide-éclaireur qui conseille et oriente.

Ce qui voudrait dire que n’est pas et ne reste pas maître qui veut. La règle nouvelle, c’est qu’on ne naît pas maître, mais qu’on le devient. La règle nouvelle, c’est qu’il faut mériter de rester maître en donnant, chaque jour, des gages sûrs, pour montrer que l’on n’a pas usurpé son titre de maître.

En contrepartie de quoi, les maîtres méritants doivent sentir sur leurs épaules la main chaleureuse de la patrie reconnaissante. Ce n’est pas d’argent qu’il s’agit. Mais, dans l’ordre du symbole, des gestes et des actes forts qui témoignent d’un intérêt, portent une attention, soulagent du fait d’avoir cassé sa vie à construire celle des autres. L’enseignement est un sacerdoce. Il doit épouser les contours de nos exigences nouvelles dans nos écoles, à tenir désormais pour des lieux sacrés de célébration de l’esprit. Gloire donc à nos maîtres, de vrais officiants préposés à prendre leur part au culte sans fin de l’apprentissage de la vie et de l’édification de la personne humaine.

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